Fly-in, fly-out : extraire des ressources et des travailleurs

De nombreux travailleurs de nos régions se rendent sur les chantiers du nord pour travailler.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
De nombreux travailleurs de nos régions parcourent des centaines de kilomètres pour se rendre au travail dans les grands chantiers du Nord. Alors que le navettage (communément appelé fly-in, fly-out) devient plus fréquent depuis le développement du Plan Nord, de plus en plus de chercheurs s'intéressent aux impacts de ce type de travail sur la santé des travailleurs et de leurs communautés.
Un texte de Julie Tremblay
« Quand on arrive là-bas, c'est le jour de la marmotte », illustre le travailleur-navetteur Yann Boulay. « C'est 14 jours de travail. Douze heures par jour [...] c'est la même chose, déjeuner-dîner-souper, on travaille et on se couche », explique ce Rimouskois qui travaille à la mine du lac Bloom, près de Fermont, depuis maintenant huit ans.

La professeure en développement régional à l'Université du Québec à Rimouski, Geneviève Brisson
Photo : Radio-Canada / Julie Tremblay
Ce type de travail aux horaires fragmentés a-t-il une incidence sur les communautés d'origine des travailleurs? C'est ce qui intéresse la professeure en développement régional Geneviève Brisson.
Des études préliminaires sur le sujet lui ont permis de constater que le travail par navettage a tendance à nuire au tissu social des communautés, que ce soit celles où vivent les familles des travailleurs ou celles dans lesquelles ils vont travailler.
On dirait qu'on extrait deux fois des ressources. On extrait d'une part des ressources naturelles, mais on extrait aussi des ressources humaines d'une autre communauté. [...] Cette double extraction, elle n'a pas de compensation dans les milieux dans lesquels on tire les ressources.

Un avion de Pascan à l'aéroport de Sept-Îles
Photo : Radio-Canada / François Gagnon
Un type de travail stressant
Mariève Pelletier, de l'Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), affirme pour sa part que l'on connaît peu les répercussions du travail par navettage, mais que l'éloignement, la difficulté à concilier le travail et la vie familiale, de même que les longues heures passées au chantier causent beaucoup de stress chez les travailleurs.
« Les travailleurs peuvent se sentir isolés, loin de leur famille, mais aussi, ils vont être inquiets, s'il arrive une urgence, de ne pas pouvoir intervenir. »
Comme ils passent beaucoup de temps loin des leurs, cela peut aussi causer des frictions entre les travailleurs et les autres membres de leur famille, poursuit Mme Pelletier.

Mélissa Couture, Yann Boulay et Benoît Boulay doivent se quitter à toutes les deux semaines lorsque Yann se rend à son travail à la mine du lac Bloom.
Photo : Radio-Canada / François Gagnon
Pour Yann Boulay et Mélissa Couture, qui se sont maintenant adaptés à ce mode de vie, certains moments ont été plus difficiles que d'autres, particulièrement avec leur fils, Benoît, qui a maintenant 7 ans.
Il y a des fois où Yann est revenu et Benoît a boudé parce qu'il ne voulait pas le coller. Il était fâché qu'il soit parti deux semaines, mais là, ça va beaucoup mieux.
Malgré ces difficultés à concilier le travail et la famille, l'INSPQ souligne que le travail par navettage favorise la solidarité entre les travailleurs. La proximité et le nombre d'heures passées ensemble les incitent à se soutenir et à se confier en cas de besoin.