
À quelques mois de son départ, nous avons donné rendez-vous à Mgr André Rivest à la cathédrale de Chicoutimi, l'église mère du diocèse de Chicoutimi, son siège épiscopal, pour employer un langage ecclésiastique.
Un texte de Roger Lemay
La superbe bâtisse de style Renaissance « fait l'envie de tous les évêques du Québec », soulève fièrement Mgr Rivest, qui, à 75 ans, termine un mandat de 13 ans à la tête du diocèse.
Cette église peut accueillir 1700 fidèles. Elle a longtemps été remplie, mais, comme partout, elle est aujourd'hui sous-utilisée. Ça m'attriste, c'est le signe d'une perte.
Selon lui, quelques facteurs expliquent le déclin de la pratique religieuse. La société devenue laïque, il croit que le langage religieux s'est perdu à l'intérieur des familles et au niveau scolaire.
« On s'est retrouvé avec une génération d'éducateurs qui étaient chargés d'enseigner la catéchèse et qui n'y croyaient pas du tout. On a perdu le contact », déplore l’homme religieux.
Au fil de son mandat, sa priorité fut d'aider les plus démunis. Au moment de notre entretien, il s'apprêtait d’ailleurs à aller à la rencontre des détenus de la prison de Roberval.
C'est sans compter ses collectes annuelles pour les soupes populaires. « Les besoins sont partout », dit-il.
Le diocèse : une PME
En termes profanes, le siège social du diocèse, c'est une PME de 40 employés dont l'évêque est le directeur général.
Et depuis quelques décennies, gérer cette entreprise, c'est gérer la décroissance.
Il y a 84 églises sur le territoire du diocèse. Plus de 60 % des fabriques sont déficitaires.
« Nous n'avons pas de plan B, mais on n'avancerait à rien en forçant les paroissiens à vendre leur église. C'est à la population de décider. Il y a beaucoup d'exemples de conversions réussies, comme à L'Ascension, où l'église est devenue un centre multifonctionnel. Mais c'est évident qu'il faudra en fermer », déplore l'évêque.
L'affaire Paul-André Harvey
L'épiscopat de Mgr Rivest a été marqué par une cause tristement célèbre : celle de l'ex-curé Paul-André Harvey, qui purge actuellement une peine de six ans de prison pour avoir agressé une quarantaine d'enfants.
Le visage habituellement jovial de Mgr Rivest s'assombrit.
Ça a été ma pire épreuve, une souffrance épouvantable. On a essayé de vivre ça avec le plus de compassion possible pour les victimes.

Qu'adviendra-t-il si le diocèse est condamné à payer des millions de dollars à l'issue de l'actuel recours collectif des victimes qui veulent réparation? Mgr Rivest hausse les épaules.
Il cite en exemple un cas similaire survenu à Terre-Neuve, où le diocèse de Saint-Georges fut contraint de vendre la très grande majorité de ses biens.
En plus, il a fallu faire une collecte auprès de tous les diocèses et prêtres du Canada pour éviter la faillite.
Et vous, Paul-André Harvey, lui avez-vous pardonné? Il hésite... « Je ne suis pas son juge », dit-il.
La foi de Jean Tremblay
Impossible de passer à côté des déclarations de l'ex-maire de Saguenay, Jean Tremblay, qui a lutté jusqu'en Cour suprême du Canada pour continuer de réciter la prière à l'hôtel de ville.
Mgr Rivest arbore un sourire en coin.
« Je l'ai trouvé souvent dérangeant dans la manière d'exprimer sa foi. Le témoignage qu'il donnait n'était pas toujours favorable à l'Église. M. Tremblay se donnait lui-même des missions. On ne se donne pas une mission, on la reçoit. Ça n'a pas toujours été un allié... », admet l’évêque.
André Rivest se souvient particulièrement d'une déclaration provocante de l'ex-maire.
« Un jour, il a dit que si les églises se vident, c'est la faute des prêtres. Ça a eu des conséquences fâcheuses, nous étions blessés, choqués, parce que ce n'est pas vrai », soutient Mgr Rivest.
Pêche, cuisine, bricolage...
Le 2 février prochain, Mgr Rivest cèdera sa place à Mgr René Guay, natif de Saint-Thomas-Dydime.
A-t-il des conseils pour lui? « Juste un : "sois à l'écoute des gens..." ». Il compte se rendre disponible pour son successeur, mais en restant dans l’ombre.
À 75 ans, Mgr Rivest compte se retirer dans un petit chalet sur le bord du lac Chabot, entre Bégin et Labrecque, qu'il a acquis il y a quelques années.
Amateur de pêche, il fabrique lui-même ses mouches et projette de se remettre à cuisiner.
Le plat qu'il réussit le mieux ? « Un ragoût d'orignal, arrosé d'un bon Bordeaux ».
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