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Avec le temps...

Deux acrobates font mine de se sauver d'un incendie virtuel.

Les acrobates Isabelle Chassé et Patrick Léonard, des 7 doigts de la main, interagissent avec les projections de 4D Art dans le nouveau spectacle Temporel.

Photo : Courtoisie/Jean-François Gratton

CHRONIQUE — J'ai croisé Michel Lemieux jeudi, à la sortie de la Cinquième Salle. Il m'a demandé ce que j'avais pensé du spectacle, Temporel. Je déteste ce genre de situation. Comme je sais mal mentir, un peu mal à l'aise, je lui ai répondu qu'en toute honnêteté, j'avais eu de la difficulté au début avec la proposition, mais que j'avais fini par me laisser gagner, ce qui est vrai. Du coup, je lui ai présenté ma fille, qui était à mes côtés et qui, pour sa part, était sortie de la salle emballée, touchée et émue. Avant de reprendre sa route, Lemieux m'a lancé : « C'est l'histoire de mes parents... »

Par ailleurs, ce nouveau spectacle de Lemieux Pilon 4D Art et des 7 doigts de la main pourrait être aussi l’histoire des miens, des vôtres, de ces couples qui vieillissent jusqu’à être séparés par l’âge, par le temps qui passe.

Le temps. C’est fou, ce temps, la fascination qu’il exerce sur l’humain éphémère et les créateurs, et le nombre d’œuvres qui en ont fait leur épicentre en littérature, comme Replay, de Ken Grimwood, ou La machine à explorer le temps au cinéma. Mille fois, le thème a été repris, et maintenant, les séries télévisées nous font voyager allègrement entre hier et aujourd’hui, entre l’Écosse du 20e siècle et celle du 17e.

Une confession : vous le savez, parce que cela a probablement dû vous arriver, il y a de ces spectacles qui, une fois que vous avez quitté le théâtre, continuent de cheminer, de vous habiter jusqu’à tracer leur route au fond de vos têtes et de vos âmes. C’est ce qu’on appelle l’art qui laisse sa trace. Dans ce sens, Temporel a fait son boulot. Après plusieurs heures, après la nuit, ce récit m’habitait toujours, de plus en plus même.

Comment ne pas voir en ce vieillard tremblotant celui qu’on deviendra? Comment ne pas voir dans la femme aimée celle qui un jour finit par disparaître, nous laissant seuls avec notre solitude? Comment ne pas se souvenir des enfants qui courent, du désordre, des épreuves de la vie, de l’amour et des moments de bonheur?

Ces faiseurs d’illusions, qui donnent vie aux holographies, je les ai beaucoup suivis depuis les années 1980. Je n’ai pas tout vu. Dire le contraire serait mentir, mais j’ai été fidèle à Lemieux et à Pilon, très fidèle à leur travail, surtout au cours des dernières années, parce que leur imagination, pour le mortel commun que je suis, relève du miracle et d’une forme de génie.

Comment créer l’émotion et l’érotisme dans une scène d’amour entre un personnage réel et un être de lumière, entre une bête et sa belle? Comment traduire la folie d’Icare, qui se brûle littéralement les ailes? Comment soulever La tempête, de Shakespeare?

C’est difficile de résister, de ne pas céder à la tentation, celle de croire à ce que l’on voit.

Tout autour de nous, dans cette Cinquième Salle de la Place des Arts, il y avait des élèves du secondaire; leurs t-shirts indiquaient « Arts de la scène au Collège Saint-Paul ». Nous avons échangé quelques mots avec notre petit voisin, qui nous a expliqué qu’ils venaient de Varennes. J’ai vu ces jeunes s’extasier, sourire et rire, même si, j’en suis certain, ils ne pouvaient, pas encore du moins, saisir la cruauté du temps qui passe et du vieillissement transformé en naufrage.

Honnêtement, en ce matin d’écriture, alors que les images défilent dans ma tête, même si la perfection n’est pas encore tout à fait au rendez-vous, je peux vous dire, amis lecteurs, que ce spectacle laisse à l’esprit des scènes d’incendie, d’enfants qui courent, de couple qui danse amoureusement, de vague qui submerge la réalité et d’objets qui flottent entre deux eaux…

Temporel marie l’humour, la poésie, l’illusion, l’expression physique des gens de cirque, le personnificateur du temps (Gisle Henriet), Lui (Patrick Léonard) et Elle (Isabelle Chassé), incarnation de la grâce.

C’est une vie qui défile sous nos yeux, celle d’un homme à qui il ne reste plus rien, sauf peut-être les souvenirs d’un passé somme toute heureux. Il est vrai qu’en prenant de l’âge, on comprend. On comprend mieux en tout cas ce qu’ont pu vivre nos parents. Le résumé se fait plus facilement et les explications surgissent presque naturellement.

Au cœur de Temporel, il y a le temps, bien sûr, celui qui passe et ne revient qu’en hologramme, et l’amour qui reste jusqu’au dernier souffle, jusqu’à la dernière larme.

Du fond de la scène surgit une illusion, une voix :

« Avec le temps
Avec le temps va tout s’en va
On oublie le visage et on oublie la voix
Le cœur quand ça bat plus, c’est pas la peine d’aller
Chercher plus loin, faut laisser faire et c’est très bien… »

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