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LGBTQIA+ : la nouvelle donne en sciences

Le public réuni au bar L'Barouf. À l'animation, Sophie-Andrée Blondin.

Le « bar des sciences » au bar L'Barouf, à Montréal

Photo : Radio-Canada / Martin Thibault

Radio-Canada

L'ouverture à la pluralité des sexes, des genres et des identités sexuelles que connaissent nos sociétés oblige des chercheurs à revoir leurs concepts, leurs objets de recherche et la façon de mener leurs travaux, tant en sciences naturelles qu'en sciences humaines. Des experts en ont discuté cette semaine à Montréal.

Un texte de Mathieu Gobeil

Les sciences ont longtemps fonctionné dans un cadre hétéronormatif et sans remettre en question l’utilisation des binômes conceptuels que sont mâle-femelle et hommes-femmes, mais les choses changent rapidement, avec toutes sortes d’implications pour les scientifiques. Ce n’était là qu’un des nombreux thèmes abordés dans le cadre du « bar des sciences » de l'émission Les années lumière intitulé LGBTQIA+ c’est quoi ton genre?, qui s’est déroulé au bar L’Barouf, à Montréal.

La biologiste de l’Université de Montréal Sophie Breton a cité des exemples tirés des sciences de la vie. « En nature, on a longtemps pensé qu’étant donné que chez la majorité des espèces animales, on a des individus mâles et femelles séparés et que la reproduction est associée à l’acte entre un mâle et une femelle, que toute la détermination du sexe serait profondément ancrée dans la génétique, avec des gènes hyper conservés, qu’on pourrait identifier facilement d’une espèce à l’autre », a-t-elle expliqué.

Mais c’est totalement le contraire qu’on observe : il y a une diversité extrême des systèmes de détermination du sexe. Certains sont complètement déterminés par la génétique, mais d’autres sont entièrement déterminés par l’environnement.

Une citation de Sophie Breton, biologiste à l'Université de Montréal

Pour certaines espèces, les individus « ont tout le bagage génétique pour se développer en mâle ou en femelle, mais ce sont les stimuli environnementaux, comme la température ou la présence de nourriture, qui vont déterminer le sexe », a ajouté la biologiste. Chez les poissons-clowns, par exemple, ce sont les interactions sociales et le rang dans une communauté qui vont déterminer le sexe des individus au cours de leur vie.

On voit Sophie Breton de face, assise au bar L'Barouf

Sophie Breton, biologiste à l'Université de Montréal

Photo : Radio-Canada / Martin Thibault

« Et pour plusieurs espèces, il y a un continuum entre ces deux extrêmes (mâle-femelle) avec des individus qui sont hermaphrodites simultanés, donc qui ont à la fois [un appareil reproducteur mâle et femelle]. Et aussi des individus hermaphrodites séquentiels, qui commencent leur vie étant mâle, mais qui vont changer durant leur vie, une fois ou plusieurs fois. On a vraiment plusieurs possibilités », a ajouté la biologiste, qui constate que les portes sont ouvertes pour repenser les objets de recherche dans les sciences de la vie.

Nature et culture

Dans un tout autre domaine, Michel Dorais, sociologue de la sexualité à l’Université Laval, a rappelé que l’être humain, contrairement aux autres animaux, est « à la fois 100 % naturel et 100 % culturel ». Il faut donc tenir compte à la fois de la biologie de l’humain, qui détermine le sexe à la naissance, et du contexte social dans lequel il évolue, qui détermine le genre et la perception du genre, une complexité pour les chercheurs.

En réponse à une question du public, Michel Dorais a soutenu qu’il y avait un risque de « pathologiser » les différences, en voulant trop chercher l’origine biologique ou psychologique des genres et des identités sexuelles, comme c’était le cas à une certaine époque.

« Pendant longtemps, on a cherché les causes de l'homosexualité pour "prévenir". C’était lié à quelque chose de négatif, parce que les parents ne voulaient pas avoir des enfants homosexuels. Et même dans le mouvement [LGBT], on disait que si on démontre que c’est génétique, il n’y aura plus d’homophobie, de transphobie. Mais, vous savez, il y a encore du racisme, alors qu’on sait bien que la couleur de la peau est génétique », a souligné le sociologue.

« Ça fait 150 ans qu’on cherche les causes de l’homosexualité, mais on devrait chercher pourquoi tant de gens ne sont pas heureux dans notre société, pourquoi il y a autant de préjugés », a-t-il poursuivi.

Les travaux en sciences sociales sont désormais axés davantage sur les façons de mieux intégrer les individus pour qu’ils se sentent plus acceptés. Le contexte social actuel facilite les choses, selon lui.

La pluralité des genres a toujours existé, mais on n’en a jamais parlé.

Une citation de Michel Dorais, sociologue à l'Université Laval

M. Dorais a cité l’exemple des enfants intersexués, ce qui concerne une naissance sur 100 environ. « La médecine n’arrive pas à dire quel est leur sexe. J’ai des étudiants qui viennent de médecine et qui me disent "c’est le temps qu’on nous en parle" ».

On voit Michel Dorais, de face, prenant place au bar L'Barouf

Michel Dorais, sociologue à l'Université Laval

Photo : Radio-Canada / Martin Thibault

« J’ai l’impression qu’il y a une confluence d’événements [à l’heure actuelle]. Maintenant, si vous vivez quelque chose et que vous croyez être le seul au monde, vous pouvez trouver des sites, des groupes qui vont parler de votre réalité. Je pense que l’explosion de mots, de concepts, de noms pour nommer les choses, c’est lié à Facebook, à ce monde où on a accès à beaucoup d’informations, à des gens qui peuvent nous ressembler », a avancé M. Dorais.

« Parler d’intersexualité ou de personnes trans, ça concerne beaucoup de monde et ce n’est plus un tabou », a indiqué le sociologue.

Repenser la société

La discrimination envers les minorités sexuelles ou de genre demeure bien réelle dans le domaine de la recherche, a assuré quant à elle Maryse Lassonde, neuropsychologue et directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec - Nature et technologie.

Le monde du génie, des mathématiques et des sciences demeure dominé par des hommes, généralement blancs ou asiatiques, et hétérosexuels, a-t-elle affirmé. « De façon générale, les gens qui proviennent de la communauté LGBTQ vont faire face aux mêmes difficultés que les femmes dans ces domaines, s’ils veulent progresser dans leur carrière. »

Mme Lassonde a cité le cas du scientifique de Stanford, Ben Barres, une femme devenue homme à la fin des années 1990, alors qu’il débutait sa carrière en neurobiologie.

« Après avoir changé de sexe, il était [soudainement] beaucoup plus accepté par ses collègues et a eu beaucoup plus de facilité dans son cheminement de carrière », a précisé Mme Lassonde.

On voit Maryse Lassonde de face, prenant place au bar L'Barouf

Maryse Lassonde, neuropsychologue et directrice scientifique au FRQNT

Photo : Radio-Canada / Martin Thibault

Pour sa part, la sociologue Line Chamberland, titulaire de la chaire de recherche sur l’homophobie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a parlé des perspectives d’avenir, compte tenu du « foisonnement » des genres et des identités.

La société est construite en fonction de deux sexes. On le voit quand on doit remplir un formulaire ou aller aux toilettes. Toute notre société est structurée de façon binaire. Mais l’édifice commence à être fissuré.

Une citation de Line Chamberland, sociologue à l'UQAM

« Toutefois, le système est très fort et se reproduit. Quand on veut trouver d’autres manières de faire, ce n’est pas simple », a souligné Mme Chamberland.

La sociologue a cité l’exemple de la catégorie « autre » introduite dans le passeport canadien, en plus de celles d’homme et de femme. « Si on a un passeport, c’est pour voyager et être en sécurité », peu importe le pays où l’on se trouve. « Qui va vraiment choisir cette case? », se demande-t-elle.

On voit Line Chamberland, de face, prenant place au bar L'Barouf

Line Chamberland, sociologue à l'UQAM

Photo : Radio-Canada / Martin Thibault

« Alors, comment trouver des solutions pour permettre à ces identités de s’exprimer? Je pense que sur le plan interpersonnel, c’est possible, on peut interagir. Ce sont surtout des jeunes qui vont porter ces nouvelles identités, qui vont les afficher. » Ils ont besoin de termes pour se définir, pour se positionner, soutient Line Chamberland. Il est donc important de les écouter.

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