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Les quintuplées Dionne et la lutte pour l'éducation en français

Les quintuplées Dionne en 1937

Une photo des jumelles Dionne prise par N. E. A. Service inc., en 1937.

Photo : Domaine public

Radio-Canada

L'élite franco-ontarienne a joué un rôle important pour que l'éducation des célèbres quintuplées se fasse en français et pour mettre un terme à la tutelle du gouvernement ontarien.

Un texte de Sophie Houle-Drapeau

Les parents des quintuplées, Elzire et Oliva Dionne, se sont battus pendant neuf ans pour récupérer la garde de leurs enfants.

Flairant la bonne affaire et craignant qu'on les exploite, le gouvernement de l'Ontario les avait enlevées à leurs parents et les avait placées dans un hôpital construit spécialement pour elles, sous la surveillance du Dr Allan Roy Dafoe, qui les avait mises au monde.

Queen's Park adoptera même une loi spéciale pour retirer leurs droits aux parents.

Une petite maison peinte en blanc.

C'est dans cette maison que sont nées les quintuplées en 1934.

Photo : Pierre-Mathieu Tremblay

Pendant des années, les fillettes ont joué derrière une vitre sans tain et sont devenues la plus grande attraction touristique du Canada en rapportant des millions de dollars à l’Ontario.

Dans son essai, Les jumelles Dionne et l’Ontario français (1934-1944), l’historien Gaétan Gervais s’est penché sur le rôle de l’élite franco-ontarienne dans la lutte contre la tutelle des soeurs Dionne.

Quatre dates importantes

  • Mai 1934 - Naissance des quintuplées
  • Juillet 1934 - Première mise sous tutelle des quintuplées Dionne par la Croix-Rouge pour des raisons médicales
  • Septembre 1934 - Inauguration de l’hôpital Quintland dans lequel les cinq soeurs passeront les premières années de leur vie
  • Mars 1935 - Adoption de la loi Croll, qui placera les quintuplées Dionne sous tutelle jusqu’à 18 ans

Première prise de position de l’élite franco-ontarienne

La première intervention de l’élite franco-ontarienne survient lors de l’inauguration de l’hôpital spécialement construit pour les fillettes en septembre 1934, juste en face de la maison où elles étaient nées.

Le journal Le Droit - porte-parole à l’époque des élites canadiennes-françaises - s’offusque du fait que ni les parents ni les deux députés francophones de Nipissing n’ont été invités à cette cérémonie.

Le titre de la une est : Ni les jumelles, ni leurs parents n'assistaient.

La une du journal Le Droit le 15 septembre 1934.

Photo : Radio-Canada

Une lutte pour le français dès la pouponnière

Le combat pour la langue d’enseignement commence dans la pouponnière. Les professionnels qui gravitent autour des quintuplées sont en majorité unilingues anglophones, dont le Dr Dafoe et le pédagogue de Toronto, William Blatz.

En 1937, ce dernier conclut que les fillettes, alors âgées de 3 ans, ont un retard de langage.

L’Association canadienne-française d'éducation de l'Ontario (ACFEO) entre en scène et conteste la conclusion des tests de Blatz, en faisant valoir qu’ils ont été menés en anglais.

L’ACFEO s’intéresse aussi de très près aux compétences en français des infirmières embauchées en 1936 et 1937.

Changement des rapports de force

Les jumelles Dionne dans des chaises hautes.

Une publicité de cigarettes montre les jumelles Dionne lorsqu'elles étaient bébés.

Photo : New York public library

C’est en 1938 que le débat de la langue et de l’identité canadienne-française des quintuplées entre en jeu dans le cadre de la lutte contre leur tutelle.

Écrivant au nom d’Oliva Dionne en 1938, l’avocat Henri Saint-Jacques demande que le français soit la seule langue d’instruction des quintuplées. Le père des quintuplées souhaite que tous ses enfants apprennent l’anglais, mais seulement après avoir acquis une base solide en français.

Selon l’historien Gaétan Gervais, cette déclaration au nom d’Oliva Dionne reflète explicitement la position de l’élite franco-ontarienne de l’époque sur la question de l’éducation.

Le gouvernement ne plie pas devant l’ACFEO sur la question de la tutelle, mais l’association remporte une demi-victoire concernant l’éducation : elle parvient à faire reconnaître le français comme première langue dans la pouponnière.

Un deuxième combat autour de l’anglais

C’est dans ce contexte que le malaise éclate au grand jour : le 11 mai 1941, les soeurs Dionne refusent de parler en anglais lors d’une émission de radio. L’incident provoque de nombreuses réactions dans la presse anglophone.

Les soeurs Dionne sont alignées et souriantes.

Les soeurs Dionne pratiquant la révérence (1939)

Photo : Dionne Quints Museum Collection avec autorisation de A. et C. Dionne

Le 28 mai 1941, le jour du septième anniversaire des quintuplées, un inspecteur du gouvernement note que les élèves des écoles bilingues commencent à apprendre l’anglais à cet âge.

L’inspecteur unilingue anglophone juge que les petites ont fait suffisamment de progrès en français pour commencer à apprendre l’anglais.

L’ACFEO s’oppose à la présence d’une institutrice anglophone, alors que le gouvernement suggère une solution à trois institutrices : une de langue française, une de langue anglaise et une pour les arts et la musique.

L’usage croissant du français par les quintuplées et leur accent de plus en plus prononcé amoindrissent leur « valeur publicitaire », soutient Gaétan Gervais dans son essai. La carrière cinématographique dont rêvaient plusieurs promoteurs américains ne se matérialisera pas.

La conjoncture économique et politique à l’aube de la Seconde Guerre mondiale est le facteur déterminant dans la levée de la tutelle gouvernementale, précise l’historien. De plus, au tournant des années 1940, la presse est favorable à la réunion de la famille.

Dénouement

La grande famille des Dionne est réunie sous un même toit en 1943. Cette réunification ne sera pas vécue comme un événement heureux par les quintuplées, qui se sentent différentes de leurs frères et soeurs.

Après un changement de garde à Queen’s Park, le nouveau gouvernement conservateur met officiellement fin à la tutelle en 1944.

Une fois adultes, les quintuplées se distancient du débat linguistique qui a ponctué leur enfance.

Sources :

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