Yoshua Bengio, notre Scientifique de l’année

Yoshua Bengio, directeur de l’Institut des algorithmes d’apprentissage (MILA), Université de Montréal
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Radio-Canada nomme le professeur Yoshua Bengio de l'Université de Montréal Scientifique de l'année 2017 pour « ses recherches qui ont révolutionné et approfondi notre connaissance de l'intelligence artificielle, et ses initiatives qui font de Montréal un centre névralgique dans ce secteur ».
Un texte d'Alain Labelle
Son souci constant de faire comprendre au plus grand nombre les réalités et les enjeux associés à l’intelligence artificielle est également souligné par Radio-Canada qui décerne le prix depuis 31 ans.
Grâce à Yoshua Bengio, le génie québécois s’est distingué au sein des géants mondiaux de l’informatique et du web.
Il sera l’invité de l’émission Les années lumière, animée par Sophie-Andrée Blondin, le dimanche 28 janvier 2018 entre 12 h et 14 h, sur ICI Radio-Canada Première. Sur ICI Radio-Canada Télé, l’émission Découverte animée par Charles Tisseyre propose un portrait du scientifique dimanche, à 18 h 30.
Né à Paris, Yoshua Bengio est arrivé au Québec à l’âge de 12 ans. Il a développé très tôt un intérêt pour les ordinateurs.
Depuis que je suis petit, je me demande qu’est-ce qui nous rend intelligents. Maintenant j’essaie de comprendre les mécanismes qui mènent à l’intelligence.
Aujourd’hui âgé de 53 ans, il enseigne depuis près de 25 ans à l’Université de Montréal, où il est professeur titulaire du Département d’informatique et recherche opérationnelle.
Il est aussi :
- directeur de l’Institut des algorithmes d’apprentissage de Montréal (MILA)
- codirecteur du programme Learning in Machines and Brains de l’Institut canadien de recherches avancées,
- titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les algorithmes d’apprentissage statistique
- directeur scientifique de l’Institut de valorisation des données (IVADO)
- l’un des fondateurs d’Element AI qui élabore des applications pratiques de l’intelligence artificielle pour une variété d’entreprises
Montréal, ville intelligente
Ses travaux et sa réputation mondiale ont contribué à attirer à Montréal la plus importante concentration de chercheurs en intelligence artificielle au monde, des ressources qui seront prochainement canalisées par la création d’un centre d’excellence mondial.
L’intelligence, ce n’est pas ce qu’on mesure avec un test d’intelligence, c’est la capacité de prendre les bonnes décisions dans toutes sortes de contextes.

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes
M. Bengio est également l’auteur de trois livres et de plus de 300 articles scientifiques. Il est cité plus de 80 000 fois dans des recherches effectuées cet automne sur Google Scholar. Officier de l’Ordre du Canada, il a reçu plus tôt cette année le Prix Marie-Victorin, le Prix du Québec récompensant les travaux scientifiques.
Son domaine d’expertise est l’apprentissage profond (Deep Learning).
Son ambition est de comprendre les mécanismes mathématiques et computationnels qui permettent à l’intelligence d’éclore lors du processus d’apprentissage.
Ce qui est fascinant, c’est de penser que l’intelligence pourrait peut-être se résumer à une formule mathématique ou à un petit nombre de formules mathématiques. C’est ce que j’essaie de découvrir.
Ce leader rassembleur est notamment reconnu pour ses résultats théoriques sur les réseaux de neurones récurrents, les noyaux (kernel machines), les représentations distribuées, la profondeur des architectures neuronales et le défi d’optimisation de l’apprentissage profond.
Ses travaux ont été essentiels pour avancer sur les questions de profondeur d’apprentissage des réseaux, sur la façon dont les réseaux de neurones peuvent apprendre automatiquement des mots par une représentation vectorielle (vector embeddings), sur celle dont la traduction automatique peut bénéficier de l’apprentissage profond par le biais de mécanismes d’attention, ou encore sur l’apprentissage non supervisé grâce à des modèles génératifs profonds.
Yoshua Bengio parle d'ailleurs avec fierté d’une percée importante dans la traduction automatique de Google basée sur des travaux qui ont été faits à Montréal et qui utilisent les derniers progrès en apprentissage profond.
Créer un monde meilleur

Photo : Radio-Canada
Selon Yoshua Bengio, l’intelligence artificielle risque de complètement révolutionner notre mode de vie actuelle. Il estime que cette révolution sera beaucoup plus rapide et plus fulgurante que la révolution industrielle.
Le scientifique explique que l’intelligence artificielle va s’imposer de plus en plus dans notre quotidien et pourra éliminer certaines catégories d'emplois. Par exemple, des robots pourront analyser des radiographies ou réaliser des appels ou conduire voitures et camions.
Je crois qu’il va y avoir une valorisation des emplois qui impliquent l’humain, humain à humain. On ne veut pas que les machines, on ne veut pas que les robots s’occupent de nos enfants, nos aînés, nos malades, moi je n’ai pas envie que mon psychologue soit un robot!
Une arme à désarmer
Les robots tueurs décrits dans les scénarios de science-fiction pourraient aussi devenir réalité grâce à l’intelligence artificielle, soutient Yoshua Bengio. Comme d’autres scientifiques, il met en garde contre les dérives d’une intelligence artificielle à qui l’on n’imposerait pas de barrières morales ou éthiques.
Va-t-on utiliser cette technologie pour le bien? Pour le mal? Va-t-on s’organiser collectivement, politiquement, socialement pour éviter les abus?
Pour Yoshua Bengio, il n’est pas question de concevoir des armes automatisées pouvant tuer sans intervention humaine. Il ne faut pas franchir cette limite morale.
Sans encadrement politique et législatif, des chercheurs pourraient mettre au point des armes capables de massacrer des populations spécialement visées par un État ou encore un groupuscule politique ou militaire.
Il a donc demandé, à l’instar de centaines de scientifiques canadiens, au gouvernement fédéral d’intervenir et de soutenir les démarches internationales en cours depuis plusieurs années afin d’obtenir la mise en place d’un traité international pour interdire les robots tueurs. Il soutient que le développement d’une conscience numérique doit se faire « au bénéfice de l’humanité ».
« Il y aura toujours des États qui vont tricher, mais avoir un traité international pourrait avoir un impact important sur le développement [des robots tueurs] et en faire quelque chose d’immoral », explique-t-il.
Le titre de Scientifique de l’année de Radio-Canada est remis à une personnalité ou à une équipe qui, au cours de l’année écoulée, s’est illustrée par une découverte, une publication ou une réalisation remarquable. Décerné pour la première fois en 1987, le prix en est à sa 31e année d’existence.
Pour écouter l'entrevue de M. Bengio à l'émission Midi Info, cliquez ici.