Pas assez de preuves des bienfaits de la marijuana médicinale, disent des médecins

Des médecins de l'Alberta affirment qu'il n'y a pas assez d'études pour prouver les bienfaits de la marijuana médicale.
Photo : iStock
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les preuves scientifiques qui étayent les bienfaits présumés de la marijuana thérapeutique sont minces, et les preuves qui existent permettent même de penser qu'elle pourrait faire plus de tort que de bien, affirment des associations médicales canadiennes.
Trois avis préparés par le Collège des médecins de l'Alberta ont été distribués à plus de 32 000 médecins pour leur offrir un compte rendu de la littérature médicale qui existe, ou qui n'existe pas, au sujet de la marijuana thérapeutique.
« Un élément très constant concernait les effets secondaires indésirables », a expliqué le Mike Allan, qui enseigne la médecine familiale à l'Université de l'Alberta à Edmonton.
Et les bienfaits, même s'ils existent, sont tellement plus faibles que ce que les gens croient.
Le Dr Allan coordonne le bulletin bimensuel de l'organisation médicale albertaine, qui se concentre sur des questions précises et qui est distribué dans tout le pays, sauf au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador.
Les trois derniers bulletins ont tenté de répondre aux médecins qui voulaient en savoir plus au sujet de la recherche effectuée sur la marijuana médicinale. Les omnipraticiens ont beaucoup de questions de la part de leurs patients, et le Collège voulait s'assurer que ses membres disposaient de l'information nécessaire pour prendre les bonnes décisions, a exliqué le Dr Allan.
« Je pense que ça rassure un peu les médecins », a-t-il dit. « Ils peuvent dire : "Voici les preuves. On en manque en plusieurs endroits. Donc, je ne peux pas en prescrire pour des problèmes X, Y ou Z." »
Une alternative aux opioïdes
Philippe Lucas, le directeur du Conseil canadien du cannabis médical, aurait aimé que le Collège des médecins de l’Alberta prenne une position plus nuancée. « Ce qui nous inquiète, c’est que l’information qui est passée semble manquer [d'équilibre]. C’est surtout représentatif des effets négatifs du cannabis et puis ça ignore complètement les effets bénéficiels qu’on voit tous les jours avec des patients au Canada », explique-t-il.

Philippe Lucas, le directeur du Conseil canadien du cannabis médical
Photo : Matt Tinney
D’autre part, il croit que la marijuana médicale peut être une bonne alternative pour les opioïdes.
Des patients nous disent qu’ils peuvent utiliser moins des autres médicaments [...] qui pourraient être encore plus dangereux, disons, comme des opioïdes.
Philippe Lucas croit qu’il est important de reconnaître les effets secondaires de la marijuana médicale, mais aussi les bienfaits qu’elle peut apporter, pour soulager la douleur des patients par exemple.
Plus de d’utilisateurs de marijuana médicale
Les données de Santé Canada révèlent que le nombre de clients inscrits auprès de fournisseurs accrédités de marijuana médicinale a bondi à plus de 200 000 en juin 2017, soit environ 2,7 fois plus qu'au même moment un an plus tôt. Les inscriptions ont plus que triplé de 2015 à 2016.
La décision d'utiliser le cannabis à des fins médicales doit être prise par les patients et les professionnels de la santé, et ne concerne pas Santé Canada.
Santé Canada a publié un long document d'information à l'intention de ces professionnels sur les bienfaits et les dangers de la marijuana médicinale, qui commence par le rappel que le cannabis n'est pas une substance thérapeutique autorisée et que le ministère n'appuie pas son utilisation. Le document n'a pas été mis à jour depuis 2013.
Des preuves « rares et de mauvaise qualité »
Le premier avis du Collège des médecins de l'Alberta, daté du 14 novembre, affirme que les preuves sont trop « rares et de mauvaise qualité » pour permettre de conclure que la marijuana permet de soulager la douleur. Le deuxième, deux semaines plus tard, explique que les « effets secondaires indésirables » sont la seule conclusion constante des études réalisées. Il est notamment question d'hallucinations, de paranoïa, d'étourdissements et d'hypotension artérielle.
Ces études sous-estiment probablement la fréquence de ces effets indésirables, parce que la plupart ont été menées auprès de patients habitués à la marijuana et, donc, peut-être moins susceptibles que la population en général de les ressentir, selon le Dr Allan.
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Certaines études indiquent que la marijuana peut atténuer les nausées des patients traités en chimiothérapie et contrôler les spasmes musculaires des patients atteints de fibrose kystique, mais on ne dispose pratiquement d'aucune preuve concernant un effet sur l'anxiété ou le glaucome, comme l'affirment souvent les défenseurs de la marijuana thérapeutique.
« Certaines études [sur la douleur chronique] ne demandent rien de plus qu'un soulagement de cinq ou six heures, a expliqué le Dr Allan. C'est difficile de dire comment quelqu'un va s'en tirer à long terme après cinq ou six heures. »
La seule étude sur le glaucome était une étude randomisée effectuée auprès de six patients.
On pourrait dire qu'on mettrait la charrue devant les boeufs si on commençait à prescrire [de la marijuana thérapeutique] sans recherches.
Le patron du Conseil canadien du cannabis médical (CCCM), Philippe Lucas, salue le travail du Collège albertain pour informer les médecins des bienfaits et des dangers de la marijuana thérapeutique, mais il déplore ce qu'il perçoit comme un préjugé mettant en évidence les problèmes associés au cannabis médicinal.
« Je serais le dernier à prétendre que le cannabis est entièrement sécuritaire ou approprié pour tout le monde », a lancé Phillipe Lucas, qui est aussi un dirigeant du producteur de marijuana Tilrey. « De nombreux patients utilisent la marijuana pour remplacer des médicaments, comme les opiacés; restreindre l'accès au cannabis pourrait compliquer la lutte contre les surdoses d'opioïdes. »
Des associations médicales ont publié des lignes directrices concernant la prescription de la marijuana thérapeutique à l'intention des premiers fournisseurs de soins.
Des documents provenant des collèges des médecins de l'Alberta et de la Colombie-Britannique évoquent l'absence de preuves solides démontrant l'efficacité du cannabis en tant que médicament.
Le Collège albertain collabore à l'élaboration de lignes directrices provinciales plus complètes concernant la prescription de la marijuana thérapeutique. Elles sont attendues au mois de mars, selon le Dr Allan.