La petite histoire d’un grand mouvement de solidarité
Une femme qui participe à la veillée à la bougie.
Photo : Radio-Canada / Maxime Corneau
Veillée à la chandelle, marche contre la haine, envois de lettres : les initiatives citoyennes se sont multiplées dans la foulée de la tuerie qui a fait six morts à la mosquée de Québec. Le 29 janvier 2017, c'est aussi l'histoire de la naissance d'un mouvement de solidarité qui est toujours actif.
Un texte d’Alexandre Duval
Sébastien Bouchard était chez lui lorsqu’il a appris qu’une tuerie s’était produite au Centre culturel islamique de Québec. « J’ai eu un sentiment de panique », se souvient ce père de famille.
Immédiatement, son réflexe a été de lancer un appel à la mobilisation sur Facebook. Mis au parfum que deux événements étaient déjà en préparation, il est entré en contact avec les instigateurs dans le but d'unir leurs forces.
« Je suis allé m'embarrer dans la salle de bain au sous-sol pour ne pas réveiller les enfants. J'avais mon téléphone et mon ordinateur. J'ai passé une partie de la nuit avec cinq ou six personnes à planifier ce qu'on allait faire le lendemain », raconte Sébastien Bouchard.
Jusqu’aux petites heures du matin, le groupe d’internautes travaille sans relâche. Ils se divisent les tâches et tranchent en faveur d’une veillée à la chandelle qui se tiendra près de la mosquée.
Le tourbillon médiatique
Les détails de l’événement sont publiés sur Facebook et un communiqué de presse est envoyé aux médias. Au cours de la nuit, les internautes sont de plus en plus nombreux à manifester qu'ils seront présents.
Une jeune femme du groupe, Annie Demers-Caron, est désignée porte-parole auprès des médias francophones. Elle ne ferme pratiquement pas l'oeil de la nuit. « Dès le matin, à 6 h 30, le téléphone sonnait déjà. C’était les journalistes », se remémore-t-elle.
Pendant ce temps, Sébastien Bouchard apprend qu’une conférence de presse se tient à l’hôtel de ville de Québec en avant-midi. Le maire Régis Labeaume et le premier ministre Philippe Couillard y seront en compagnie de fidèles éplorés.
Sans hésiter, Sébastien Bouchard se rend à l’hôtel de ville. Il attend la fin de la conférence de presse pour entrer en contact avec les autorités afin de les informer de la veillée à la chandelle qui se prépare.
« Tout de suite, la Ville de Québec a donné son appui logistique. » À partir de là, les choses ont déboulé.
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Pendant toute la journée, le petit noyau de citoyens s'active à accorder des entrevues aux médias, distribuer des tâches à des bénévoles et prendre contact avec les autorités.
Le soir venu, les citoyens affluent par milliers. Un immense monument improvisé de bougies, peluches, fleurs et autres offrandes prend forme. Sébastien Bouchard est pris de court.
« Je vais avouer que dans la première demi-heure d'organisation, je me suis dit "Il faut apporter un mégaphone". Quand on fait le bilan que moins de 24 heures après, on était 15 000, disons que je n'avais pas compris l'ampleur! »
Alors que les politiciens s’apprêtent à monter sur scène, Annie Demers-Caron les réunit pour leur rappeler qu’ils ont un rôle important à jouer.
Encore aujourd’hui, elle s’étonne d’avoir eu tout cet ascendant. « Les discours, l’ordre des discours… C’est nous qui avions le contrôle! »
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Les retombées du mouvement
Dans les mois qui ont suivi la veillée à la chandelle, les citoyens impliqués dans l’organisation du rassemblement ont poursuivi leur action. De nouveaux bénévoles se sont aussi joints à eux.
Une marche contre la haine a réuni environ 700 personnes dans les rues de Québec, une semaine seulement après l’attentat. Au printemps, des lettres rédigées par de purs inconnus ont été remises aux familles des victimes ainsi qu’aux blessés.
À l’automne, une conférence sur la lutte contre le racisme a été organisée à l’Université Laval. Un groupe de Coordination des actions contre le racisme a également été mis sur pied.
La commémoration du 29 janvier
Depuis novembre, une commémoration citoyenne pour le premier anniversaire de l’attentat est en préparation. L’événement aura lieu le 29 janvier à 18 h 30 près de l’église Notre-Dame-de-Foy, comme lors de la veillée à la chandelle de l’an dernier.
Pour Maryam Bessiri, qui s’est jointe à ce mouvement de solidarité en cours d’année, cette implication est une nécessité.
« C'est à nous, les citoyens, de créer un espace de deuil et de solidarité où tout le monde pourra se retrouver », dit-elle.
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À savoir si cette commémoration citoyenne reviendra année après année, Sébastien Bouchard affirme que cette décision sera prise comme toutes les autres qui ont précédé : par le groupe de bénévoles, au terme d’une délibération démocratique.