La Caisse de dépôt veut accroître ses investissements « sobres en carbone »

Michael Sabia, président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
Sans aller jusqu'à tourner le dos aux énergies fossiles, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) amorce un virage visant à réduire l'empreinte carbone de son portefeuille en incluant le facteur climatique dans ses décisions d'investissements.
Le bas de laine des Québécois a dévoilé mercredi sa stratégie qui prévoit, d'ici 2020, une bonification de 50 % de ses « investissements sobres en carbone », ce qui représente une somme d'environ 8 milliards de dollars.
« Notre proposition vise l'ensemble de notre portefeuille, comme les infrastructures, les marchés boursiers, les titres à revenus fixes et les immeubles », a expliqué le président et chef de la direction de la CDPQ, Michael Sabia, au cours d'une rencontre avec la presse.
Selon lui, le gestionnaire de régimes de retraite est le deuxième investisseur institutionnel au monde, avec le fonds souverain de la Nouvelle-Zélande, à déployer une stratégie du genre.
La CDPQ n'a pas voulu imiter certaines institutions financières, comme la banque française, BNP Paribas, qui compte cesser de financer des projets liés au gaz de schiste, le pétrole de schiste et l'or noir découlant des sables bitumineux. Au Québec, le Mouvement Desjardins a décrété il y a quelques mois un moratoire sur le financement de projets d'oléoducs.
« Notre objectif ne vise pas seulement à créer une manchette, a dit M. Sabia. Il consiste à changer le fonctionnement de notre organisation, ce qui est beaucoup plus difficile. »
D'ici 2025, la CDPQ souhaite diminuer, pour chaque dollar investi, de 25 % son empreinte carbone, notamment en ciblant les énergies propres et renouvelables, les infrastructures de transport en commun ainsi que le secteur des technologies. On prévoit également réduire l'exposition à certains actifs, comme ceux liés à l'exploitation du charbon.
La Caisse compte fixer des seuils pour chacun de ses portefeuilles et mandats en ce qui a trait à l'intensité carbone, ce qui fait en sorte qu'il faudra tenir compte à la fois du risque, du rendement et de l'impact environnemental en prenant des décisions d'affaires.
« Des décisions difficiles à prendre » - M Sabia
« Il y aura des décisions difficiles à prendre, a lancé M. Sabia. D'ici 2025, vous allez constater des changements dans la composition de nos portefeuilles. »
Cette stratégie de 15 pages est un « premier pas » et elle est appelée à être modifiée à travers le temps, a expliqué M. Sabia, qui a néanmoins qualifié l'annonce « d'étape importante ».
La Caisse est souvent ciblée par les groupes écologistes, qui ont déjà manifesté devant son siège social du centre-ville de Montréal, afin qu'elle cesse d'investir dans les énergies fossiles.
En date du 31 décembre dernier, les investissements de la Caisse dans les énergies fossiles (extraction, raffinage et production d'électricité grâce aux hydrocarbures) s'établissaient à environ 11 milliards de dollars, sur un actif net de 270,7 milliards.
Sans dévoiler de chiffre précis, l'institution a ajouté que cette somme était déjà moins élevée après six mois en 2017. À l'inverse, ses investissements « sobres en carbone » totalisaient près de 16 milliards de dollars à la fin de 2016, alors que ceux liés aux énergies renouvelables étaient d'environ 9 milliards de dollars.
« Le virage d'un paquebot » - Greanpeace
Dans l'ensemble, les groupes écologistes ont accueilli favorablement la nouvelle direction que souhaite emprunter la Caisse, signalant toutefois que l'institution devait continuer à aller plus loin.
« On constate le virage d'un paquebot qui ne s'en allait pas dans la bonne direction, a expliqué le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin. C'est un virage que l'on voit d'un bon oeil. Jusqu'en 2016, il y avait une hausse des investissements de la Caisse dans les hydrocarbures. »
De son côté, la Fédération des chambres de commerce du Québec a salué le caractère « ambitieux » de cette stratégie, au moment où l'on constate une « croissance de la demande pour des technologies vertes ».
En date du 30 juin dernier, l'actif net de la CDPQ s'élevait à 286,5 milliards de dollars.
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