Des Québécois veulent fournir la planète en lithium

Un cristal de spodumène contenant du lithium.
Photo : Pier Gagné
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
On retrouve de plus en plus de lithium dans nos piles et batteries de téléphones cellulaires, d'ordinateurs portables et de voitures électriques. Jusqu'à maintenant, la majeure partie venait d'Amérique du Sud, mais il existe aussi du lithium au Québec. Pour la première fois, des entrepreneurs québécois veulent prendre ce minerai et le transformer sur place pour en faire un des produits les plus recherchés sur la planète.
Un texte de Daniel Carrière, de Découverte
La découverte
C’est à Nemaska, à 300 kilomètres au nord de Chibougamau, que se trouve un des plus grands gisements de lithium au monde. En 2008, Guy Bourassa, un avocat de formation qui a fait carrière dans le domaine minier, cherchait du nickel dans le Bouclier canadien lorsqu’il est tombé sur de la pegmatite, une immense veine de roche blanche dans laquelle se trouve du lithium.

Veine de pegmatite exploitée dans le secteur de Nemaska
Photo : Radio-Canada
Deux ans plus tard, il commence ses premiers forages. Le dépôt de pegmatite est immense. Le gisement qui remonte à la surface fait plus d’un kilomètre de long par un demi-kilomètre de profondeur. Selon les premières analyses, ce dépôt serait le troisième gisement de lithium en importance au monde.
Si la roche est facilement accessible, le lithium, lui, est bien caché à l’intérieur. Il est emprisonné dans des cristaux de spodumène qui se trouvent à l’intérieur de la pegmatite.

Gisement de pegmatite exploité par Nemaska Lithium
Photo : Radio-Canada
Le défi
On sait depuis les années 40 qu’il y a du lithium dans le Grand Nord québécois. Mais ce lithium était jusqu'ici trop cher à exploiter. Contrairement au lithium d’Amérique du Sud qui flotte dans une saumure, le lithium québécois est emprisonné dans ce double « coffre-fort » de roche et de cristaux. Plusieurs compagnies minières ont essayé de l’exploiter, mais ont été forcées d’abandonner leur gisement face à l’ampleur du défi.

Le spodumène est visible en vert dans la roche de pegmatite blanche.
Photo : Pier Gagné
À Nemaska, on commence par concasser la roche de pegmatite pour en extraire les cristaux de spodumène. Des concasseurs parviennent à broyer et à séparer les minéraux et les impuretés. Les installations à Nemaska produisent alors un concentré qui contient 95 % de fines particules de cristaux de spodumène.
Mais même si on a ouvert le premier coffre-fort, le lithium est toujours prisonnier des cristaux, qui en contiennent moins de 4 %. Le vrai défi consiste à ouvrir ce dernier coffre-fort pour en extraire les petites traces de lithium qui s’y cachent.

Procédé de concassage de la roche de pegmatite et de concentration du spodumène
Photo : Pier Gagné
L’Australie, qui a aussi de grandes réserves de pegmatite à spodumène, envoie son concentré en Chine, où on libère les cristaux à l’aide de produits chimiques très polluants. L’entreprise Nemaska Lithium a opté pour une nouvelle solution : extraire le lithium ici, au Québec, en utilisant l’hydro-électricité.

Concentré de spodumène
Photo : Pier Gagné
Une nouvelle technologie moins polluante
C’est dans une vieille usine désaffectée de Shawinigan qu’on a aménagé la première usine de transformation du lithium au Québec. Le procédé électrochimique que Nemaska Lithium a mis au point est tellement novateur qu’elle a décidé de bâtir cette usine pilote pour en faire la démonstration.

L'usine de transformation du lithium, située à Shawinigan
Photo : Radio-Canada
Dans cette usine, le concentré de spodumène est d’abord trempé dans des bains d’acide sulfurique. L’acide parvient à déloger les particules de lithium qui baignent dans un liquide saumâtre.
Cette solution passe ensuite dans une cellule d’électrolyse qui permet de séparer le lithium des autres cristaux et impuretés.
Infographie : Christian Goupil
Finalement, le lithium est libéré. Il s’agit de l’hydroxyde de lithium, un lithium d’une grande pureté spécifiquement fabriqué pour répondre à la demande des constructeurs de batteries de voitures.
Un autre avantage de cette méthode est que Nemaska Lithium parvient à recycler la majorité de l’acide sulfurique qu’elle utilise dans le procédé d’électrolyse, ce qui en ferait une des méthodes d’extraction de pegmatite de lithium les moins polluantes sur le marché.

Cristaux d'hydroxyde de lithium obtenus à la fin du procédé
Photo : Radio-Canada
Jusqu’à maintenant, la petite usine de démonstration a réussi à produire trois tonnes d’hydroxyde lithium à partir du concentré de la mine de Nemaska.
Le procédé électrochimique fonctionne à petite échelle. Il reste maintenant le défi de construire une usine de traitement de 500 millions de dollars qui sera 60 fois plus grande que l’usine de démonstration.

L'usine de démonstration, à Shawinigan
Photo : Pier Gagné
L’hydroxyde de lithium, comme celui qui est produit à Shawinigan, suscite beaucoup d'intérêt des fabricants de voitures électriques. Les batteries des Tesla, par exemple, contiennent jusqu’à 50 kg de ce produit.
Il y a très peu de producteurs d’hydroxyde de lithium dans le monde, et un très petit nombre sont capables de faire de l’hydroxyde de lithium de qualité batterie. Notre prétention, c’est qu’en 2020, on va représenter au moins 30-35 % de l’approvisionnement mondial d’hydroxyde.
Au prix de vente actuel, on estime que la mine de Nemaska va générer des revenus de 20 milliards de dollars au cours des 30 prochaines années.
Le reportage de Daniel Carrière et de Pier Gagné est diffusé à l'émission Découverte, dimanche, à 18 h 30, à ICI Radio-Canada Télé.