
Au moment où débute la cinquième ronde de négociations de l'Accord de libre-échange nord-américain au Mexique, l'industrie du camionnage, qui emploie plus de 200 000 personnes au pays, s'inquiète de l'avenir incertain de l'entente commerciale trilatérale.
Dans une émission spéciale de RDI économie sur l’ALENA, présentée jeudi à Windsor, en Ontario, l’animateur Gérald Fillion a rappelé que plus des trois quarts des exportations canadiennes se dirigent vers les États-Unis.
Plus de la moitié du commerce de marchandises entre le Canada et les États-Unis se fait par camion.
Le corridor Détroit-Windsor représente le plus important lien commercial entre les deux pays, avec 25 % des échanges commerciaux.
Deux millions et demi de camions traversent cette frontière chaque année, et la valeur des marchandises échangées atteint annuellement plus de 125 milliards de dollars.

Le pont Ambassador, entre Détroit et Windsor, relie les économies américaine et canadienne.
Jusqu’à 10 000 camions par jour empruntent ce passage frontalier.
Impact sur les camionneurs et les consommateurs
Le président du service de transport Topad Systems, établi en Ontario, Anthony De Jong, a constaté plusieurs transformations qui ont touché son industrie au cours des dernières décennies.
Il se prépare maintenant à faire face à un autre défi : l’ALENA et ses bouleversements.
Depuis 30 ans, M. De Jong transporte surtout des fruits et des légumes.
Il ne croit pas qu'il sera directement touché par les changements que souhaitent apporter les Américains au secteur automobile ou à l'industrie laitière.
« Mais s'il y a moins de marchandises à transporter dans ces domaines, soutient M. De Jong, les camionneurs voudront diversifier leurs activités, et c'est là que ça pourrait me faire mal. »
Si les camionneurs en ressentent les contrecoups, ce sont les consommateurs qui devront payer la facture, selon lui, parce que leurs « marges de profits sont minimes ».

C'est exactement la mise en garde que lance en privé l'Alliance canadienne du camionnage, partie prenante des négociations sur l'ALENA.
Publiquement, son président, Stephen Laskowski, tente d'être rassurant en disant que « le gros bon sens va finir par l'emporter ».
Tarifs douaniers
Pour le moment, M. Laskowski refuse d'évaluer les effets dévastateurs que l'imposition de tarifs douaniers dans certains secteurs d'activité pourrait avoir sur l’industrie du camionnage.
« Il y a un tarif préférentiel prévu par l’ALENA entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, rappelle le professeur titulaire de droit international économique à l'Université Laval, Richard Ouellet, à l'émission RDI économie présentée à Windsor.
« Et le retrait des États-Unis de l’ALENA fera que dorénavant les pièces canadiennes, par exemple, qui entreront aux États-Unis, seront soumises à des tarifs douaniers chaque fois qu’elles passeront la frontière, poursuit-il. Et on a vu que certaines pièces peuvent passer la frontière bien des fois avant d’être mises dans un produit fini comme une voiture. »

Si l’Accord de libre-échange nord-américain devait tomber, les États-Unis pourraient imposer un tarif chaque fois qu’une pièce traverserait la frontière, selon Joe Comartin, qui a été député néo-démocrate de la circonscription de Windsor-Tecumseh de 2000 à 2015.
« Ce qui arrive, c’est que chaque pièce passe la frontière six à sept fois. Et si Trump et les États-Unis imposent un tarif chaque fois, ce sera au moins 2 % à chaque occasion », indique M. Comartin.
La tentation pour plusieurs propriétaires de petites entreprises de pièces d’auto, c’est d’aller construire directement sur le territoire américain pour éviter le paiement de ces droits de douane là. Et c’est la perte d’emplois pour le Canada à terme.
Menace de retrait
La crainte face à la menace des États-Unis de se retirer de l’accord est bien réelle.
« On commence à sentir un volume d'appels qui est spécifique à ça », indique le vice-président aux ventes de la Société internationale Livingston, Stéphan Galarneau.
Son entreprise se décrit comme l’un des « premiers fournisseurs nord-américains de services de courtage en douane, de transport et de logistique intégrée ».
M. Galarneau invite déjà les PME à se préparer, à évaluer leur propre vulnérabilité, en cas de retrait des Américains de l'ALENA.
« Quelle est la portion d'import-export, vous dépendez de ça? », demande Stéphan Galarneau.
« Quelles sont vos autres options si les portes se ferment? Avez-vous d'autres marchés? C'est des choses qu'il faut regarder. Quelles sont les options si on a un produit que je ne peux pas trouver ailleurs parce que ma chaîne d'approvisionnement dépend d'une compagnie aux États-Unis? »
Pour l’instant, les camionneurs vont continuer de suivre les négociations de l’ALENA tout en poursuivant leur route.
Pendant que le Canada, le Mexique et les États-Unis se penchent sur un renouvellement de l’accord, les camionneurs, eux, doivent continuer de gagner leur vie.
Avec les informations de Philippe Leblanc
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