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Aide médicale à mourir et dons d'organes, des questions éthiques

Stella Wojas, chez elle, dans son fauteuil roulant

Stella Wojas a reçu son diagnostic de sclérose latérale amyotrophique il y a près de deux ans.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Ceux qui ont recours à l'aide médicale à mourir peuvent prévoir que leurs organes seront prélevés à leur mort. La pratique soulève toutefois de nouveaux questionnements éthiques. Témoignage et réflexion.

Un texte de Davide Gentile

Confinée à son fauteuil roulant, Stella Wojas voit son autonomie diminuer depuis qu'elle a reçu son diagnostic de sclérose latérale amyotrophique (SLA) il y a près de deux ans.

Les seules choses que je peux faire, c'est discuter et manger.

Une citation de Stella Wojas

Le verdict est tombé après le décès de son ex-conjoint, Robert Daoust. Début 2014, il est frappé par un accident vasculaire et maintenu en vie artificiellement. Il avait signifié sa volonté de donner ses organes. Stella Wojas était à ses côtés à l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal où a lieu la procédure. Dix-huit mois plus tard, elle est frappée par la maladie. Elle pense rapidement au don d'organes.

On a tous un peu l'idée de vouloir être éternel. Je me dis que je vais continuer à vivre une parcelle de ma vie à travers quelqu'un d'autre.

Une citation de Stella Wojas

Mme Wojas veut qu'on prélève ses organes une fois qu'elle aura reçu l'aide médicale à mourir. « J'aime mieux être soulagée et donner mon corps à quelqu'un qui peut être utile pour la société », confie-t-elle.

Dons d'organes planifiés

Le Dr Pierre Marsolais

Pierre Marsolais, directeur du centre de prélèvement d'organes de l'Hôpital du Sacré-Cœur

Photo : Radio-Canada

Il y aurait déjà eu au moins deux cas de dons d'organes dans le contexte de l'aide médicale à mourir au Québec. Une procédure qui doit avoir lieu à l'hôpital et non à domicile, compte tenu de la vitesse et des compétences médicales nécessaires. « On essaie d'être le plus humain possible », explique Pierre Marsolais, directeur du centre de prélèvement d'organes de l'Hôpital du Sacré-Cœur.

Le médecin intensiviste, qui devrait coordonner le don d'organes de Stella Wojas, explique la procédure. « Les médicaments sont administrés. Après l'arrêt cardiocirculatoire, la famille a cinq minutes. Après cinq minutes d'arrêt cardiocirculatoire, souligne M. Marsolais, on peut procéder au prélèvement des organes. »

Plusieurs questions éthiques

Les gens qui, comme Stella Wojas, souffrent de SLA peuvent théoriquement être donneurs. Mais les gens qui ont des maladies transmissibles comme le cancer ne le peuvent pas. Le nombre de cas potentiels, environ 20 % des demandeurs d'aide médicale à mourir, reste malgré tout important et les questions éthiques sont réelles.

D'abord, doit-on faire la promotion du don d'organes auprès des personnes qui envisagent l'aide médicale à mourir?

La Dre Marie-Chantal Fortin

Marie-Chantale Fortin, néphrologue au service de transplantation du Centre Hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM)

Photo : Radio-Canada

« Il n'y a pas de consensus actuellement », précise Marie-Chantal Fortin, néphrologue au service de transplantation du Centre Hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). Au Québec, la Commission de l'éthique en science et technologie affirme que oui. Un avis que partage le Dr Pierre Marsolais.

Si une personne fait la demande d'aide médicale à mourir, le devoir du médecin est de l'informer que s'il souhaite faire le don d'organes, c'est possible.

Une citation de Pierre Marsolais, directeur du centre de prélèvement d'organes de l'Hôpital du Sacré-Cœur

Transplant Québec estime le contraire, précise la Dre Marie-Chantal Fortin. Dans un rapport récent, l'organisation indique que c'était à la personne elle-même de faire la demande et qu'on n'avait pas à l'informer. Dans le reste du Canada, « les pratiques diffèrent », ajoute la Dre Fortin.

D'autres questions restent sans réponses claires.

Faut-il, par exemple, aviser les équipes médicales que les organes proviennent d'une personne qui a fait appel à l'aide médicale à mourir? Le Dr Marsolais pense que oui. « Pour qu'on prévienne des problèmes d'objection de conscience », souligne-t-il. Et est-ce que les receveurs doivent aussi être informés? En Belgique et aux Pays-Bas, les receveurs ne sont pas informés du fait que des organes proviennent d'une aide médicale à mourir.

Choisir le receveur?

Encore plus délicat, est-ce qu'éventuellement les donneurs pourraient diriger leur don vers des malades en particulier, comme c'est le cas en ce moment pour le rein? « Ça pourrait éventuellement être possible, précise la Dre Fortin, en s'assurant que les motivations de la personne ne sont pas de soulager la souffrance des autres, mais bien ses souffrances à elle. »

De manière plus large, il faut éviter que les personnes en fin de vie ne se sentent obligées de donner leurs organes. Marie-Chantal Fortin pense qu'il faut des garde-fous. « C'est important que la décision et le processus du don d'organes arrivent après les procédures d'aide médicale à mourir. Pour s'assurer justement que ça ne vienne pas influencer les décisions. » Celle qui est présidente du comité d'éthique de la société canadienne de transplantation précise que des « lignes directrices nationales » sont en préparation.

Stella Wojas, elle, ne sent aucune pression sociale ou autre pour donner ses organes. Elle a accepté de parler publiquement de sa situation pour sensibiliser la population au don d'organes. « Mes papiers sont faits. Je suis prête pour le grand voyage, mais la date n'est pas déterminée », ajoute-t-elle.

En 2015, on lui donnait seulement deux mois à vivre. Près de deux ans plus tard, elle est encore là.

Le matin, je me lève et je me dis : "Wow! Il y a un beau soleil. Il y a des fleurs. Faut que t'en profites!" Moi, c'est ma philosophie!

Une citation de Stella Wojas

Mme Wojas veut vivre le plus longtemps possible, tant qu'elle pourra parler et se nourrir elle-même. Mais elle demandera l'aide médicale à mourir lorsque cela deviendra impossible. Et elle souhaite donner un sens à son départ en donnant ses organes. « Je me dis qu'au moins, je peux mourir la conscience tranquille. Me dire : "J'ai fait ce que j'avais à faire, j'ai sauvé une vie!" » Et savoir que d'autres pourront entamer une nouvelle vie, lorsqu'elle aura renoncé à la sienne.

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