Le Conseil des arts du Canada prend position sur l’appropriation culturelle
La démarche de rapprochement entre Autochtones et non-Autochtones passe par l’art.
Photo : Émilie Parent-Bouchard
Espaces autochtones publie une lettre ouverte de Simon Brault et Steven Loft - Respectivement directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada et directeur du programme Créer, connaître et partager: arts et cultures des Premières Nations, des Inuits et des Métis |
Nous sommes à un tournant historique alors que tous les secteurs de la société canadienne réévaluent la place et la portée des traités et des droits ancestraux des peuples autochtones. Le secteur des arts ne fait pas exception. La question de l’appropriation des connaissances et de l’héritage culturels des peuples autochtones est d’ailleurs un sujet de controverse dans une partie de la communauté artistique. Comme l’a déclaré avec force l’artiste anichinabé Aylan Couchie : « L’appropriation des récits, des façons d’être et des œuvres d’art autochtones est tout simplement une continuité du colonialisme et de l’affirmation de ses droits sur la propriété des peuples autochtones. L’histoire de la colonisation de l’identité autochtone transmise par les images, les films et les récits est en partie responsable du discrédit jeté sur le point de vue autochtone. »
Le rapport de la Commission de vérité et réconciliation a souligné les tentatives répétées de génocide culturel à l’égard des peuples autochtones de ce pays. Ce constat pose un défi historique incontournable pour toutes nos institutions, y compris pour le Conseil des arts du Canada. En tant qu’organisme fédéral de soutien aux arts, nous sommes dorénavant conscients — d’une façon dont nous ne l’étions pas lors de la création de l’organisme il y a 60 ans — des tentatives délibérées qui se sont succédé tout au long de l’histoire du Canada pour tenter d’éradiquer les cultures et les langues des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Nous sommes également conscients du rôle qu’a joué l’appropriation culturelle dans l’oppression et la violence envers les peuples autochtones. Cette conscience s’accompagne de l’obligation et du devoir d’agir. Nous sommes tous des agents du statu quo ou du changement, et le Conseil des arts du Canada prend ses responsabilités en choisissant le changement.
Justice sociale et réparation de torts historiques
Le Conseil des arts du Canada reconnaît que les pratiques culturelles et artistiques contemporaines et traditionnelles des peuples autochtones leur appartiennent, comme le stipule la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Le Conseil des arts du Canada défend, et défendra toujours, la liberté d’expression et l’indépendance artistique des créateurs et des producteurs culturels. Par ailleurs, nous nous sommes formellement engagés à respecter l’histoire, les traditions, les langues et les pratiques contemporaines des peuples autochtones. Ces deux engagements ne sont pas mutuellement exclusifs. Ils sont complémentaires dans une société favorisant la justice sociale et la réparation de torts historiques.
Cela signifie que les artistes et organismes qui soumettront au Conseil une demande de subvention pour des projets qui abordent, traitent, intègrent, commentent, interprètent ou mettent en scène des éléments distinctifs de la culture des Premières Nations, des Inuits ou des Métis devront démontrer qu’ils font preuve de respect et de considération véritables à l’égard des arts et de la culture autochtones lors de leur démarche. Sans prescrire une façon spécifique ou obligatoire d’y parvenir, on peut s’attendre à ce que des démarches d’échanges authentiques et respectueux aient été faites envers et avec les artistes ou autres membres des communautés autochtones dont la culture ou les protocoles sont concernés par le projet pour lequel on souhaite l’appui du Conseil des arts du Canada.
Comme le critique culturel ojibwé Jesse Wente l’a déclaré à juste titre : « Pendant des années, on nous a volé nos récits et on nous a réduits au silence, et nos corps et nos terres ont été maltraités et brisés. L’un justifiant l’autre. » Nous croyons que les artistes de notre pays ne veulent pas perpétuer la noirceur. Nous sommes convaincus que les arts peuvent éclairer un avenir qui soit commun et nous nous engageons à agir concrètement en appuyant l’expression artistique des artistes canadiens, autochtones ou non, pour le bien de tous ceux qui partagent ce merveilleux territoire.
Pour réagir à cette prise de position du Conseil des arts du Canada écrivez-nous à espaces.autochtones@radio-canada.ca