Québec et Ottawa en mission pour maintenir l'Agence mondiale antidopage à Montréal
Entrée de la tour de la Bourse à Montréal qui abrite notamment l'Agence mondiale antidopage.
Photo : Radio-Canada / Martin Thibault
Le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, la ministre québécoise des Relations internationales, Christine Saint-Pierre, et un représentant de Montréal International se rendront à Paris en fin de semaine pour convaincre le comité exécutif de l'Agence mondiale antidopage (AMA) de maintenir son bureau principal à Montréal.
L’AMA est installée à Montréal depuis le début du siècle et y restera jusqu'en 2021 en vertu de l'entente actuellement en vigueur. Québec et Ottawa souhaitent toutefois s'assurer que cette entente soit prolongée pour 10 autres années.
« On sait qu’il y a des gens qui demandent à ce qu’il y ait un appel d’offres pour le renouvellement du lieu où l’agence va être établie », a commenté la ministre Saint-Pierre vendredi, lors d'un impromptu de presse. Selon elle, la ville de Lausanne, en Suisse, aimerait notamment accueillir l'AMA.
« Nous, ce que nous allons faire valoir, c’est de dire que l’Agence est à Montréal depuis 2001, que nous faisons un excellent travail, que le personnel est qualifié, et qu’entraîner l’agence dans un déménagement, alors que [….] l’agence doit se préparer pour les Olympiques » serait mal avisé, a-t-elle poursuivi.
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La ministre québécoise des Relations internationales soutient que ses collègues et elle sont « très confiants » de convaincre les membres du comité exécutif de renouveler leur confiance envers Montréal. Il est « normal » que l'AMA suscite la convoitise, selon elle, puisqu'il s'agit d'un organisme « attrayant » et « prestigieux », qui jouit d'une « grande notoriété ».
Dire que Québec est inquiet de l'avenir de l'AMA est « un peu fort », a aussi dit la ministre Saint-Pierre, mais ne pas se présenter pour cette rencontre « serait une erreur ».
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Selon la ministre, le comité exécutif de l'AMA pourrait décider en fin de semaine de ne pas aller de l'avant avec un appel d'offres, ce qui constituerait une « excellente nouvelle ». Il est aussi possible que l'affaire soit prise en délibéré et rediscutée lors d'une rencontre ultérieure, qui aura lieu à Séoul, en Corée du Sud.
Le cas échéant, Ottawa et Québec poursuivront les « démarches diplomatiques » qui sont déjà en cours auprès du mouvement olympique, des fédérations sportives et des autorités politiques concernées.
« C'est à nous de démontrer clairement que ça a été un grand succès », dit Garneau
En entrevue à Radio-Canada, le ministre Garneau a précisé que c’est Montréal International qui fera la présentation principale aux 12 membres du comité exécutif de l’AMA, dimanche. Lui-même et la ministre Saint-Pierre feront valoir leurs arguments par la suite. Un message du maire Coderre sera aussi relayé.
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Le ministre plaidera essentiellement que l’agence a fait du bon travail depuis son implantation à Montréal, qu’il est important pour elle de maintenir une distance avec les instances du comité olympique en Europe, et que la réputation du Canada en matière de lutte antidopage n’est plus à faire.
M. Garneau arguera en outre que le bureau principal de l’AMA peut bénéficier de l’apport de l’Institut Armand-Frappier, qui est un laboratoire accrédité auprès d’elle, que le milieu universitaire de la ville est « très riche » et que les conditions de travail des employés « sont excellentes ».
Le ministre Garneau rappelle aussi qu’Ottawa injecte 1 million de dollars par année dans le bureau montréalais de l’agence, et que Québec fait de même à hauteur de 500 000 $. « Alors on investit, et c’est important, non seulement pour des questions de prestige, mais également parce qu’on est persuadé que ça a été un grand succès. »
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Contrairement à la ministre Saint-Pierre, M. Garneau soutient toutefois que la décision finale ne sera pas prise avant plusieurs semaines. « La décision ne sera pas prise dimanche, mais si nos arguments sont persuasifs, le comité exécutif qui va nous écouter devra faire une recommandation à un autre groupe. C’est une Fondation qui prendra la décision, je crois, au mois de novembre. »
Pour approuver un déménagement, les deux tiers du comité exécutif, soit 8 membres sur 12, doivent être d'accord.
Des arguments politiques et économiques à faire valoir
Le maire de Montréal, Denis Coderre, qui a déjà fait écho à des rumeurs (Nouvelle fenêtre) de déménagement du bureau montréalais, ne sera pas présent à cette rencontre, mais il assure avoir déjà plaidé la cause de la ville auprès du président de l'AMA, Craig Reedie.
« Changer de ville et fermer [le bureau de] Montréal, ça coûte 12 millions. Est-ce que l’AMA a l’argent pour [le] transférer? », a-t-il fait valoir. « Deuxièmement, vous avez 80 % des [employés] qui sont Canadiens, alors est-ce qu’ils vont vouloir s’en aller ailleurs? Avec le coût de la vie que ça comporte? »
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La directrice du laboratoire de contrôle du dopage de l'INRS-Institut Armand Frappier, Christiane Ayotte, croit pour sa part que le Canada doit miser sur des arguments politiques, dont « sa bonne réputation en matière d’antidopage » plutôt que de faire valoir des arguments économiques.
« Si on ne suivait que l’argent, le siège social se retrouverait en Russie ou au Qatar! », a-t-elle ironisé en entrevue à Radio-Canada.
« C’est important qu’il y ait une mer entre les sièges sociaux des autorités sportives classiques, qui sont généralement en Europe, dont le Comité international olympique, et l’Agence mondiale, [...] qui fait les règlements pour tout le sport », ajoute-t-elle.
« C’est important que ce soit à Montréal, a-t-elle poursuivi. Ça rapproche aussi du sport professionnel nord-américain et ça démontre, ne serait-ce que symboliquement, une indépendance. »
À l'instar de Mme Saint-Pierre, Christiane Ayotte relativise cette campagne larvée pour attirer le bureau principal de l'AMA.
« On reconnaît les remarques usuelles de certains de ces groupes-là, qui vont dire : "Montréal c’est loin, il fait froid, ça coûte cher en voyagement". Mais ça ne tient pas. C’est juste une frustration récurrente. Mais bien sûr qu’avoir le contrôle sur l’Agence, c’est très tentant », dit-elle.
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Le Montréalais Richard Pound, qui a présidé l'AMA de 1999 à 2007, affirme que l'envoi d'une délégation gouvernementale à Paris est une « bonne chose ». Selon lui, le fait que le ministre Garneau se déplace « est une indication que le Canada est intéressé et prêt à supporter tous les efforts pour maintenir l’AMA à Montréal. »
S'il admet qu'il est « possible » que Montréal perde le bureau principal de l'agence, M. Pound dit ne voir « aucune raison » d'agir de la sorte. « Les coûts, la qualité de l'administration et l’indépendance du système sportif centré à Lausanne » font partie d'une série d'arguments qui militent en faveur du statu quo. Relocaliser l'agence coûterait « une fortune », ajoute-t-il.
85 emplois en jeu
La porte-parole du bureau de l'AMA à Montréal, Maggie Durand, a confirmé vendredi que le « sujet de la reconduction du contrat actuel liant l’AMA à Montréal [...] sera à l’ordre du jour » dimanche, à Paris.
Elle précise toutefois que l'agence « n’a reçu aucune requête de ses instances dirigeantes quant à un éventuel déménagement du bureau principal ».
Le bureau principal de l’Agence mondiale antidopage (AMA) est établi dans la tour de la Bourse. Il compte environ 85 employés à l'heure actuelle.
En mars, le directeur général de l'AMA, Olivier Niggli, avait confié à Radio-Canada (Nouvelle fenêtre) qu’il n’y avait sur son bureau « aucun dossier qui parle du déplacement du siège de l'agence ».
« Rien n'est officiel quant à notre situation après 2021, mais les allégations quant à notre adresse après cette date ne sont que pures spéculations », avait ajouté le porte-parole de l'AMA, Ben Nichols.