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Visite d'une société où les femmes dominent les hommes

Plesmili (au centre) pose avec ses soeurs et ses nièces devant son magasin de vêtements de Shillong, dans la région indienne du Meghalaya. Elle ne fait pas confiance aux hommes pour travailler.

Plesmili (au centre) pose avec ses soeurs et ses nièces devant son magasin de vêtements à Shillong, dans la région indienne du Meghalaya. Elle ne fait pas confiance aux hommes pour travailler.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

Radio-Canada

Imaginez un endroit sur Terre où les femmes seraient totalement libres. Même plus libres que les hommes. Un lieu où elles seraient le sexe fort, avec davantage de pouvoirs. Eh bien cet endroit existe, en Inde. Nous l'avons visité.

Un reportage de Thomas Gerbet (Nouvelle fenêtre), de retour d'Inde

La province du Meghalaya, dans le nord-est de l'Inde, est une région de 3 millions d'habitants, au carrefour du Tibet, du Bangladesh et du Myanmar. Il suffit de poser le pied dans la capitale, Shillong, pour sentir le changement.

De nombreuses femmes dans la rue qui n'ont pas peur d'occuper l'espace public. Des femmes à la tête de commerces. Des femmes qui conduisent sans leur mari. Tout un contraste avec le reste de l’Inde.

Ici, les jeunes filles s’habillent comme elles le veulent, sans crainte d’être agressées.

Ces deux adolescentes de Shillong âgées de 18 et 19 ans se sentent en sécurité et respectées par les hommes. Elles se disent fières d'être des filles.

Ces deux adolescentes de Shillong âgées de 18 et 19 ans se sentent en sécurité et respectées des hommes. Elles se disent fières d'être des filles.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

L'Inde en 2017

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Habitations d'un bidonville à New Delhi

« On est conscientes d’être en sécurité ici. On sait que les hommes ont plus de respect chez nous que dans d’autres sociétés », confie une adolescente.

Au prorata de la population, une femme a quatre fois moins de risques de se faire agresser ici que dans la capitale New Delhi et 10 fois moins de subir un attentat à la pudeur, selon les chiffres du National Crime Records Bureau.

« Je suis contente d'être une fille, dit une autre adolescente. J'ai toujours été très contente. Comme femme, on a un rôle important à jouer, alors ça me plaît. »

Pour comprendre l’importance des femmes dans la culture khasi, il faut commencer par une visite à la maternité.

L’infirmière en chef Fabulous Lynden, dans la maternité de Cherrapunji.

L’infirmière en chef Fabulous Lynden, dans la maternité de Cherrapunji.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

« À la maternité, on entend des cris de joie quand c'est une fille qui vient au monde, raconte l'infirmière en chef, Fabulous Lynden. Quand c'est un garçon, les parents sont quand même contents, mais on ne les entend pas. »

Les parents khasi prient pour mettre au monde une fille, en raison du droit coutumier. Dans les familles khasi, la lignée se fait de mère en fille. C’est la plus jeune des filles qui hérite de la propriété et des biens. À défaut d'avoir une fille, l'héritage revient à une nièce. Les enfants prennent aussi le nom de leur mère.

Les parents qui n'ont eu que des garçons ont de la pression de leur famille pour avoir une fille.

Une citation de Fabulous Lynden, infirmière en chef de la maternité de Cherrapunji

Il s'agit d'un paradoxe total avec le reste de l’Inde, où les filles sont considérées comme une charge financière et où il arrive encore trop souvent qu’elles soient éliminées avant la naissance.

La petite Magdeline est venue au monde à la maternité de Cherrapunji, pour le plus grand bonheur de sa mère qui souhaitait une fille.

La petite Magdeline est venue au monde à la maternité de Cherrapunji, pour le plus grand bonheur de sa mère qui souhaitait une fille.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

Chez les Khasi, les femmes sont libres de choisir leur mari et, après le mariage, l’homme déménage dans sa belle-famille. Les anthropologues qualifient ce système de matrilinéaire et matrilocal.

« Je ne fais pas vraiment confiance aux hommes. On n’a pas besoin d'eux », dit Plesmili, la propriétaire d'un magasin de vêtements de Shillong. Même si son mari est au chômage, elle préfère donner du travail à ses deux soeurs. « Je ne pense pas que mon mari ait les compétences pour travailler ici », ajoute Plesmili.

Dans la langue khasi, c'est le féminin qui l'emporte

Les éléments de la nature les plus importants, l'air, l’eau, le feu, la terre... sont tous féminins dans la langue khasi. Et ce qui est amusant, c'est dès que quelque chose devient utile, il passe du masculin au féminin. Le bois est masculin, mais une fois coupé, il est féminin. Le riz est masculin, mais une fois cuit, il est féminin.

Dans le Meghalaya, il n’est pas rare de croiser des hommes en train de s’occuper des enfants pendant que la femme travaille.

Dans le Meghalaya, il n’est pas rare de croiser des hommes en train de s’occuper des enfants pendant que la femme travaille.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

Très rare, le système matrilinéaire s’observe dans une trentaine de régions du monde. Le Meghalaya, avec ses 3 millions d’habitants, fait partie des communautés les plus importantes et les plus développées, avec celle de Sumatra, en Indonésie.

Origines de cette tradition

Deux théories s’affrontent pour l'expliquer. Selon la première, le système matrilinéaire daterait d’avant l’institution du mariage, quand les Khasi avaient des partenaires sexuels multiples et qu’il était difficile de déterminer la paternité des nouveau-nés. Selon une autre explication, la coutume daterait de l’époque où les hommes partaient trop longtemps faire la guerre pour pouvoir s’occuper de leur famille.

Le point de vue des hommes

« Il y a des gens qui essaient de nous faire changer, de nous faire suivre un modèle patrilinéaire, explique Johnny, 20 ans, étudiant à l'université. Mais je ne pense pas qu’il faille changer. C’est bien ici, nous avons beaucoup de respect pour les femmes, on leur donne la priorité. »

Balawan Pynskhem est un restaurateur de Shillong. En tant qu'homme, il doit donner tous ses revenus à sa femme, mais comme il n’est pas marié, dans son cas, c’est à sa soeur qu’il les verse.

Balawan Pynskhem est un restaurateur de Shillong. En tant qu'homme, il doit donner tous ses revenus à sa femme, mais comme il n’est pas marié, dans son cas, c’est à sa soeur qu’il les verse.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

Beaucoup d’hommes vivent très bien avec ce système. C’est le cas de Balawan Pynskhem, un restaurateur. « Nous, les hommes, quand on sort, on aime dépenser. Parfois, il ne reste plus d’argent. Donc si on le donne aux femmes, on se sent plus tranquilles. »

« C'est une vieille tradition qui date de nos ancêtres et nous continuons de la respecter, explique-t-il. Je ne veux pas changer ce système, parce que les femmes savent mieux gérer les foyers. »

Mais tout ne va pas bien chez les Khasi. Beaucoup de garçons décrochent de l’école et tombent dans l’alcool et la drogue.

Keith Pariat a fondé une association d’hommes qui réclament plus d’égalité.

Keith Pariat a fondé une association d’hommes qui réclament plus d’égalité.

Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet

« Notre système social ne donne aux hommes aucun but dans la vie, aucune responsabilité, aucune charge sur les épaules, déplore Keith Pariat, qui représente le groupe Syngkhong Rympei Thymmai (Association pour la réforme de la structure familiale).

Il souhaite donner davantage de responsabilités aux hommes khasi envers leurs familles. « La seule façon d’y arriver, croit-il, c’est de transmettre le nom du père à l’enfant. »

Certains jeunes couples, plus modernes, tentent de partager davantage les responsabilités pour éviter les conflits, influencés par le modèle occidental.

 

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