Trump peut-il vraiment ranimer l’industrie du charbon?

Le président américain Donald Trump serre la main d'un mineur.
Photo : Reuters / Carlos Barria
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le président américain Donald Trump en a fait une promesse électorale : redorer l'industrie du charbon et préserver les milliers d'emplois qui en dépendent aux États-Unis. L'industrie est pourtant en déclin partout dans le monde et la tendance n'est pas sur le point d'être renversée, n'en déplaise à Trump. État des lieux.
Donald Trump est passé de la parole aux actes dès son entrée en poste. Il a d’abord abrogé le plan pour une électricité propre (Clean Power Plan) que lui avait laissé son prédécesseur Barack Obama. Il a aussi sorti les États-Unis de l’Accord de Paris.
Les deux conventions donnaient des lignes directrices aux États-Unis pour diminuer leur dépendance au charbon au profit de l’environnement. Mais la première n'avait jamais vu le jour et l'autre venait à peine d'entrer en vigueur, même si l’administration Trump leur reprochait d’être responsables du déclin de l’industrie.
Une récente étude de l’Université Columbia, aux États-Unis, montre en fait que les mesures d’Obama n’ont été responsables que de 3,5 % du déclin de la production de charbon entre 2011 et 2016, qui a chuté de 33 % pendant cette période.
Le directeur académique de l'Institut de l'énergie Trottier à Polytechnique Montréal, Normand Mousseau, estime que le discours et la politique de Donald Trump en faveur du charbon n’ont pas sens.
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« Plusieurs États ont mis en place des politiques qui exigent une part d’énergies renouvelables, et ça, ça n’a pas disparu avec Trump », rappelle-t-il.
« Il faut comprendre qu’aux États-Unis, la question de l’énergie, de l’électricité, n’est pas uniquement fédérale, poursuit celui qui est aussi professeur de physique à l'Université de Montréal. Les États ont énormément de pouvoir en termes de réglementation, ce qui fait que les décisions centrales ne sont pas aussi dramatiques qu’on le pense. »
Trump ne parviendra pas plus à s’imposer contre les réalités du marché, estime pour sa part l'analyste Matthew Preston, du groupe de consultants Wood Mackenzie. « Il n’a pas été en mesure jusqu'à maintenant de rouvrir des centrales ou de rendre l’économie plus favorable à ce mode énergétique », soutient-il.
De fermeture en fermeture
Dans la dernière décennie, près d’une centrale sur cinq (17 %) a cessé ses activités aux États-Unis, selon un rapport du groupe Union of Concerned Scientists. D’autres ont simplement été converties, notamment au gaz naturel.
« La vraie raison du déclin de l'industrie du charbon, c’est qu’il y avait une option moins coûteuse et tout aussi fiable avec le gaz naturel », poursuit Matthew Preston.
Le secteur énergétique est en effet en pleine transformation depuis plusieurs années déjà. Le charbon perd du terrain au profit du gaz naturel – moins coûteux et moins polluant – et des énergies propres, comme le solaire et l’éolien, qui sont désormais aussi – sinon plus – rentables que le charbon.
« Le gaz naturel est compétitif par rapport au charbon, répète Normand Mousseau. C’est la raison principale, et c’est arrivé à un moment où un grand nombre de centrales thermiques au charbon arrivaient en fin de vie. »
Le charbon est un minerai à teneur élevée en carbone et qui, une fois brûlé en présence d’air ou d’oxygène, génère de l’énergie thermique.
Peu d'avenir pour le charbon thermique
Les projections ne sont d’ailleurs pas favorables aux centrales thermiques au charbon. Selon la Union of Concerned Scientists, encore le cinquième d’entre elles seront soit fermées soit converties, aux États-Unis, dans un avenir rapproché. La majorité des centrales sur la côte est américaine ne seront par ailleurs plus rentables à court terme.
Et l’emploi?
Mais l’industrie du charbon emploie encore de nombreux Américains, dans des États et des villes dont la survie en dépend, rappelle Normand Mousseau.
« Ce sont des États qui ont connu les beaux jours de l’industrie, dans les années 60 et 70, dont toute la fortune est basée sur le charbon, comme la Virginie-Occidentale », donne-t-il pour exemple.
L'analyste Andrew Light, au World Resources Institute, estime dans ce contexte que Trump fait fausse route.
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Les chiffres montrent cependant que l’entrée en poste de Donald Trump concorde avec une vague d’embauches, voire un regain de l’industrie.
Après avoir atteint un creux record de 48 000 employés, en juillet 2016, l’industrie a ensuite repris de la vigueur dès octobre de la même année. Mais ça ne veut pas dire pour autant que le charbon renaît de ses cendres.
Hausse des exportations
Autre coïncidence : les exportations américaines de charbon ont été à la hausse en 2017, contrairement aux années passées.
Le regain s’expliquerait davantage par une hausse des prix, causé par une reprise de la demande de la Chine.
L’analyste Andrew Light précise que la demande provient du charbon métallurgique, utilisé dans la fabrication de l'acier plutôt que pour produire de l’électricité.
Les États-Unis ont surtout profité du fait que le principal fournisseur, l’Australie, n’est pas arrivé à répondre à la demande pour se glisser sur le marché.
Peu d’experts croient cependant qu’il faudrait voir là un second souffle à l’industrie américaine du charbon. « Il n’y a pas assez de demande en charbon métallurgique pour compenser les pertes d’emploi dans le secteur du charbon thermique », estime l’analyste du World Resources Institute.
Quand la demande mondiale est à la baisse
La même tendance s'observe sur la scène internationale, où la demande en charbon a diminué pour une deuxième année de suite en 2016, soit une baisse globale de 4,2 % depuis 2014, selon l’Agence internationale de l'énergie.
« Le charbon métallurgique est important, il rapporte plus, précise Normand Mousseau. Mais en termes de proportion, le charbon thermique domine toujours. »
Par contre, l'ensemble du monde s'intéresse moins qu'avant au charbon pour produire de l'énergie.
La Chine a par exemple renoncé à certains projets de centrales thermiques au charbon dans l’espoir d’améliorer la qualité de l’air. La Corée du Sud veut pour sa part tourner le dos définitivement au charbon.
L’Inde s’intéresse quant à elle moins aux importations, puisqu’elle veut devenir autosuffisante, note en outre l’Agence internationale de l'énergie dans son évaluation 2017 de l’industrie du charbon.
Les actions de Donald Trump vont peut-être freiner la chute du charbon aux États-Unis, mais ne vont donc pas renverser la vapeur.
« Il a ouvert la porte à un meilleur succès pour le charbon dans l’avenir, mais il fera face aux vents contraires provenant du marché », rappelle Matthew Preston.
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Soutenir l’industrie vers la transition
La production d’électricité dépend déjà de moins en moins du charbon aux États-Unis : environ 31 % en 2016, comparativement à 51 % en 2008.
Les États-Unis devraient ainsi se concentrer sur une politique énergétique moderne, centrée sur les énergies propres, selon l’analyste au World Resources Institute, Andrew Light.
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L’administration Trump devrait, en contrepartie, soutenir les communautés qui dépendent du charbon, « plutôt que de les nourrir de fausses promesses de ramener les emplois ».
Les politiques américaines pourraient, ajoute-t-il, assurer un filet de protection sociale pour les mineurs dirigés vers la retraite et épauler leurs enfants, qui devront choisir un autre secteur d’emploi.
« La solution, enchaîne-t-il, c’est de promouvoir d’autres centrales énergétiques, qui ne dépendent pas des combustibles fossiles, afin de créer de nouveaux emplois. »
« Nous ne pouvons pas que penser qu’il s’agit d’un problème avec l’industrie du charbon, conclut l'analyse. Il faut y penser dans un contexte global de créer une politique énergétique qui s’aligne avec les autres pays du monde pour promouvoir les énergies propres.
Et au Canada?
Environ 10 % de l'électricité est produite à partir du charbon au Canada, principalement dans les provinces de l'ouest et dans les Maritimes.
Contrairement aux États-Unis, le Canada s’est déjà engagé à cesser de produire de l’électricité en brûlant du charbon d’ici 2030. Les centrales thermiques au charbon seront remplacées par des sources d'énergie plus vertes, comme l'hydroélectricité et l'éolien.