Des délais plus longs pour les échographies

Une femme passe une échographie
Photo : Associated Press / Victor R. Caivano
Les échographies sont gratuites en clinique privée depuis décembre 2016 au Québec. Mais au lieu d'améliorer l'accès, la mesure aurait fait augmenter les délais d'attente. Alors que les cliniques peinent encore à s'organiser, le ministre de la Santé annonce que d'autres examens seront bientôt couverts par l'assurance maladie.
Un texte de Madeleine Roy d’Enquête
Depuis que l’assurance maladie couvre les échographies en cliniques de radiologie, l’Association des radiologistes du Québec (ARQ) dénonce cette réforme imposée par le ministre Gaétan Barrette, prétextant qu’elle risque d’avoir des impacts négatifs.
Pour justifier ses craintes, l’Association a commandé un sondage Léger, qui montre une explosion des délais d’attente. La réforme devait pourtant les faire diminuer.
Selon ce sondage, 48 % des patients obtenaient une échographie en moins de deux semaines avant l’entrée en vigueur du règlement sur la couverture publique de l’échographie. Huit mois plus tard, au 31 août dernier, le chiffre avait chuté à 18 %.
Pour les échographies mammaires en clinique privée, le temps d’attente était de moins d’une semaine avant la réforme, selon l’ARQ. Aujourd’hui, il varie de 5 à 11 semaines.
Ce type d’échographie permet de détecter le cancer du sein.
Méthodologie
Ce sondage web a été réalisé du 5 au 17 septembre 2017 auprès des chefs de département d’imagerie médicale des hôpitaux et des directeurs médicaux des cliniques de radiologie. Au total, 89 personnes ont participé à l’étude, ce qui représente un taux de réponse de 44 %.
Selon le président de l’Association des radiologistes, Dr Vincent Oliva, la congestion vient du nombre de prescriptions d’échographies qui a considérablement augmenté.
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La demande accrue semble s’être dirigée essentiellement vers les cliniques privées. Celles-ci ont vu leurs délais d’attente s’allonger malgré une augmentation des examens réalisés quotidiennement.
Moins d’échographies dans les hôpitaux
Du côté des hôpitaux, le nombre d’échographies a chuté de 3 % et le nombre de patients en attente d’un examen a chuté de 10 %, selon des chiffres obtenus auprès de la RAMQ et du ministère de la Santé. C’est près de 15 000 patients qui pourraient avoir migré des listes d’attente des hôpitaux vers celles des cliniques privées.
Alors que les cliniques de radiologie peinent encore à s’organiser pour répondre à la demande en matière d’échographie, le ministre Gaétan Barrette a déclaré lors d’une entrevue accordée à Enquête que, d’ici le printemps 2018, les examens d’imagerie par résonance magnétique (IRM) et les examens de tomodensitométrie (TDM) seront eux aussi couverts par l’assurance maladie lorsque pratiqués en clinique privée.
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L’Association des radiologistes du Québec prétend que la couverture par l’assurance maladie des IRM et des TDM dans les cliniques de radiologie pourrait coûter des dizaines de millions de plus à l’État et n’avoir qu’un impact marginal sur l’accessibilité.
Le ministre Gaétan Barrette balaie l’argument. « Un radiologue qui se bat pour maintenir le côté privé de la radiologie, 9,9 fois sur 10, c’est pour un intérêt pécuniaire. Pourquoi? Parce que le même examen rapporte dans les poches du radiologue beaucoup plus que dans le public. Ça, c’est une vérité absolue, absolue », dit le ministre.
« C’est une vérité de Gaétan Barrette, rétorque le Dr Oliva. Mais dans le fond, c'est un écran de fumée, c’est un débat qu’il lance pour qu’on ne regarde pas ce qui se passe dans le système public. »
À quoi servent les échographies?
L’échographie est un examen d’imagerie qui utilise les ultrasons. Elle permet de visualiser les tissus mous de l’organisme comme les organes, les vaisseaux sanguins et les ligaments afin de détecter des anomalies. Pendant la grossesse, elle permet de suivre le développement du foetus.
L’Association des radiologistes et la Fédération des médecins spécialistes souhaitent qu’au lieu de dépenser des fonds publics pour couvrir les examens faits en cliniques privées, on augmente le financement des départements d’imagerie médicale des hôpitaux où de nombreux appareils d’IRM et de TDM sont sous-utilisés.
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Le Québec est effectivement l’une des provinces où les appareils d’IRM publics sont les moins utilisés. En Colombie-Britannique, un appareil fait en moyenne 10 000 examens par année. En Ontario, c’est 7000, en Alberta, 6200 et au Québec, 4600.
En novembre 2016, le ministre Gaétan Barrette a annoncé un investissement de 4,5 millions de dollars pour optimiser l’utilisation des appareils d’IRM. Cela devrait permettre de réaliser environ 600 examens de plus par appareil.
On sera encore loin de la performance des provinces voisines.