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L’âge d’or des wampums

Chefs haudenosaunee [iroquois] des Six Nations expliquant les colliers de wampums qu’ils conservent en 1871

Chefs haudenosaunee [iroquois] des Six Nations expliquant les colliers de wampums qu’ils conservent en 1871

Photo : Bibliothèque et Archives Canada,

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Espaces autochtones accueille une nouvelle chroniqueuse. Il s'agit de Jacynthe Ledoux, avocate spécialisée en droit autochtone et en droit de l'environnement. À travers ses chroniques, notre savante collègue nous fera comprendre l'importance complexe des wampums qui « sont au fondement de ce qu'est le Canada actuel ». Une histoire passionnante!

Les wampums sont des tissages de coquillages blancs et pourpres, d’abord échangés entre peuples autochtones pour fonder des alliances et peaufiner les relations par le biais de traités. Leur usage s’est multiplié et diversifié à l’arrivée des Européens, qui ont aussi utilisé les perles de wampums comme monnaie d’échange. Les messages incarnés par les wampums diplomatiques ayant servi à conclure des traités offrent des pistes de réflexion fascinantes sur l’aménagement de la coexistence entre peuples.

Par Jacynthe Ledoux

Aux 17e et 18e siècles, chez les Premières Nations du Nord-Est américain, la parole doit être accompagnée d’un wampum pour être considérée comme officielle. L’échange de wampums est au cœur du protocole diplomatique quasi liturgique qui sert de cadre aux négociations entre peuples. Les premiers colons européens qui débarquent en Amérique, pour entrer en négociations avec les Autochtones qui sont alors plus nombreux qu’eux, vont donc devoir se lancer eux aussi dans la production et l’archivage de wampums. Leur usage déjà commun, entre autres au sein de la confédération iroquoise [haudenosaunee], chez les Micmacs et les Anichinabés, va se répandre et servir d’outil pour perpétuer la mémoire des grands traités. C’est l’âge d’or de la production de wampums en Amérique.

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Le wampum, porteur de mémoire

Parmi les premiers observateurs européens, certains qualifient les wampums de contrats, d’actes publics ou d’archives. La référence à des catégories juridiques qui leur sont plus familières, telles que le droit contractuel ou le droit administratif [acte public], témoigne du point de vue des Européens qui sont conscients de la nature juridique des échanges diplomatiques auxquels ils prennent part en échangeant les wampums.

Chez les premiers peuples qui se méfient alors de l’écriture, les principes associés aux wampums conservés par les communautés sont périodiquement répétés par ceux qui les détiennent. L’oubli est ainsi trompé de sorte que des centaines d’années plus tard, la tradition orale continue de porter la mémoire de promesses échangées à l’époque où le Canada était encore en devenir.

Le wampum, instrument de droit

Depuis le début des années 1980, certains wampums reviennent prendre place sur les scènes politiques et juridiques canadiennes. Dans plus d’une trentaine de causes impliquant des Premières Nations du Nord-Est canadien, les wampums sont invoqués comme instrument de droit devant les tribunaux.

Certains wampums auraient-ils une portée juridique ou politique dans le Canada actuel ? Qu’est-ce que les traditions orales des peuples qui ont conservé la mémoire du sens de ces wampums peuvent nous apprendre sur l’art de la coexistence ?

C’est ici que l’étude des wampums devient particulièrement fascinante et acquiert toute sa pertinence pour l’écriture du prochain chapitre de notre histoire commune. Les principes circonscrits par les wampums diplomatiques ne s’expriment pas en termes de droits et d’obligations, de devoirs et de libertés – ils déboulonnent les catégories étroites de nos concepts habituels.

Selon Aaron Mills, juriste qui propose une relecture de l’histoire constitutionnelle canadienne d’un point de vue anishinaabe, le wampum est un « moyen relationnel total (légal, politique, social, économique, spirituel et écologique) par lequel nous orientons et réorientons nos relations à travers le temps, pour bien vivre ensemble et parmi la création ».

Les principes qu’incarnent les wampums diplomatiques qui nous intéressent prennent souvent la forme d’histoires. Ces histoires s’adressent à tous les citoyens canadiens. Elles interpellent le voisin, l’ami, l’humain. Elles s’intéressent à toutes les dimensions de l’être sans faire de distinctions entre le cœur et la tête.

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S’intéresser aux wampums, c’est refuser de concevoir les premiers peuples comme des victimes passives ayant subi les assauts unilatéraux de la conquête et de l’imposition par la force. Les wampums échangés pour conclure des traités dégagent un espace où l’État canadien se construit entre partenaires qui reconnaissent la nécessité de s’entendre sur l’aménagement du vivre ensemble.

Jacynthe Ledoux, avocate spécialisée en droit autochtone et en droit de l'environnement.
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Jacynthe Ledoux, avocate spécialisée en droit autochtone et en droit de l'environnement.

Photo : Radio-Canada / Jean-François Villeneuve

Jacynthe Ledoux est avocate spécialisée en droit autochtone et en droit de l'environnement. L'Association des professeurs de droit du Québec lui a décerné en 2017 le prix de la meilleure thèse en droit du Québec.

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