Steve Bannon largué par ses anciens partisans

Le livre « Fire and Fury » de Michael Wolff, qui a été mis en vente le 5 janvier 2018.
Photo : Getty Images / Justin Sullivan
Prenez note que cet article publié en 2018 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Désavoué brutalement par Donald Trump, Steve Bannon se retrouve isolé depuis qu'il s'est confié à l'auteur d'un livre très critique sur le président et son entourage.
Ses amis se font rares même parmi les franges les plus conservatrices du Parti républicain, qui ont rapidement pris soin d'afficher leur loyauté envers le président américain.
Ancien conseiller spécial de Donald Trump, Steve Bannon dirige le site d'informations ultraconservateur Breitbart News.
La Maison-Blanche le menace de poursuites judiciaires pour les propos incendiaires contre le président qu'il tient dans le livre de Michael Wolff Fire and Fury : Inside the Trump White House (Le Feu et la fureur : À l'intérieur de la Maison-Blanche de Trump), paru vendredi.
Je ne connais personne au sein du mouvement conservateur qui soutienne aujourd'hui Steve contre Donald Trump sur ce sujet.
Mike Cernovich, l'un des porte-voix sur les réseaux sociaux du mouvement « alt-right » (droite alternative) que Bannon a contribué à cristalliser, avec la bénédiction de Donald Trump, avant l'élection présidentielle de 2016, n'a aucun doute sur le vainqueur provisoire de cette bataille entre les deux hommes : « La base restera avec Trump ».
Les commentaires des internautes sur le site Breitbart vont dans le même sens, une grande majorité d'entre eux prenant la défense du locataire de la Maison-Blanche.
Le Wall Street Journal rapportait jeudi soir que la direction du site d'informations s'interrogeait désormais sur l'opportunité de limoger Steve Bannon.
Rebekah Mercer, une importante donatrice du Parti républicain, qui possède des parts dans Breitbart, a publiquement donné tort à Bannon dans l'après-midi.
La famille Mercer s'est récemment débarrassée de l'auteur des fuites connu sous le nom de Sloppy Steve Bannon.
Les représentants de Steve Bannon n'ont pas répondu aux sollicitations de Reuters.

Une employée tient plusieurs exemplaires du livre de Michael Wolff, jeudi, dans une librairie de Washington. La publication du livre, initialement prévue la semaine prochaine, a été avancée à vendredi.
Photo : Reuters / Carlos Barria
Revers dans l'Alabama
Il y a un an, de Time Magazine à Saturday Night Live, le stratège de campagne du président était présenté comme l'éminence grise de Donald Trump, un personnage habile et manipulateur obligeant l'ensemble du Parti républicain à se plier à son « nationalisme économique ».
Mais l'étoile de Bannon a pâli bien longtemps avant la publication du livre de Michael Wolff. En août dernier, une lutte de pouvoir interne à la Maison-Blanche l'a obligé à quitter son poste et à reprendre du service à Breitbart News.
Sa réputation d'expert en stratégie politique a pris un sérieux coup avec la défaite de l'ultraconservateur Roy Moore, qu'il soutenait, lors de l'élection sénatoriale partielle dans l'État d'Alabama à la mi-novembre.
En quittant cet été la Maison-Blanche, Steve Bannon avait fait voeu de loyauté à Donald Trump et promis de mener la révolte contre la direction du Parti républicain, en particulier contre le chef de la majorité républicaine au Sénat Mitch McConnell, accusé de torpiller le programme présidentiel.
Mais le mois dernier, dans la foulée de la défaite historique du Grand Old Party dans l'Alabama, Mitch McConnell a contribué à l'élaboration de la réforme fiscale adoptée par le Congrès, s'attirant les louanges du président et privant Steve Bannon de l'argument selon lequel les élus du Capitole seraient incapables d'obtenir des résultats concrets.
La direction du Parti républicain est aujourd'hui beaucoup plus sûre d'elle qu'il y a un an.
Comme des petits pains chauds... ce controversé livre sur le président Trump n’est plus disponible dans le quartier des ambassades. pic.twitter.com/MZdN4tdCGN
— Yanik Dumont Baron (@Ydb) January 5, 2018
« Un chef sans adeptes »
À l'inverse, à la suite de la publication des premiers extraits du livre de Michael Wolff, Donald Trump s'est en pris mercredi à son ancien conseiller, estimant qu'il avait perdu la tête en même temps que son poste de stratège en chef de la Maison-Blanche.
Le président a assuré que Bannon ne représentait pas sa base électorale et qu'il avait exagéré son rôle lorsqu'il était à la Maison-Blanche.
À la suite de ces propos, certains candidats ultraconservateurs qui s'étaient ralliés au mouvement de Bannon ont pris leurs distances, comme Kelli Ward, qui vise un siège de sénatrice dans l'Arizona, ou Michael Grimm, candidat pour les élections de mi-mandat à New York.
Je pense que c'est terminé pour lui [...]. Un chef sans adeptes est simplement un type qui se promène.
Un ami de Steve Bannon, l'ancien conseiller de Trump Sam Nunberg, doute que les deux hommes puissent un jour se réconcilier. Mais il estime que Bannon pourrait encore exercer une influence sur l'électorat conservateur, notamment sur un sujet comme l'immigration.
Donald Trump est connu pour écarter brutalement ses plus proches alliés, mais aussi pour les ramener dans son giron s'il en éprouve la nécessité.
Le président américain s'est ainsi félicité jeudi d'avoir entendu la veille son ancien conseiller faire son éloge dans une émission radiophonique.
Je n'ai autorisé aucun accès à la Maison-Blanche à l'auteur de ce livre dingue! Je ne lui ai jamais parlé pour un livre. Plein de mensonges, déformations et sources qui n'existent pas. Regardez le passé du gars et surveillez ce qui va arriver à lui et à Sloppy Steve.
« Ce n'est pas la fin du monde, en particulier avec ce président », assure Sam Nunberg.

Michael Wolff, auteur de Fire and Fury: Inside the Trump White House, avant une entrevue accordée au Today Show de NBC, jeudi.
Photo : Reuters / Brendan McDermid
Michael Wolff défend son travail
Michael Wolff a affirmé vendredi qu'il avait bien rencontré le président américain pour rédiger cet ouvrage, contrairement à ce que dit le locataire de la Maison-Blanche.
« J'ai bien parlé au président. Je ne sais pas s'il a réalisé que c'était une interview, mais ce n'était certainement pas "off the record" », a affirmé vendredi le journaliste sur la chaîne de télévision NBC.
Il a ajouté qu'il s'était aussi entretenu avec des personnes qui parlent tous les jours avec Donald Trump. Selon lui, tout cet entourage s'interroge sur la capacité du président à assumer ses fonctions.
Ils disent tous qu'il est comme un enfant.
La porte-parole de la présidence, Sarah Sanders, a affirmé vendredi que Michael Wolff n'avait parlé que brièvement à Donald Trump et n'avait guère accès à la Maison-Blanche.
« C'est un type qui fait beaucoup d'histoires pour tenter de vendre des livres », a-t-elle dit sur Fox News.
Dans le livre, Steve Bannon, ancien conseiller en stratégie de Trump, assimile à une trahison l'entretien de juin 2016 entre le fils aîné du président, des cadres de son équipe de campagne et des interlocuteurs russes.