ArchivesRené Lévesque, le souverainiste

René Lévesque a profondément marqué la politique québécoise et canadienne.
Photo : Radio-Canada / André Le Coz
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le 1er novembre 1987, le journaliste et politicien René Lévesque meurt subitement d'une crise cardiaque. Deux ans plus tôt, il avait quitté la politique active en démissionnant de son poste de chef du Parti québécois. Nos archives rappellent quelques moments marquants de ses dernières années en politique.
Tous les drapeaux sont en berne ce matin au Québec.

Décès de René Lévesque, 2 novembre 1987
Au matin du 2 novembre 1987, un bulletin spécial animé par Céline Galipeau interrompt la programmation habituelle afin de souligner la disparition de cette personnalité politique majeure dans l’histoire du pays.
Les Québécois se sont levés ce matin avec un pincement au cœur
, annonce l’animatrice Céline Galipeau. C'est qu'hier on leur a annoncé le décès subit de leur ancien premier ministre René Lévesque et nombreux avait peine à le croire.
La journaliste Ghislaine Bouffard revient sur les circonstances de la mort de l’homme de 65 ans qui a eu un malaise cardiaque alors qu’il soupait en compagnie de sa femme et d’amis à sa résidence de l'île des Sœurs.
Transporté à l’Hôpital général de Montréal à 21 h 45, il sera déclaré officiellement mort à 22 h 35, semant l’agitation parmi les représentants de la presse qui s’étaient précipités sur les lieux.
Au lendemain de son décès, les réactions et les hommages se succèdent dans la classe politique, tant fédérale que provinciale.
Sur la colline Parlementaire, la disparition aussi brusque qu'inattendue de monsieur Lévesque a provoqué un émoi considérable
, témoigne le journaliste Jean Bédard.
Si la politique a été pendant 25 ans aussi passionnante au Québec, plusieurs s’accordent pour dire que René Lévesque en est sans doute l'une des bonnes raisons.
La fondation du Parti québécois

Un nouveau parti au Québec, 11 octobre 1968
Sous l’impulsion de René Lévesque, le Parti québécois voit le jour à l’automne 1968 avec la fusion du Mouvement souveraineté-association et du Ralliement national.
Anciennement journaliste à Radio-Canada et bien connu pour ses talents de vulgarisateur, René Lévesque avait amorcé sa carrière politique en 1960 sous les couleurs du Parti libéral du Québec.
Comme en témoigne cet extrait de l’émission spéciale Un nouveau parti pour le Québec du 11 octobre 1968, les militants se rassemblent en congrès autour du thème Un parti à fonder, un pays à bâtir.
René Lévesque y fait un discours portant sur la domination économique des Canadiens français par les Anglais et sur l'importance de la souveraineté.

Un nouveau parti au Québec, 11 octobre 1968
À la dernière journée de ce congrès, il est question de la responsabilité des membres du parti vis-à-vis du nom choisi : Parti québécois. La question du nom avait été un point litigieux pendant le congrès et René Lévesque préférait privilégier une option avec le mot souveraineté
.
C'est un très beau nom qu'on a choisi! C'est même sûrement le plus beau nom qu'on pouvait donner à un parti politique!
À l’élection de 1970, une première pour le Parti québécois, Lévesque est battu dans Laurier par le député libéral André Marchand, mais son parti devient l’opposition officielle à Québec. Une fierté pour l’homme politique.
La crise d’Octobre
Le 10 octobre 1970, quelques heures après l'enlèvement de Pierre Laporte, Robert Bourassa téléphone à Pierre Elliott Trudeau pour lui demander d’appliquer la Loi sur les mesures de guerre. Une demande à laquelle répond favorablement le premier ministre du Canada dans la nuit du 15 au 16 octobre 1970.
La tension dans la province de Québec est alors à son comble : aux bombes qui, déjà, explosaient à Westmount s’ajoutent l’enlèvement de l'attaché commercial du Royaume-Uni, James Richard Cross, et celui du ministre provincial du Travail, Pierre Laporte, par le Front de libération du Québec (FLQ).

Crise d'octobre - émission spéciale, 16 octobre 1970
Dans un message télévisé diffusé le 16 octobre 1970, le chef du Parti québécois, René Lévesque, blâme le gouvernement de Robert Bourassa et le gouvernement fédéral. Il leur reproche les comparaisons entre le nationalisme démocratique et un mouvement terroriste.
Il s’empresse également de dénoncer les gestes du FLQ et supplie les ravisseurs de James Cross et de Pierre Laporte d'accepter les conditions dictées par Ottawa. Lorsqu'il enregistre ce message, le sort de Pierre Laporte lui est encore inconnu. Il déclarera plus tard : Ceux qui, froidement et délibérément, ont exécuté M. Laporte après l'avoir vu vivre et espérer, après tant de jours, sont des êtres inhumains.
À lire aussi :
Le Parti québécois au pouvoir

Le choix du Québec, 15 novembre 1975
Bernard Derome et ses collaborateurs présentent les résultats de l'élection du prochain gouvernement de la province de Québec. Le Parti québécois et son chef René Lévesque remportent la victoire, récoltant plus de 41 % des votes.
Le soir du 15 novembre 1976 à 20 h 42, Radio-Canada annonce la victoire du Parti québécois aux élections provinciales québécoises.
René Lévesque devient dès lors le 23e premier ministre du Québec. Surpris face à cette victoire inespérée, il est acclamé par les militants du parti qui applaudissent à tout rompre au centre Paul-Sauvé. C’est difficile pour lui, visiblement ému, de s’adresser à la foule. Les mots, lentement, se font entendre :
Je n'ai jamais été aussi fier d'être Québécois que ce soir.
C’est la consternation dans le reste du Canada. Il faut dire que, durant la campagne électorale, Robert Bourassa avait allégrement brandi la « menace séparatiste » pour gagner des points auprès de l’électorat.
Par contre, en perdant l’appui traditionnel des Anglo-Québécois qui étaient vivement irrités par l'adoption du projet de loi 22, les libéraux ont eu une campagne électorale beaucoup plus difficile que prévu.

Le choix du Québec, 15 novembre 1975
Bernard Derome et ses collaborateurs présentent les résultats de l'élection du prochain gouvernement de la province de Québec. Le Parti québécois et son chef René Lévesque remportent la victoire, récoltant plus de 41 % des votes.
Le Parti québécois, quant à lui, a vu sa base électorale se resserrer autour de sa stratégie qui visait à rassurer l'électorat : René Lévesque s’était en effet engagé à tenir un référendum préalable sur la question de la souveraineté-association.
Une stratégie mise au point par Claude Morin avec l’objectif de réaliser l’indépendance, étape par étape. Ainsi, une élection pour le PQ ne signifiait plus directement la séparation du Québec.
Dans le discours de victoire que René Lévesque prononce au centre Paul-Sauvé, il remercie les militants du parti et salue l’audace du peuple québécois.
Mes collègues ici, comme moi, on est conscients du poids énorme que la confiance des Québécois vient de placer sur nos épaules.
Inclusion et ouverture

Téléjournal, 16 novembre 1976
Dès le lendemain de l’élection, René Lévesque adopte en conférence de presse un ton qui se veut rassurant envers tous les électeurs. Il revient sur la question de la séparation, spécifiant, encore une fois, que « ce chapitre ne s’écrira pas sans l’accord de la majorité des Québécois ».
Il y a une place chez nous pour tous ceux qui animent, habitent et aiment le Québec
En faisant, devant les journalistes, le lien entre l’élection de son parti et le célèbre « Maître chez nous », slogan de Jean Lesage en 1962, René Lévesque inscrit son parcours politique dans la continuité. Il souhaite ardemment mettre en place « un gouvernement qui soit aussi vraiment celui de tous les Québécois, de tous les milieux et de toutes les origines. »
Le référendum de 1980

La réponse, 20 mai 1980
Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire à la prochaine fois.
À partir de 1976, le gouvernement de René Lévesque met en place de nombreuses réformes avant de tenir, en mai 1980, un référendum sur la souveraineté-association.
La question référendaire, longue et complexe, est déposée à l’Assemblée nationale le 20 décembre 1979. Les débats ne commencent que le 4 mars 1980.
À lire aussi :
Le premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, s’oppose fermement à la souveraineté du Québec.
Il propose alors, en pleine campagne, de rassembler les fédéralistes autour de la question du bilinguisme et des libertés individuelles à l’intérieur du gouvernement fédéral. Il reste plutôt vague sur les mesures qu’il entend mettre en place, mais promet toutefois d’apporter des changements à la Constitution.
La campagne est difficile pour le camp du oui. La proposition de René Lévesque et des souverainistes québécois est défaite à 59,56 %.
La nuit des longs couteaux

Conférence constitutionnelle, 11 novembre 1981
Pierre Elliott Trudeau arrive à la fin de sa carrière. Il est bien décidé à procéder au rapatriement de la Constitution canadienne, et ce, même sans l’accord du Québec. Ainsi, dans la nuit du 4 au 5 novembre 1981, une entente est signée entre Ottawa et les autres provinces, sans le consentement du Québec.
Vous n'avez pas l'accord du Québec.
Le premier ministre du Québec, René Lévesque, apprend la nouvelle le lendemain, à 8 heures du matin. Furieux, il refuse de signer le document.
La crise au Parti québécois
En 1984, la situation économique est difficile au Québec. René Lévesque souhaite reporter la souveraineté à plus tard, après la crise. Quand l’économie ira mieux. Le Parti progressiste-conservateur de Brian Mulroney offre à Lévesque de réformer le fédéralisme canadien et de faire entrer le Québec dans la Constitution canadienne.
Le chef du Parti québécois choisit d’accepter l’offre et de soutenir Mulroney. Il ne reste plus, pour Lévesque, qu’à faire passer le projet auprès de ses troupes. Par contre, sa stratégie échoue. Cinq ministres démissionnent, dont Jacques Parizeau, Louise Harel et Camille Laurin.
Au sujet d'un possible renouvellement du fédéralisme qui remettrait la souveraineté aux calendes grecques, René Lévesque exprime : Il y a un élément de risque, mais c'est un beau risque
. Les membres du gouvernement péquiste n’ont de toute évidence pas la même opinion.
Hommage et démission

Téléjournal, 21 juin 1985
La crise affaiblit profondément René Lévesque. Le 20 juin 1985, à 23 h 30, il remet sa démission comme chef du Parti québécois.
Ironiquement, le même jour, on lui rendait hommage à l’Assemblée nationale pour souligner ses 25 ans de carrière en politique. Comme le montre notre reportage, au Téléjournal du 21 juin 1985, René Lévesque, le regard sombre, est assis, il écoute.
Le premier ministre est presque seul à savoir comment va se terminer cette journée d’anniversaire
En démissionnant, René Lévesque met fin à des mois de suspense. Une décision difficile et douloureuse pour lui, après toute une vie de dévouement pour le service public. Il retourne, peu après son retrait de la politique active, au journalisme. Là où tout a commencé.
Le 1er novembre 1987, René Lévesque meurt subitement dans sa résidence de l'île des Sœurs après un malaise cardiaque. Il avait 65 ans.
Deux jours plus tôt, Pierre Elliott Trudeau et René Lévesque, les ex-premiers ministres, s’étaient rencontrés à la librairie Paragraphe, à Montréal, dans le cadre d'une campagne de souscription en appui aux écrivains.
Les deux blaguent, visiblement heureux de se revoir dans d’autres circonstances.

Téléjournal, 30 octobre 1987
En complément :
- René Lévesque, le journaliste-pédagogue
- Point de mire sur René Lévesque
- Le 28 octobre 1956, Point de mire entrait en ondes à Radio-Canada
- René Lévesque naissait il y a 100 ans : Pauline Marois salue l’homme politique
- Ouverture de l’espace René-Lévesque pour le 100e anniversaire de naissance du politicien