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« Mon sourire est une armure » - Valérie Plante

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, à un podium identifié à la Ville de Montréal, prononçant un discours lors de son assermentation, le 16 novembre 2017.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, lors de son discours d'assermentation, le 16 novembre dernier.

Photo : Radio-Canada / Pascale Fontaine

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Enjouée, elle l'est. Mais là s'arrête le jeu. En quatre ans sur l'échiquier municipal, « la guerrière joyeuse » a déboulonné Louise Harel et Denis Coderre pour se hisser à la tête d'une ville de 1,9 million d'âmes. Portrait de la première femme à présider aux destinées de Montréal, « 375 ans après Jeanne Mance ».

Un texte d'Anne-Marie Lecomte

Dans ces jours qui suivent la victoire de Valérie Plante à la mairie de Montréal, les choses vont tellement vite que même son sac à main n’arrive pas à la suivre. Le jeudi 9 novembre, elle le laisse derrière elle dans les locaux de SmartHalo, entreprise émergente techno dans le quartier branché du Mile-End, où la première mairesse montréalaise tient un point de presse.

Le samedi suivant, elle passe à un cheveu de l’oublier au Centre Bell, où elle vient d’assister au match des Canadiennes, l’équipe féminine de hockey professionnel de Montréal. Un sac en cuir noir tout juste assez large pour contenir l’indispensable : clés et cartes d’identité. Mais désormais, devant Valérie Plante, les portes s’ouvrent et les gens la reconnaissent : « Hé, c’est la mairesse », s’exclament de jeunes hommes en l’apercevant dans le couloir de l’aréna. « Cheers! », crient-ils à l’élue qui les gratifie d’un sourire joyeux.

Son sourire. Son rire! Le comédien et animateur Marc Labrèche en a fait des gorges chaudes dans une parodie, House of Valérie, inspirée de la série House of Cards. Interprétant tour à tour le personnage glacial de Claire Underwood et une Valérie délirante, l’artiste a mis la table : « Beaucoup de travail de magouille vous attend », a-t-il ironisé à l’intention de la nouvelle élue surexcitée. « Y’a des mononcles qui vont s’essayer », lui prédit-il aussi.

À l’évocation de ce sketch en entrevue avec Radio-Canada.ca, Valérie Plante s’esclaffe. « Moi, j’ai beaucoup ri, là », dit-elle en ajoutant qu’elle a « beaucoup d’autodérision ». Cette satire est d’autant plus « un honneur » pour elle que l’un de ses deux fils s’en est épaté : « Hé maman, c’est cool là, ça fait juste quatre jours que t’es élue pis t’as déjà Marc Labrèche qui t’imite! »

Valérie Plante assise dans une voiture en campagne électorale.
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Valérie Plante en campagne électorale

Photo : Radio-Canada / Jonathan Montpetit/CBC

Rester elle-même

Petite malgré ses talons hauts, Valérie Plante se niche parmi la douzaine de jeunes employés – dix hommes, deux femmes – de SmartHalo pour une photo. L’équipe de l'entreprise vient de lui offrir son produit vedette, un dispositif intelligent pour vélo à fixer au guidon et doté d’un GPS, d’un système d’alarme et d’une boussole.

C’est que la très sportive mairesse entend bouder dès le printemps prochain limousine et chauffeurs pour circuler le plus souvent possible en bicyclette. Ce sera un casse-tête pour le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) qui doit assurer sa sécurité.

Dans les locaux de SmartHalo, la journaliste que je suis l’observe. Chevelure généreuse, tenue sans falbalas, une seule bague, boucles d’oreilles discrètes, ongles soignés et, pour tout maquillage sur sa belle peau, une fine ligne de khôl. Je me surprends à noter ces considérations féminines. Passerais-je autant de temps sur son look si elle était un homme?

Valérie Plante avoue s’être demandé en début de campagne si elle devait « baisser le "smile" » et être un peu plus sérieuse parce qu’un homme qui sourit, c’est chaleureux, dit-elle, alors qu'une femme? « Elle n’est pas crédible, peut-être idiote. Essaie-t-elle de plaire? » Réflexion faite, elle a décidé de rester elle-même. Si je gagne Montréal, a-t-elle conclu, les gens devront m’aimer comme je suis.

«  »

— Une citation de  Constance Lamarre, mère de Valérie Plante

Dans les locaux de SmartHalo, une fois la photo prise, la mairesse éclate de rire. Comme ça, sans raison. Elle rit comme elle respire. « C’est une ponctuation quasiment », affirme Steve Shanahan, qui l’a côtoyée pendant quatre ans dans l’arrondissement central de Ville-Marie, lui comme conseiller dans Peter-McGill et elle dans Sainte-Marie. « Elle rit parce qu’elle est heureuse, ou nerveuse, elle rit tout le temps », dit-il.

Ce sourire, est-ce une armure? « Heu… oui! me répond-elle sans ambages. C’est un outil pour moi, pour entrer en contact avec les gens. »

«  »

— Une citation de  Valérie Plante

À l’émission Tout le monde en parle, la principale intéressée s’est réjouie que sa victoire fracassante à la mairie de Montréal donne à « ben du monde l’envie d’avoir du fun dans la vie », y compris en politique.

Que la bonne humeur s’avère payante aux urnes n’a pas échappé au premier ministre du Québec, à un an de sa propre échéance électorale. Au lendemain de l’élection, Philippe Couillard a déclaré que la société venait de dire « quel genre de politique on doit pratiquer ». Et aussi, quel genre de campagne il fallait mener : « [...] avec de la substance, mais avec le sourire », a noté le chef libéral.

Dans l’arène municipale, cette femme joviale ne fait toutefois pas de quartier.

En 2013, l’entourage de l’aguerrie Louise Harel est persuadé que cette inconnue au bataillon n’a aucune chance. Surprise, elle la bat.

En décembre 2016, elle rafle la direction de Projet Montréal à Guillaume Lavoie, alors conseiller dans Marie-Victorin. « Valérie Plante fait tomber les géants », déclare alors le maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, qui avait assuré l’intérim à la tête du parti.

« C’est elle qui avait battu Louise Harel, à la grande surprise de tout le monde. Et à la grande surprise de tout le monde, elle va finir par battre Denis Coderre », lance-t-il. C’était une prophétie.

Valérie Plante jeune
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La mère de Valérie Plante, Constance Lamarre, nous a montré cette photo de sa fille, plus jeune.

Photo : Gracieuseté de Constance Lamarre

Grandir dans la Montée-du-Sourire

Valérie Plante a vu le jour en Abitibi, avec l’Ontario tout juste à l’ouest et la Baie-James au nord, à sept heures de route de Montréal.

À Rouyn, celle qui se définit comme « la guerrière joyeuse » a grandi dans le quartier Montée-du-Sourire – ça ne s’invente pas! Dans les années 1960, son grand-père maternel était préfet de comté et maire d’un petit village, Sainte-Claire-de-Colombourg, aujourd’hui fusionné à Macamic.

Sa sœur Caroline, de cinq ans son aînée et mère de trois adolescents, travaille dans un restaurant de la chaîne Normandin à Québec. Des deux, c’est Valérie la femme de carrière, reconnaît leur mère, Constance Lamarre.

En Abitibi, Mme Lamarre participait à « La rue, la nuit, femmes sans peur », des marches dénonçant la violence sexuelle faite aux femmes : « J’emmenais mes filles avec moi, oui oui oui! » Mère et fille se disent féministes, « même si c’est rendu péjoratif, mais c’est pas mon problème, ça, et Valérie non plus », tranche Constance Lamarre.

Constance Lamarre, qui habite à Trois-Rivières.
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La mère de Valérie plante, Constance Lamarre, est très fière de sa fille.

Photo : Radio-Canada

«  »

— Une citation de  Constance Lamarre, mère de Valérie Plante

Son énergie est contagieuse et sa force de conviction, redoutable.

À Trois-Rivières, où déménage sa mère après la séparation de ses parents, Valérie Plante termine son cours secondaire à l’école De-La-Salle, où la collecte sélective des déchets est pratiquement inexistante. Écologiste, l’adolescente recrute des camarades de classe pour que la situation change.

Parmi eux, Chloé Leriche qui, de son propre aveu, passait ses heures de lunch sur « le banc des poteux ». Au contact de l'infatigable Plante qui s’entraîne chaque matin à la piscine, Chloé Leriche se mobilise au point où elle reste le soir, après les classes, pour s’occuper des bacs de recyclage.

Aujourd’hui cinéaste engagée, Chloé Leriche a appuyé Valérie Plante dans sa course à la mairie de Montréal. « Compte tenu de ce qu’elle a réussi avec moi, vous pouvez lui faire confiance », disait-elle en riant à son entourage.

«  »

— Une citation de  Christian Gates St-Pierre, archéologue, professeur d’anthropologie et ami de Valérie Plante

Pour son ami et voisin Christian Gates St-Pierre, c’est l’anthropologue en elle qui en fait une vraie populiste près des gens, sur le terrain, à observer leurs conditions de vie dans le but de les améliorer. « C’est absolument sincère [de sa part] et je sais que c’est ce qui l’a amenée en politique », dit-il.

Et ce qui l’a amenée en anthropologie, c’est son père. « Je viens d’un milieu très modeste en Abitibi, la plupart des membres de ma famille sont dans le secteur des mines », raconte-t-elle. Mais pas son père, petit entrepreneur qui avait eu ce que la nouvelle mairesse de Montréal qualifie aujourd’hui de folle idée : devenir fournisseur de mille et un objets à cette époque où n’existaient pas encore les magasins à 1 $.

« Il y avait peu de centres commerciaux en Abitibi, raconte-t-elle, et dans beaucoup de villages, le dépanneur était le magasin général. Alors, mon père a peinturé un autobus scolaire jaune en bleu, et y a mis, à la place des banquettes, des étagères toutes bien organisées, pas le bordel, impeccable! » « Je passais mon temps dans cet autobus-là », évoque Valérie Plante.

Chaque mois, M. Plante descendait à Montréal et Valérie l’y suivait, aimant déjà cette ville. Chez les grossistes, il faisait le plein de cartes de souhaits et de « bébelles cool » pour les dépanneurs de l’Abitibi.

À Rouyn, Amos, La Sarre et dans tous les petits villages, la fillette observait son père, « que tout le monde connaissait », interagir avec ses clients. « Mon désir d’être anthropologue vient de ce bonheur que j’ai d’être invitée dans la bulle des gens, dit-elle. C’est important. Je ne force pas la bulle, j’aime quand les gens m’y invitent, ne serait-ce que deux minutes. Quand ça se passe, je suis contente, j’accepte. »

Sortir de sa zone de confort

Valérie Plante se dit « vraiment heureuse » d’avoir appris l’anglais jeune « parce que c’est tellement pratique ». Elle l’a appris à la dure, en immersion totale lors d’un exil qu’elle s’est elle-même imposé au mitan de l’adolescence, dans le nord de l’Ontario. Sa mère se souvient d’avoir parcouru avec ses deux filles les quatre heures de route séparant Rouyn de North Bay pour trouver une famille unilingue anglophone disposée à accueillir sa cadette durant toute une année scolaire.

Matin et soir, Valérie appelait sa mère en pleurant. Mais à cette dernière, qui l’invitait à revenir, elle répondait : « Je vais attendre encore. » À Noël, la petite Abitibienne s’était tellement adaptée qu’elle rêvait en anglais...

Valérie Plante attend dans l'ombre de ses collègues, quelques secondes avant d'être présentée comme mairesse de Montréal, lors de son assermentation, le 16 novembre 2017.
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Valérie Plante attend dans l'ombre de ses collègues, quelques secondes avant d'être présentée comme mairesse de Montréal, lors de son assermentation le 16 novembre 2017.

Photo : Radio-Canada / Pascale Fontaine

La nouvelle mairesse de Montréal affirme s’être souvent placée de son propre chef dans des situations de vulnérabilité. En entrevue, elle laisse tomber qu’elle est à son meilleur lorsqu’elle est poussée dans ses derniers… mais se ravise avant de prononcer le mot « retranchements ». « Je suis à mon meilleur quand je sors de mes zones de confort, dit-elle plus prudemment. Et toute ma vie, c’est ce que j’ai fait. »

Et ce, même quand elle atteint le fond du baril, ce qui lui est arrivé avant de se lancer en politique municipale. De retranchements, elle n’en avait plus. Valérie Plante avait accepté un boulot « dans un milieu très stimulant », mais qui ne lui convenait pas. La guerrière joyeuse a trébuché.

«  »

— Une citation de  Valérie Plante

Fin avril 2013, Valérie Plante participe à un cocktail de financement organisé par le Groupe Femmes, politique et démocratie qui encourage les femmes à s’impliquer en politique. Mme Plante siège au conseil d’administration de ce groupe et confie à sa directrice, Esther Lapointe, qu’elle est « vraiment intéressée par la politique municipale ». La directrice la met en contact avec un conseiller de Projet Montréal, parti que rejoindra Plante quelques semaines plus tard à titre de candidate.

« C’est moi, la mairesse », peut-elle dire cinq ans plus tard.

La cause des femmes

Dans le second débat des chefs opposant Valérie Plante à Denis Coderre, tenu en anglais à moins d’une semaine des élections, le maire sortant s’aventure sur le terrain glissant de la « loi 62 », la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État. Tant Mme Plante que M. Coderre s’opposent à cette obligation faite aux femmes de dévoiler leur visage lorsqu’elles reçoivent des services publics. Mais Denis Coderre reproche à Valérie Plante d’avoir tergiversé sur ses positions.

Elle lui cloue le bec si solidement que des applaudissements fusent dans la salle : « J’ai travaillé sur le terrain avec des femmes marginalisées et racisées, je n’ai pas de leçons à recevoir de vous, M. Coderre. »

Dans son élan, la candidate utilise d’abord le mot « news » plutôt que « lessons », erreur bénigne qu’elle rattrape sans sourciller. M. Coderre est l’homme à abattre et elle est « l’homme de la situation », slogan qu’arborait l’une de ses affiches préélectorales, un coup de marketing fumant.

Avant de se lancer en politique, Valérie Plante a notamment enseigné les techniques d'autodéfense au Centre de prévention des agressions de Montréal. Elle s’est aussi occupée de la cause des femmes en dirigeant pendant une dizaine d’années la Fondation Filles d’action, organisme sans but lucratif pancanadien qui promeut l’avancement et la défense des droits des jeunes filles en milieu défavorisé.

« Elle a travaillé fort pour diversifier notre message », a affirmé à CBC Fabienne Pierre-Jacques, qui a travaillé avec Valérie Plante à la Fondation. « Elle s’est vraiment efforcée de comprendre les contributions de différentes communautés. »

À la Fondation Filles d’action, la détresse de certaines femmes l’a marquée. Elle a trouvé « difficile et choquant » de les voir se débattre pour s’en sortir, « mais c’est tellement dur parce que t’es Autochtone, réfugiée, immigrante ». « J’ai beaucoup travaillé au développement social, avec les communautés les plus vulnérables », dit-elle. Pour ceux qui sont marginalisés, il faut trouver des « solutions durables », insiste-t-elle.

VValérie Plante embrasse son mari, Pierre-Antoine Harvey, économiste rattaché à l’IRIS et conseiller à la Centrale des syndicats du Québec, en présence de leurs fils, Gaël et Émile.
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Valérie Plante embrasse son mari, Pierre-Antoine Harvey, économiste rattaché à l’Iris et conseiller à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) en présence de leurs fils, Gaël et Émile

Photo : The Canadian Press / Ryan Remiorz

Une battante curieuse

Monter au front, « elle aime ça », affirme Steve Shanahan, qui ne la connaissait ni d’Ève ni d’Adam avant d’être élu comme elle en 2013, lui pour le parti Vrai Changement pour Montréal et elle pour Projet Montréal. Il n’a fait sa connaissance qu’au jour de l’assermentation. « J’étais son nouveau collègue et elle voulait vraiment me connaître », se souvient-il.

Dans l’intérêt que lui a porté Valérie Plante ce jour-là, Steve Shanahan a senti un désir sincère de travailler avec elle dans les rangs de l’opposition, mais aussi « possiblement » contre lui, le cas échéant. La nouvelle politicienne plaçait ses pions et voulait savoir à qui elle avait affaire.

Pendant quatre ans dans Ville-Marie, affirme Steve Shanahan, la conseillère Plante a rebattu les oreilles de l’administration Coderre sur la nécessité d’améliorer la sécurité des cyclistes et des piétons.

« Elle a cette approche très militante, très revendicatrice […], affirme M. Shanahan. Quand il y avait un point dont elle voulait discuter, c’était la confrontation, la revendication, noir et blanc, "il faut faire ceci et si vous ne le faites pas"… »

En fin de compte, ils ont été « de bons collaborateurs », estime Steve Shanahan, qui décrit Valérie Plante comme une « travaillante » dotée d’un véritable sens de l’écoute. À l’inverse de Denis Coderre qui cherche à « avaler » les gens pour les rallier à son idée, Valérie Plante cherche à les « inclure », dit Steve Shanahan.

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— Une citation de  Steve Shanahan, ex-conseiller de ville dans l’arrondissement Ville-Marie

« Contrairement à certains politiciens, elle aime les gens », affirme pour sa part Ed Broadbent qui a dirigé le Nouveau Parti démocratique pendant 14 ans et qui a fondé l’Institut Broadbent, dont le conseil d’administration compte Valérie Plante comme membre depuis trois ans. « Elle est curieuse des autres, un atout merveilleux en politique », affirme-t-il.

De gauche, Valérie Plante? « Oubliez le label, et regardez ce qu’elle propose », rétorque l’ancien chef, empruntant une formule propre à l’ex-premier ministre de la Saskatchewan Tommy Douglas, à qui l’on doit la première mouture de l’assurance maladie au pays. « Au-delà de la politique, quelle est l’idée proposée? C’est la chose cruciale à considérer », explique l’ex-député d’Ottawa-Centre.

À l’Institut Broadbent, où on est allé la chercher sur la base « de solides recommandations », Valérie Plante remporte la faveur des membres du C. A. pour son dynamisme, aux dires d’Ed Broadbent. Là où certains reculent devant un projet trop ambitieux, Valérie Plante, elle, ne se démonte jamais, dit-il.

Une immense tâche

Valérie Plante salue la foule après sa victoire à la mairie de Montréal.
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Valerie Plante

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

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— Une citation de  Valérie Plante, lors de son discours de victoire au soir de l’élection du 5 novembre 2017

Tant d’attentes sont investies en Valérie Plante qu’on la dirait porteuse d’un projet missionnaire. Au 17e siècle, Jeanne Mance avait paré au plus pressé et fondé un hôpital. La nouvelle mairesse de Montréal, elle, a pour priorités la mobilité et le logement social. À chaque époque ses préoccupations.

En ce samedi radieux, mais glacial, deux hommes dorment dans le métro Lucien-L’Allier, l’un sur un banc du quai, l’autre sur un palier entre deux escaliers. Au sortir de la station, une jeune Autochtone quémande des cigarettes. Un camion de pompier grimpe la rue de la Montagne, toutes sirènes hurlantes.

Qu’il y ait autant de personnes dans la rue et dans les bouches de métro, Valérie Plante « n’aime pas ça ».

« Ce n’est pas ce que je souhaite pour eux et ce n’est pas souhaitable pour la Ville non plus », dit-elle, soulignant au passage son engagement politique à hausser « de façon importante » le nombre d’habitations sociales et abordables.

La mairesse affirme que « les gens [...] veulent sentir que leur ville et que la province s’occupent bien des personnes vulnérables ». Qu’elle mentionne Québec n’est pas anodin : la coûteuse proposition faite par Projet Montréal de construire 12 000 logements sociaux, échelonnée sur quatre ans, nécessitera la participation financière du gouvernement provincial. D’ailleurs, 36 heures après son élection, c’est le ministre des Affaires municipales, Martin Coiteux, que rencontrait Valérie Plante.

À 300 mètres du métro Lucien-L’Allier se trouve le Centre Bell. À l’horizon, la troisième tour de condos des Canadiens s’élève, « gratte-ciel haut de gamme » prisé des touristes Airbnb.

« La richesse, c’est bon pour le développement économique », assure Valérie Plante qui enchaîne qu’elle peut profiter à tous… à condition d’être redistribuée. Le statut de métropole, conféré à Montréal cet automne donne plus de « poigne » à la Ville pour « forcer » les promoteurs de la Tour des Canadiens et autres immeubles à investir dans le logement social, affirme la mairesse.

Montréal, île-métropole couronnée d’une montagne, abrite près du quart de la population du Québec – casés dans 19 arrondissements lotis entre le fleuve Saint-Laurent et la rivière des Prairies. L’agglomération de Montréal compte 15 villes reconstituées regroupées en conseil que préside la mairesse Plante. Le Grand Montréal, enfin, se découpe en 82 municipalités blotties sous le chapeau de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) que préside aussi la mairesse Plante.

Au total : 4 millions d’habitants, tout un royaume aux intérêts et aux besoins parfois divergents. « Un défi de représentation et de cohérence à chaque échelle territoriale », affirme la professeure à l’UQAM Danielle Pilette.

La représentation, tel est le mandat premier du maire, rappelle Mme Pilette, alors que la gestion des opérations revient traditionnellement au président du comité exécutif, une fonction qu'assumera Benoit Dorais au sein de l’administration Plante.

Et dans cette tâche, Valérie Plante semble avoir « exactement ce qu’il lui faut », selon Danielle Pilette, soit des qualités de rassembleuse, de médiatrice et de négociatrice.

Qui dit représentation dit image. À ce chapitre, la nouvelle mairesse a de bons réflexes.

Le maire sortant Denis Coderre et la mairesse Valérie Plante déposent une couronne durant la cérémonie du jour du Souvenir à Montréal, le 11 novembre 2017.
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Le maire sortant Denis Coderre et la mairesse désignée Valérie Plante déposent une couronne durant la cérémonie du Jour du Souvenir à Montréal le 11 novembre 2017

Photo : The Canadian Press / Graham Hughes

Le 11 novembre, alors qu’elle retrouve son adversaire Denis Coderre sur la place du Canada pour la cérémonie du jour du Souvenir, elle tire de la poche de son manteau noir ses lunettes de soleil qu’elle ne mettra qu’une fois terminé l’hymne national du Canada… Et qu’elle retirera pour aller déposer une couronne devant le Cénotaphe, bras dessus bras dessous avec le maire sortant.

Ce jour-là, les caméras n’en ont tellement que pour elle qu'au milieu des vétérans en kilt ou coiffés de bérets, le ministre Martin Coiteux a l’air d’un badaud, anonyme dans son imper.

L’ampleur de la tâche qui lui incombe désormais à l'Hôtel de Ville ne donne pas le vertige à Valérie Plante. « Je le sais que je suis une bonne mairesse, parce que je ne me satisfais pas du minimum », dit-elle.

Elle commence souvent ses phrases par « moi je ». « Moi, je ne dois rien à personne. Honnêtement, là? Moi j’arrive et je ne dois rien à personne. »

Elle affirme ne pas avoir « de retour d’ascenseur » à faire parce qu’elle n’a rien promis aux Benoit Dorais (maire de l’arrondissement du Sud-Ouest) et Normand Marinacci (maire de L'Île-Bizard-Sainte-Geneviève) qu’elle a ralliés à Projet Montréal cette année ou encore aux François Croteau et Luc Ferrandez, présents dans le parti depuis plus longtemps qu’elle.

Elle ne leur a garanti qu’une chose : « Si on travaille ensemble, je vais m’imprégner et profiter de ton expérience et, ensemble, nous allons aller plus loin. »

« Donc, non, je ne dois rien à personne », conclut-elle. Et elle sourit.

Avec les informations de CBC

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