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Des chefs innus dénoncent le manque de financement dans leurs communautés à la commission Viens

Photo prise lors des audiences de la commission Viens.

Le chef d'Unamen Shipu, Bryan Mark, le chef de Pakuashipi, Denis Mesténapéo, et le traducteur Gervais Malleck

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Le chef de la communauté innue de Pakuashipi, Denis Mesténapéo, et le chef de la communauté innue d'Unamen Shipu, Bryan Mark, ont témoigné mardi matin devant la Commission d'enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (commission Viens), qui se déroule à Val d'Or. L'isolement de ces communautés, qui ne sont pas reliées au réseau routier québécois, entraîne des problèmes dans plusieurs sphères quotidiennes.

Un texte de Émile Duchesne

La question du mode de fonctionnement et du financement des services de police a été au cœur de l'intervention des deux chefs. À Pakuashipi, le service de police autochtone est sous-financé et affiche des déficits année après année, selon Denis Mesténapéo. La principale dépense du service concerne le transport des détenus en avion jusqu'à Sept-Îles. Selon le chef, le transport d'un seul détenu peut coûter entre 5000 $ et 8000 $.

Denis Mesténapéo a soulevé l'iniquité de financement entre les services de police autochtones et la Sûreté du Québec.

La Sûreté a beaucoup d'argent tandis que nous, on a un budget déficient. Je comprends très mal pourquoi le gouvernement ne met pas beaucoup d'argent dans nos communautés, car nous sommes confrontés à beaucoup de problèmes.

Une citation de Denis Mesténapéo, chef de Pakuashipi
Denis Mesténapéo en marge de la commission Viens.

Le chef de la communauté innue de Pakua Shipi, Denis Mesténapéo

Photo : Radio-Canada

À Unamen Shipu, c'est la Sûreté du Québec qui assure le service de police. Le fait que ce soit des policiers non autochtones qui patrouillent dans la communauté inquiète beaucoup le chef Bryan Mark. Selon lui, la communauté a vécu plusieurs traumatismes avec des policiers dans les dernières années. Le chef a évoqué la mort de Terry Lalo lors d'une intervention policière à Sept-Îles, en 2002, et l'arrestation musclée de Norbert Mesténapéo en 2013.

Selon Bryan Mark, la barrière de la langue et les différences culturelles sont les plus gros problèmes de la communauté avec la Sûreté du Québec. Le chef a aussi relaté différents problèmes à la répartition téléphonique. Selon lui, un appel au 911 peut prendre jusqu'à une heure avant d'être relayé à un policier basé à Unamen Shipu, l'appel passant d'abord par Baie-Comeau et Blanc-Sablon.

Le conseil de bande aurait également reçu des plaintes à propos de policiers qui ne répondaient pas à leurs appels parce qu'ils dormaient.

Bryan Mark en marge des audiences de la Commission Viens

Le chef de la communauté innue de Unamen Shipu, Bryan Mark

Photo : Radio-Canada

La Sûreté du Québec est à Unamen Shipu depuis 2008. Depuis ce temps, le conseil de bande tente de remettre en place un corps de police autochtone. Ces démarches sont restées lettre morte, selon Bryan Mark.

On n'a jamais reçu de réponse favorable à la création d'un corps de police.

Une citation de Bryan Mark, chef de Unamen Shipu

Le conseil de bande d'Unamen Shipu aurait fait plusieurs demandes à la Sûreté du Québec pour qu'un membre de la communauté accompagne les policiers dans leurs patrouilles afin d'abaisser les tensions. Cette demande leur a toujours été refusée, selon le chef Bryan Mark.

Accès difficile à la justice

À Pakuashipi et Unamen Shipu, c'est la cour itinérante qui assure les services judiciaires à raison de deux visites par année. Denis Mesténapéo a souligné que cet horaire allonge le délai entre la mise en accusation et le dévoilement du verdict. Le chef Mesténapéo aimerait aussi que les structures de la cour itinérante soient revues pour que la communauté soit davantage engagée dans les délibérations.

Photo prise lors des audiences de la commission Viens.

Le chef de Unamen Shipu, Bryan Mark, et le chef de Pakua Shipi, Denis Mesténapéo

Photo : Radio-Canada

Le chef de Pakuashipi affirme aussi que les dossiers soumis à la Sûreté du Québec à Sept-Îles sont ignorés. Selon lui, le processus manque de suivi, ce qui empêche la tenue de plusieurs enquêtes.

Souvent, la SQ ne veut pas aider nos corps policiers. Je ne sais pas c'est quoi l'idée.

Une citation de Denis Mesténapéo, chef de Pakuashipi

Santé : des services inadéquats et sous-financés

Les deux communautés possèdent des centres de santé, mais elles n'ont pas de médecin résident. Les infirmiers présents ne peuvent ni prescrire de médicaments ni donner le feu vert à un transfert vers un autre hôpital. Cette décision doit être prise par un médecin à Blanc-Sablon.

À Pakuashipi et Unamen Shipu, l'innu est la langue de tous les jours et beaucoup de personnes ne maîtrisent pas assez bien le français pour comprendre ce qui leur arrive lorsqu'elles reçoivent des soins de santé dans cette langue. Lorsqu'ils sont transférés vers d'autres hôpitaux, beaucoup de patients ont besoin d'interprètes, ce qui est souvent refusé faute de budget, selon Denis Mesténapéo.

Souvent, les gens n'ont pas droit à une personne qui les accompagne ou à un interprète pour pouvoir comprendre les médecins.

Une citation de Denis Mesténapéo, chef de Pakuashipi
Le village de Pakuashipi

Une vue récente de la communauté de Pakuashipi. On peut apercevoir le village anglophone de Saint-Augustin l'autre côté de la rivière qui est accessible en aéroglisseur.

Photo : Radio-Canada

À Unamen Shipu, la communauté dispose d’un budget de 2,3 millions de dollars pour les déplacements médicaux. Si ce montant parvient aujourd’hui à répondre aux besoins de la communauté, cela n’a pas été toujours le cas. Le conseil de bande a longtemps affiché un déficit dans ce poste budgétaire, parfois même jusqu’à 600 000 $, selon Bryan Mark. En 2011, à la suite d'un audit sur les dépenses de la communauté en santé, le gouvernement fédéral a majoré le budget de la communauté à 2,3 millions de dollars.

Selon Bryan Mark, certains accommodements pourraient être réalisés pour faciliter les choses dans les centres de santé, mais la législation de Santé Canada ne le permet pas.

Ils sont forcés d'appliquer ça à la lettre, lors de la production de rapports. Ce sera pas long qu'ils vont couper le budget s'il y a de l'argent qui est destiné au transport médical qui est utilisé dans un autre volet du centre de santé.

Une citation de Bryan Mark, chef d'Unamen Shipu

Quitter la communauté pour étudier

Les jeunes de Pakuashipi peuvent aller à l'école jusqu'en deuxième année du secondaire dans leur communauté. Après, ils doivent déménager. Selon Denis Mesténapéo, la communauté peine à appuyer financièrement les jeunes pour qu'ils poursuivent leurs études, ce qui occasionne beaucoup de décrochage.

Nous n'avons aucun financement pour appuyer les jeunes qui vont partir étudier à l'extérieur.

Une citation de Denis Mesténapéo, chef de Pakua Shipi
Une photo en hauteur du village de Unamen Shipu, en Basse-Côte-Nord

La Romaine, en Basse-Côte-Nord

Photo : Radio-Canada

Par contre, à Unamen Shipu les jeunes peuvent terminer leur secondaire dans la communauté. Ils doivent quitter l'endroit s'ils veulent étudier au cégep, au professionnel ou à l'université. Contrairement à celui de Pakuashipi, le conseil de bande d'Unamen Shipu réussit à appuyer financièrement les jeunes avec un bricolage de subvention et en pigeant à même le budget général du conseil.

On serait même pas supposé de faire ça. Mais on est forcés de le faire sinon, nos étudiants, ils passeraient même pas un mois pis ils reviendraient dans la communauté.

Une citation de Bryan Mark, chef de Unamen Shipu

Les chefs des deux communautés ont affirmé qu'il n'y avait pas assez de logements pour loger les professeurs de leurs écoles.

Les audiences de la commission Viens se poursuivent mercredi avec le témoignage de la présidente de la commission scolaire crie, Kathleen J. Wooton.

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