Trudeau dénonce à l'ONU « la grande faillite » du Canada vis-à-vis des Autochtones

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, s'adresse à l'Assemblée générale des Nations unies à New York jeudi, le 21 septembre 2017
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le Canada s'applique à démanteler ses « vieilles structures coloniales désuètes » afin de bâtir un « véritable partenariat » avec les peuples autochtones du pays, a affirmé jeudi le premier ministre canadien Justin Trudeau devant l'Assemblée générale des Nations unies, à New York.
Le thème de la réconciliation avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits a clairement dominé ce second discours de M. Trudeau devant les chefs d’État et de gouvernement réunis pour l’occasion. La lutte contre les changements climatiques et le sort de la classe moyenne ont été relégués au second plan.
« Je veux vous parler de l’expérience canadienne, parce que, malgré toutes les erreurs que nous avons faites, nous demeurons pleins d’espoir », a-t-il expliqué.
Le Canada n’est pas un pays des merveilles où les difficultés que vous connaissez n’existent pas. On vit les mêmes défis que vous. Le Canada est un projet en perpétuelle évolution.
Évoquant le 150e anniversaire du pays, le premier ministre a souligné que le Canada s’est construit grâce à « différentes cultures, différentes religions et différentes langues ». Mais les Autochtones du pays ont été exclus de cette construction, qui se déroulait pourtant sur leurs terres ancestrales.
« Pour les peuples autochtones du Canada, l’expérience en a été une d’humiliation, de négligence et d’abus », a-t-il souligné.
Ils ont été victimes, a-t-il poursuivi, d’un gouvernement :
- « qui ne respectait ni leurs traditions, ni leurs atouts, ni leurs gouvernances, ni leurs lois, qui a choisi de nier et de miner leurs droits et leur dignité »;
- « qui a cherché à réécrire leur histoire distincte, à éradiquer leurs langues et leurs cultures en imposant plutôt des traditions et des modes de vie coloniaux »;
- « qui a rejeté la protection du territoire et des eaux préconisée par les Autochtones : le principe de penser toujours aux sept prochaines générations ».
L’incapacité des gouvernements canadiens successifs à respecter les droits des Autochtones au Canada nous fait grandement honte. Et pour beaucoup trop d’Autochtones, ce non-respect des droits persiste encore aujourd’hui.
L’« héritage du colonialisme », de la loi « paternaliste » sur les Indiens, des « relocalisations forcées » et des pensionnats autochtones ont eu des conséquences multiples pour ces peuples, a-t-il souligné : des réserves sans eau potable, un taux de suicide élevé, un réseau d’éducation inadéquat et des violences envers les femmes qui sont « si fréquentes et si sévères qu’Amnistie internationale évoque une crise humanitaire ».
Durant une conférence de presse suivant son allocution, le premier ministre canadien a qualifié de « grande faillite » la manière dont le Canada a traité les peuples autochones.
« Les Canadiens en ont assez des excuses » - Justin Trudeau
Devant l'Assemblée générale de l'ONU, le premier ministre Trudeau a déclaré que les Canadiens comprennent et voient désormais les iniquités. « Ils en ont assez des excuses. Et cette impatience nous donne une rare et précieuse occasion d’agir », a-t-il fait valoir.
La Déclaration des droits des Nations unies sur les droits des peuples autochtones servira de guide pour le gouvernement canadien dans ses efforts pour refonder le partenariat avec les peuples autochtones, a ensuite expliqué le premier ministre.
La réponse initiale du Canada à ce texte a été « décevante », a convenu le premier ministre, mais il constituera désormais « la voie à suivre » pour son gouvernement. « En partenariat avec les peuples autochtones, nous avançons avec un examen approfondi de nos lois fédérales, politiques et pratiques, afin que notre maison soit en ordre », a-t-il dit.
Il a ensuite donné quelques exemples des initiatives mises en avant par son gouvernement, et a expliqué brièvement sa décision de procéder à une refonte du ministère des Affaires autochtones. Il a dit être « confiant » de parvenir à une authentique « réconciliation ».
Le moment est venu de sortir des sentiers battus, de faire abstraction des limites imposées par de vieilles structures coloniales désuètes pour faire place à la nouveauté, à des structures qui respecteront le droit inhérent des Autochtones à s’autogouverner et à déterminer leur propre avenir.
Changements climatiques et classe moyenne
Le premier ministre canadien a également évoqué les nombreuses conséquences des changements climatiques que constatent déjà les Autochtones qui vivent dans le nord du pays, et a assuré que l'engagement du Canada pour les combattre est « inébranlable ».
Au Canada, ce combat passera par l'imposition d'une tarification du carbone, « le moyen le plus efficace de réduire les émissions tout en continuant de faire croître l'économie ».
Le premier ministre a conclu son discours en soulignant quelques réalisations de son gouvernement, dont la mise en place de l'Allocation canadienne pour enfants et la hausse des impôts des plus riches au profit de la classe moyenne.
Il a aussi évoqué sa volonté de mettre un terme aux sociétés privées qui permettent aux plus riches de payer un taux d'impôt moindre que les autres. « Ce n'est pas juste, et nous allons corriger ça », a-t-il indiqué.
Campagne pour un siège au Conseil de sécurité
Le Canada est en campagne pour obtenir un siège temporaire au Conseil de sécurité de l'ONU et, pour réussir, il lui faut l'appui du plus grand nombre de pays membres possible, influents ou non.
Dans ce contexte, le discours de Justin Trudeau devant l'Assemblée générale a été écouté avec attention par les représentants de certains pays membres.
L'opposition veut du concret
Pour l'opposition à Ottawa, il est temps pour le premier ministre de passer du discours aux actes.
« Encore une fois, c'est juste du flash, il n'y a rien de concret », a réagi le député néo-démocrate Alexandre Boulerice, qualifiant le premier ministre d'« hypocrite ».
La Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones, il [Justin Trudeau] ne l'applique pas. Il est toujours en cour pour contester les droits des enfants autochtones.
Pour sa part, Hélène Laverdière, également députée du NPD, a fait remarquer que M. Trudeau a été muet sur certains enjeux.
« On refuse, et ça, vraiment, ça devient gênant, de s'engager spécifiquement dans une mission de la paix alors que le gouvernement l'avait promis », a lancé Mme Laverdière.
À la sortie de la Chambre, le député conservateur Pierre Paul-Hus reprenait la même critique.
« On n'est pas contre le fait qu'il ait abordé le point, aux Nations unies, sur le problème autochtone, ça va », a déclaré le député québécois. « Par contre, lorsqu'on est devant l'audience des Nations unies, on s'attend à ce que le Canada s'exprime sur les grands enjeux internationaux qui sont très importants également. Et là-dessus, on n'a pas entendu le premier ministre », s'est plaint M. Paul-Hus.
Le porte-parole du parti conservateur en matière d'affaires étrangères, Erin O'Toole, a précisé sur Twitter que Justin Trudeau aurait notamment dû parler de la situation au Myanmar et de celle en Corée du Nord.
La question a d'ailleurs été posée au premier ministre. Celui-ci a répondu qu'il s'agissait là d'un enjeu international. M. Trudeau a notamment dit que, lorsque le Canada tente d'exprimer ses inquiétudes sur certains enjeux sur la scène internationale, plusieurs pays réagissent en soulevant la question des conditions de vie des Autochtones.
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