En Iran, manifestations anti et prorégime se multiplient

Des dizaines de milliers de manifestants progouvernementaux devaient défiler dans 1200 villes d'Iran, samedi, en réponse aux contestations des deux derniers jours.
Photo : Associated Press / Ebrahim Noroozi
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des rassemblements se sont poursuivis pour la troisième samedi un peu partout en Iran. Ces manifestations progouvernementales sont organisées chaque année pour commémorer la fin du soulèvement postélectoral de 2009.
Ces défilés progouvernementaux rassemblant des dizaines de milliers de personnes font suite à deux jours de manifestations contre la baisse du pouvoir d'achat qui, fait rare en Iran, ont pris une tournure politique.
La télévision d'État a montré des images d'un rassemblement à Téhéran, la capitale, et d'un défilé à Machhad, la deuxième ville du pays, où la foule brandissait des portraits du guide suprême de la révolution, l'ayatollah Ali Khamenei. Des rassemblements étaient prévus dans 1200 villes d'Iran.

Sur le campus de l'Université de Téhéran, la police a employé des grenades lacrymogènes pour disperser des protestataires.
Photo : Associated Press
Retour des contestataires
Cette démonstration de force du gouvernement iranien n'a pas semblé réduire l'ardeur des protestataires, qui se sont de nouveau rassemblés samedi dans la capitale et ailleurs au pays.
Des appels à manifester ont été publiés sur Internet, amenant le ministre de l'Intérieur, Abdolreza Rahmani-Fazli, à diffuser un avertissement.
« Nous demandons aux gens de ne pas prendre part à des rassemblements illégaux. S'ils envisagent d'organiser un rassemblement, ils doivent solliciter une autorisation et leur demande sera étudiée », a-t-il dit.
L'agence de presse semi-officielle Fars a déclaré qu'environ 70 étudiants s'étaient regroupés devant l'université de Téhéran et avaient jeté des pierres en direction des forces de l'ordre.
Une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, dont l'authenticité n'a pu être vérifiée, les montre en train de scander le slogan « Mort au dictateur », sans doute en référence à Ali Khamenei.
Sur d'autres images postées ultérieurement, on voit la police antiémeutes intervenir en les frappant et les interpellant. Les autorités ont fermé deux stations de métro proches de l'université « jusqu'à la fin des troubles », rapporte l'agence de presse Isna.
Forces de l'ordre mobilisées
La veille, la police antiémeute a dispersé des manifestants dans la ville de Kermanshah (ouest), rapporte l'agence de presse semi-officielle Fars, au lendemain d'autres rassemblements hostiles au président Hassan Rohani qui ont eu lieu dans le nord-est du pays.
Des manifestations ont également été signalées à Téhéran et dans d'autres grandes villes du pays.
Ces rassemblements interviennent dans un contexte de mécontentement croissant de la population envers la politique économique du gouvernement et, fait nouveau, l'intervention coûteuse de l'Iran dans les conflits en Syrie ou en Irak.
À Kermanshah, où plus de 600 personnes ont péri lors d'un séisme le mois dernier, 300 manifestants se sont rassemblés aux cris de « Liberté pour les prisonniers politiques » ou « La liberté ou la mort ». Des bâtiments publics ont été endommagés.
D'autres rassemblements ont eu lieu à Sari et Racht (nord), à Qom, au sud de Téhéran, ou encore à Hamadan (ouest), d'après des images diffusées sur les réseaux sociaux, mais dont l'authenticité n'a pu être confirmée.
À Téhéran, une cinquantaine de personnes se sont réunies sur une place, et la plupart ont accepté de quitter les lieux à la demande de la police, hormis quelques manifestants qui ont été « temporairement arrêtés », a déclaré le directeur adjoint de la sécurité pour la province de Téhéran, Mohsen Nasj Hamadani.
« Le monde regarde! »
Ces arrestations ont été condamnées par la Maison-Blanche, qui réclame du gouvernement iranien qu'il respecte les droits du peuple, notamment celui de s'exprimer.
« Le monde regarde! » a tweeté le président Donald Trump. « Nombreuses informations sur des manifestations pacifiques de citoyens iraniens qui en ont assez de la corruption du régime et de la manière dont les richesses de la nation sont gaspillées pour financer le terrorisme à l'étranger », a-t-il ajouté.
À Ispahan (centre), un habitant joint par téléphone a déclaré que des manifestants avaient rejoint un rassemblement organisé par des ouvriers d'usine pour réclamer des arriérés de salaire. « Les slogans sont rapidement passés de l'économie à des slogans hostiles au (président Hassan) Rohani et au guide suprême », a déclaré ce témoin. À Qom, fief du clergé chiite, des manifestants ont scandé des slogans hostiles à Khamenei.
Jeudi, une manifestation a déjà eu lieu à Mashhad contre la hausse des prix et le gouvernement, au cours de laquelle 52 personnes ont été arrêtées.
Les manifestations à caractère politique sont rares en Iran, où les forces de sécurité sont omniprésentes.
Les derniers rassemblements antigouvernementaux de grande ampleur, en 2009, visaient à protester contre la réélection du président d'alors, Mahmoud Ahmadinejad.

Après la levée des sanctions, l'économie iranienne a pris du mieux. En partie, du moins.
Photo : Reuters / Raheb Homavandi
Améliorer l'ordinaire
Tandis que certains des manifestants des deux derniers jours sont allés jusqu'à scander des slogans en faveur de la monarchie (disparue depuis la révolution islamique de 1979), la plupart des contestataires dénoncent la lenteur des réformes économiques et des progrès sociaux depuis la signature, en 2015, d'un accord sur le nucléaire qui a permis la levée de lourdes sanctions économiques.
Samedi, le quotidien réformateur Arman titrait « Signal d'alarme pour tout le monde » alors que la population multipliait les appels à ce que Téhéran s'attaque aux nombreux maux économiques de la République islamique.
Bien que le président Rohani ait obtenu la levée des certaines sanctions imposées par l'Europe et l'Amérique du Nord, l'économie iranienne éprouve toujours des difficultés, avec une inflation qui tourne autour de 10 % et un taux de chômage qui avoisine les 12 %, selon les données officielles.
Environ 3,2 millions d'Iraniens sont sans emploi, sur une population de 80 millions d'habitants.
Le conseiller culturel du président Rohani, Hesamoddin Ashna, a écrit sur Twitter que « le pays faisait face à des défis importants avec le chômage, l'inflation, la corruption, le manque d'eau et les disparités sociales ».
Les gens ont le droit d'être entendus.
Avec les informations de Agence France-Presse et Reuters