Dans l'univers des camps de réfugiés rohingyas
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Camp de Balukhali, Bangladesh
Photo : Radio-Canada / Anyck Béraud
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des abris de fortune recouvrent des collines à perte de vue dans le district rural de Cox's Bazar, près de la frontière avec le Myanmar (ex-Birmanie). Dans cette immensité, les Rohingyas qui ont fui la répression birmane par centaines de milliers prennent leurs marques et essaient de se remettre de ce qu'ils ont vécu et vu chez eux. L'atmosphère poussiéreuse est chargée d'une odeur de fumée en cette matinée de novembre.
Aller chercher du bois pour le feu est souvent l’une des premières corvées de la journée. Pour Sakhira, une grand-mère de 57 ans, cela signifie un trajet de 30 kilomètres à pied jusqu’à cette route en bordure du camp de Balukhali. Plusieurs vendeurs s’y trouvent. Ses petits-enfants l’ont accompagnée, après la prière du matin. Comme elle n’est pas en grande forme, c’est eux qui vont porter la cargaison.
Diverses denrées sont distribuées par les ONG qui sont fortement mobilisées pour cette crise. Leurs centres sont très courus, les files souvent longues... les gens s’agglutinent aux barrières.
Par contre, pour la nourriture, les réfugiés disent qu'il faut attendre qu’on les appelle. Des haut-parleurs diffusent les numéros sélectionnés pour la distribution. Ces numéros servent d’adresse aux abris.
Ce matin-là, Jafar Alom n’est pas allé chercher des vivres. Il n’était pas non plus en train de parcourir les boisés environnants pour ramasser des branches mortes. La pluie annoncée l’en a dissuadé. Et la météo ne s’était pas trompée. Il y a eu un bref staccato de gouttes sur le toit en plastique de son abri.
Il est arrivé dans le camp il y a plusieurs semaines. Avec sa famille et ses proches, ils sont en tout une trentaine de personnes. Sa mère de 94 ans a souffert durant le périple. Elle est alitée.
Jafar Alom était enseignant dans un village près de la frontière avec le Bangladesh. Il explique, en dessinant une carte dans un cahier scolaire, le long voyage pour arriver jusqu’ici. Les morts. Les balles qui sifflent. Son bras gauche est déformé par une vilaine cicatrice : il avait été touché par une balle lors d’affrontements en octobre 2016. Il souligne que sa communauté est visée par des violences depuis des décennies, en rappelant les autres vagues de réfugiés. Pour lui, c’est clair, ce qui se déroule chez lui dans l’État de Rakhine est un génocide.
Dehors, on sent que le camp de Balukhali s’éveille. Des voix, des rires, des balais qui frottent la terre battue, des klaxons, des bâches que l’on relève, des bruits de construction. Des hommes transportent des cercles de ciment qui seront installés dans les toilettes, toutes à l’extérieur, comme les douches.
Plus loin, une autre file, cette fois devant l’un des nombreux points de service de santé établis dans les divers camps par les groupes humanitaires. Jafar Alom y amène son fils qui ne se sentait pas bien en matinée.
Les journées dans les camps sont ponctuées, pour les fidèles, d'appels à la prière. Il y a beaucoup de mosquées dans le vaste camp de Balukhali. Dans le secteur (aussi appelé Block) où vit la famille Alom avec 7000 autres Rohingyas, on en compte une dizaine. Les ablutions avant d'aller prier se déroulent à la pompe, là où de nombreux réfugiés masculins font également leur toilette avec des seaux. Il manque des douches et bien des installations sanitaires dans les camps.
Peu de temps après la prière, un homme m’aborde. Il tient à me montrer sa carte d’identité, la preuve qu’il est citoyen du Myanmar. Il ne veut pas être apatride. Il rejette le fait que la nationalité birmane ait été retirée aux Rohingyas en 1982.
D’ailleurs, une sorte de pétition circule dans les camps. Elle a été distribuée à la vitesse de l’éclair après l’annonce d’une entente de rapatriement des Rohingyas entre les gouvernements du Bangladesh et du Myanmar. On peut y lire une liste de revendications des réfugiés. Ils veulent des garanties. Ils veulent que le gouvernement birman restitue leurs droits et reconnaisse leur nationalité. Ils demandent à l’ONU d'assurer leur protection pendant 20 ans.
En attendant, l’organisation du camp de Balukhali se poursuit. Car des réfugiés continuent d’affluer, pas aussi massivement qu’il y a quelques semaines, mais ils arrivent. Épuisés. Certains nouveaux arrivants passent la nuit à la belle étoile. Il n’y a pas de place pour ceux-ci, rencontrés dans le camp voisin de Kutupalong, le plus ancien, où vivent des Rohingyas des vagues précédentes.
Pour les groupes humanitaires, les ONG qui sont responsables des camps, une course contre la montre est engagée. Pour qu’il y ait des installations adéquates avant la saison des pluies. Pour assurer autant que faire se peut le soutien social, psychologique et l’encadrement scolaire. La majorité des réfugiés sont des enfants. Côté santé, l’une des priorités est la vaccination, en ciblant notamment la rougeole. Selon l’UNICEF, il y a déjà eu des centaines de cas répertoriés.