La réforme fiscale de Bill Morneau est-elle une attaque contre les PME?

Le ministre Bill Morneau n'est pas obsédé par l'atteinte du déficit zéro
Photo : La Presse canadienne / Andrew Vaughan
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
ANALYSE - Le ministre fédéral des Finances Bill Morneau s'est montré ouvert, dans les derniers jours, à modifier sa réforme de la fiscalité des PME. L'opposition à ce qu'il propose est large et prend de l'ampleur. Des milliers d'entrepreneurs, partout au Canada, se sentent littéralement attaqués par le gouvernement Trudeau.
Le problème, c’est que le ministre a mis tout le monde dans le même panier. Le propriétaire d’un dépanneur, le restaurateur, l’entrepreneur qui fait de l’aménagement paysager avec quatre ou cinq employés sont visés au même titre que les professionnels : comptables, médecins, dentistes, architectes.
Le ministre aurait gagné, dans un premier temps, à mieux comprendre les réalités des entrepreneurs. Il aurait rapidement fait une distinction entre un médecin et un agriculteur, entre un avocat et un entrepreneur en construction. S’il est vrai qu’il est avantageux de s’incorporer sur le plan fiscal, il est clair qu’un médecin bénéficie d’un statut, d’une rémunération et d’une stabilité d’emploi franchement plus grande qu’un entrepreneur qui doit composer avec les aléas de la météo, les cycles économiques et la concurrence.
Sur le plan théorique, la logique du ministre Morneau est la bonne : il faut corriger les iniquités fiscales. Pourquoi deux personnes qui gagnent la même somme ne seraient pas soumises au même traitement fiscal? Pourquoi cette iniquité fiscale? Il faut régler ce dossier.
De la théorie au réel...
Sur le terrain toutefois, la réalité n’a rien de théorique. Les entrepreneurs sont soumis aux variations de l’économie et à l’instabilité de leurs revenus. La fiscalité des PME a été conçue au fil du temps pour tenir compte de ces variations. Un travailleur autonome ou un entrepreneur n’ont pas la même réalité qu’un salarié.
En fait, si le ministre est d’avis que le système fiscal est déséquilibré, ce n’est pas un tir groupé qui va régler le problème. Tuer une mouche avec un canon n’a jamais donné d’excellents résultats. Non seulement devrait-il corriger les vraies iniquités, mais peut-être devrait-il plancher sur une autre réforme plus appropriée pour les petites et moyennes entreprises (PME).
Dans les faits, ce que le ministre Morneau est en train de faire, c’est d’augmenter les impôts des PME. Pendant ce temps, de grandes entreprises peuvent continuer de planifier leur fiscalité, en plus d’utiliser les paradis fiscaux et de délocaliser des emplois pour réduire leurs coûts de production. L’iniquité est là, également.
Qu’un médecin, dont les revenus viennent de l’État, puisse s’incorporer pour partager des sommes avec sa famille qui ne travaille pas dans son cabinet, il est clair que c’est injuste sur le plan fiscal. Et le ministre a raison de vouloir corriger cette situation.
Mais, qu’il inclue, au passage, les agriculteurs, restaurateurs et autres entrepreneurs qui travaillent tous les jours, qui ont besoin du soutien continuel de leur famille et qui doivent déjà composer avec des lourdeurs administratives, c’est une autre histoire.
Sécurité financière en jeu?
Ce qui choque les PME également, c’est la volonté du ministre d'imposer les revenus de placement plutôt que d'attendre l'encaissement des profits pour taxer ces sommes. Or, pour plusieurs petits entrepreneurs, taxer ce revenu, c’est une ponction fiscale punitive, à un moment où ils développent leur entreprise et planifient son avenir. Plusieurs affirment que c’est leur sécurité financière qui est en jeu.
Le ministre Morneau doit également évaluer les effets de ces changements fiscaux sur l’entrepreneuriat. Il est clair qu’Ottawa, par ses actions récentes, risque de décourager de jeunes entrepreneurs de se lancer en affaires. Il vient peut-être également contrecarrer certains plans de transferts d’entreprises.
Selon une enquête de la Banque de développement du Canada, 37 % des entrepreneurs au Québec et 41 % dans l’ensemble du Canada veulent vendre leur société d’ici cinq ans et s’en retirer pour prendre leur retraite.
Ottawa doit préciser et mieux orienter sa réforme. Le gouvernement doit se donner plus de temps pour effectuer des changements. Il doit s’attaquer en priorité aux taxes que les géants américains comme Amazon et Netflix ne paient pas et aux stratagèmes utilisés par de grandes entreprises canadiennes dans les paradis fiscaux.
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