Guerre des plaques d’immatriculation : un conflit qui révèle d'autres tensions

L'interdiction des véhicules d'entreprise immatriculés en Alberta sur les nouveaux chantiers de construction saskatchewanais, annoncée par le gouvernement de Brad Wall le 6 décembre, a mis le feu aux poudres entre les deux provinces. Le sociologue politique Daniel Béland estime que cette question cristallise des tensions déjà existantes.
Un texte de Justine Cohendet
« C’est un enjeu assez limité. Est-ce que ça vaut la peine de créer de tels remous pour une question qui ne semble pas si importante du point de vue des politiques publiques », s’interroge Daniel Béland, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politiques publiques.
Le conflit entre les deux provinces est arrivé à son paroxysme jeudi. L’Alberta a mis sa menace à exécution et a déposé une plainte contre sa voisine auprès du secrétariat du Nouveau partenariat de l'Ouest (NWP). Un panel a été chargé de recueillir des preuves et d’arbitrer cet affrontement dans un délai de 30 jours.
Opposé à l’esprit de l’entente
La Saskatchewan risque une amende de 5 millions de dollars puisqu’elle pourrait contrevenir aux règles du NWP. En vertu de cet accord, les quatre provinces de l’Ouest s'engagent à faciliter les échanges commerciaux, les investissements et la mobilité des travailleurs au sein de cette région.
Je ne sais pas si c’est contraire d’un point de vue légal, mais c’est sûr que ça va un peu à l’encontre de l’esprit de l’entente.
Actuellement, les membres du gouvernement de Brad Wall ne semblent pas décidés à reculer sur la question, mais ils pourraient « changer leur fusil d’épaule » s’ils « se rendent compte que c’est une cause perdante d’un point de vue légal », explique Daniel Béland.
Cet affrontement expose surtout les tensions entre les deux provinces. « Il y a des visions qui sont assez différentes sur le plan des politiques publiques », poursuit-il.
Depuis l’élection des néo-démocrates de Rachel Notley en 2015, les relations ne sont plus au beau fixe. « Ça contraste un peu avec la situation précédente lorsque les progressistes conservateurs étaient au pouvoir en Alberta. Il y [avait alors] une excellente relation entre la Saskatchewan et l’Alberta », explique Daniel Béland.
Une réglementation électoraliste
Brad Wall aime bien montrer sur la place publique qu’il défend les intérêts de la Saskatchewan.
La détérioration de la situation économique de la province permettrait aussi d’expliquer cette querelle, estime le sociologue politique.« C’est une façon de détourner l’attention des électeurs d’une situation économique qui reste défavorable. Brad Wall veut vraiment attirer l’attention sur cette question et montrer qu’il ne se laisse pas intimider. »
Dans cette bataille, la Saskatchewan a peu de chances de gagner, estime Daniel Béland. « L’Alberta est une province quatre fois plus peuplée que la Saskatchewan, avec une économie beaucoup plus importante. Il y a une relation asymétrique entre les deux provinces. »
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