Plomb dans le sirop d'érable : les acériculteurs québécois à pied d'oeuvre

La valeur de la production de miel et de sirop d'érable a augmenté en 2017 au Canada.
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Nombreux sont les acériculteurs québécois qui accélèrent le pas pour réduire la teneur en plomb du sirop d'érable qu'ils produisent. Ils n'ont pas le choix, puisque s'ils ne font pas les ajustements nécessaires avant 2020, le marché américain leur sera interdit.
Un texte de Fannie Bussières-McNicoll
Au Centre des Congrès de Victoriaville, où plus de 400 acériculteurs du Centre du Québec étaient rassemblés, une question était sur bien des lèvres : comment s'assurer de respecter rapidement l'entente californienne sur le plomb?
Cet accord conclu avec la Californie en 2014 prévoit que tous les producteurs acéricoles de la province, grands comme petits, doivent faire passer, d'ici octobre 2020, la teneur en plomb du sirop d'érable à moins de 11 parties par milliard, la norme de concentration qui s'applique généralement à l'eau potable.
Il s'agit d'une norme vingt fois plus sévère que celle du Québec, qui est de 250 parties par milliard.
Martin Pelletier, ingénieur forestier et chef d'équipe au Centre de recherche, de développement et de transfert technologique acéricole, reconnaît qu'il s'agit d'une norme particulièrement sévère, mais il ne la considère pas comme excessive. Il pense en fait que l'industrie doit aller dans cette direction.
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Assainir l'équipement
Le plomb est déjà présent dans la sève d'érable à l'état naturel. Ce que veut la Californie, c'est éliminer de l'équipement des acériculteurs ce métal lourd nocif pour la santé.
Les équipementiers ont donc été les premiers à terminer leur transition vers des produits entièrement composés d'acier inoxydable, qui ne contient pas de plomb.
Le directeur des ventes en érablières chez H2O Innovation, Mathieu Fortier, explique que plusieurs modifications ont dû être apportées notamment aux concentrateurs de sève d'érable : « Plusieurs de nos équipements contenaient des matières qui pouvaient contenir du plomb. Dans beaucoup de cas, il a fallu apporter des changements, en remplaçant le laiton par l'acier inoxydable. »
Cette entente avec la Californie force évidemment bien des acériculteurs à remplacer leur vieil équipement par des modèles plus récents, que les équipementiers ont ajustés aux nouvelles exigences.
Évaporateurs, concentrateurs, pompes, valves, barils d'entreposage, tout l'attirail des producteurs acéricoles doit être exempt de plomb pour éviter la contamination du précieux sirop. Pour certains, ces changements représentent des dizaines de milliers de dollars.
Le producteur acéricole Nicolas Saint-Pierre, pour qui la production de sirop d'érable est une passion qui s'est passée de génération en génération, juge que cette nouvelle norme est un peu exagérée.
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Mais pourquoi toute l'industrie québécoise du sirop d'érable doit-elle se plier aux exigences de la Californie? C'est que d'importants centres de distribution s'y trouvent. La norme californienne doit donc être respectée pour que le sirop d'érable soit distribué chez nos voisins du Sud. Se priver du marché californien, ce serait donc se priver de tout le marché américain, le principal client du Québec, résume David Lapointe, ingénieur forestier au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Se mettre à pied d'oeuvre pour respecter la norme californienne est également une stratégie des plus futées pour une autre raison, selon M. Lapointe.
« Le fait de respecter la norme californienne, c'est un avantage concurrentiel, parce qu'on pense que les Américains sont moins bien préparés que nous. On a fait le pari qu'en informant rapidement les entreprises [sur les changements à faire], on va tous être prêts pour respecter la date butoir en 2020. »
Bref, en acceptant de se conformer à la norme californienne, le Québec s'assure également de conserver sa position dominante sur le marché du sirop d'érable à l'échelle internationale.