Procès Lac-Mégantic : les trois accusés blanchis par le jury

Les trois accusés du procès de la tragédie de Lac-Mégantic : Jean Demaître, Richard Labrie et Thomas Harding.
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
Les trois ex-employés de la Montreal Maine & Atlantic Railway (MMA) ont été reconnus non coupables de négligence criminelle ayant causé la mort de 47 personnes lors de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic. Le verdict a été rendu vendredi au palais de justice de Sherbrooke après neuf jours de délibérations.
Un texte de Geneviève Proulx et Charles Beaudoin
« Les gens de Mégantic, avec tout ce qu’ils ont eu, nous ont montré beaucoup de courage et de résilience, a dit Richard Labrie avec empathie. Je remercie mes avocats qui m’ont supporté. »
La tension était palpable au palais de justice vendredi au moment où une enveloppe annonçant un verdict est parvenue au juge Gaétan Dumas. Plusieurs proches des victimes et des accusés étaient rassemblés dans une salle de cour bondée, mais il aurait été possible d'entendre une mouche voler.
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Thomas Harding en compagnie de son avocat, Me Tom, Walsh à leur arrivée au palais de justice de Sherbrooke.
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
Ému, le chauffeur de train Thomas Harding a rapidement quitté le palais de justice de Sherbrooke, trop secoué par l'émotion pour s'adresser aux médias, au dire de son avocat.
« Je connais la famille de M. Harding depuis une vingtaine d'années et c'est une famille unie et qui a des valeurs familiales et j'admire la façon dont il a porté ça sur ses épaules pendant si longtemps. Il ne peut faire autrement que de rester marqué par l'expérience de ce procès », a expliqué son avocat, Me Thomas Walsh.
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Ce n'est que plus tard en soirée vendredi que Thomas Harding s'est adressé par écrit « aux familles et aux amis des victimes de la tragédie », se disant « profondément désolé pour [s]a part dans cette tragédie. »
« Je ne trouve pas les mots suffisants pour exprimer mes sympathies », se désole Thomas Harding.
Affirmant qu'il avait lui aussi hâte de partir du palais de justice, Jean Demaître s'est simplement dit « soulagé » que le procès soit enfin terminé.
Un verdict « juste »
Les membres du jury devaient en arriver à trois verdicts distincts, comme s’il s’agissait de trois procès séparés.
« Je pense que c'est un verdict juste, a lancé l'avocat de Thomas Harding. Ç'a été long et ça nous prouve encore une fois la force de nos institutions démocratiques. Certains ont mis en doute les procès devant jury, mais je pense que ça prouve la valeur que cela a pour le système. »
« Vous comprendrez que ce n'était pas la décision que l'on attendait, mais on respecte la décision qui a été rendue et le travail exercé par le jury », a quant à elle mentionné la procureure aux poursuites criminelles et pénales Véronique Beauchamp. « Nous avons une pensée pour les familles en ce moment. »
En matinée vendredi, les jurés ont demandé de nouveaux éclaircissements au juge, tout comme ils l'avaient fait lundi et mardi.
Pour déclarer un accusé coupable, le jury devait conclure qu'il avait omis de faire quelque chose qu’il était de son devoir d’accomplir et, ce faisant, qu'il avait montré une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui, et que ce comportement avait causé la mort des 47 victimes de la tragédie.
Les accusés étaient passibles d'une peine maximale d'emprisonnement à vie.
« C'est une des accusations difficiles à prouver dans le Code criminel », a admis Me Beauchamp.
Cette dernière a refusé de commenter les propos du juge Gaétan Dumas, qui a qualifié de « faible » la preuve de la Couronne après l'isolement du jury.
Au total, la Couronne a fait entendre 31 témoins pendant les 41 jours qu'a duré le procès. Thomas Harding, Richard Labrie et Jean Demaître n'ont pas témoigné lors du procès.
Ce verdict arrive après de longues années de procédures judiciaires. Les trois accusés avaient été arrêtés en mai 2014 avant d'être remis en liberté moyennant plusieurs conditions.
Rappel des événements
Vers 23 h 25, le 5 juillet 2013, un train de 72 wagons-citernes transportant des hydrocarbures de la MMA s'est immobilisé à Nantes, à 11 km au nord-ouest de Lac-Mégantic, pour un changement de quart de travail. Puis, sans pilote à bord, le train s'est mis à avancer, entraîné par la gravité. Le train fantôme a gagné en vitesse, puis est entré dans le centre-ville de Lac-Mégantic le 6 juillet vers 1 h 15. Près de la rue Cartier, plusieurs wagons ont explosé, ce qui a causé un immense incendie. Quelque 2000 personnes ont été évacuées sur les 6000 habitants que comptait Lac-Mégantic.
La responsabilité de la MMA dans les événements doit être déterminée dans un procès séparé. La compagnie doit revenir à la Cour supérieure le 3 avril prochain.
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