Vivre près de l’ennemi nord-coréen
Le long de la rivière Imjin, Corée du Sud.
Photo : Radio-Canada
Les deux Corées sont toujours techniquement en guerre depuis que les armes se sont tues en 1953, après trois ans de conflit. Les tensions dans la péninsule montent régulièrement, notamment en raison des visées nucléaires de la Corée du Nord.
Un texte d'Anyck Béraud
Un voisin avec lequel ont appris à vivre les Sud-Coréens qui résident près de la zone démilitarisée qui sépare leur pays de la Corée du Nord. Comme ici, à Jangpa-ri.
Environ 300 maisons, des champs à perte de vue, une petite rue principale.
Et, juste à la sortie du village, un chemin qui mène à des barbelés.
Au-delà de ce pont, il y a d’anciennes bases militaires américaines et à 5 kilomètres, la frontière avec la Corée du Nord.
Le maire Kim Yeong-Min explique que les messages de propagande du régime de Pyongyang, diffusés par les haut-parleurs, parviennent jusqu’au village le soir. Tout comme le son des canons ou encore celui des exercices de tir. Voilà l’ambiance que cet homme de 54 ans a toujours connue à Jangpa-ri.
Le maire Kim a bien des anecdotes à raconter, installé dans le café Last Chance, jadis très populaire auprès des soldats américains. C’était leur dernière chance de s’amuser un peu avant de regagner leurs bases.
Quand il était jeune, Kim Yeong-Min se souvient que les enfants s’empressaient de ramasser les feuillets sur lesquels étaient imprimés les pamphlets de Pyongyang qu’ils trouvaient à terre pour les apporter à l’école ou aux autorités. Ils obtenaient en récompense des crayons et des carnets pour bonne conduite anticommuniste. Il rappelle que toute communication entre les deux Corées est illégale.
« Oui, il est vrai que nous vivons près de l’ennemi. Mais ils sont nos ennemis seulement quand nous nous battons. Nous partageons le même sang. Nous sommes une même grande famille […] Donc, j’espère qu’on ne finira pas par se battre. »
Immunisés contre la peur... jusqu’à un certain point
Cela dit, le maire Kim affirme que la plupart des villageois de Jangpa-ri, habitués à vivre à quelques kilomètres de la frontière, sont en quelque sorte immunisés contre la peur, car pour l’instant, ils ne sont ni nerveux ni angoissés, même si la situation est tendue entre la Corée du Nord et les États-Unis.
C’est le cas de Heo Soon-Hui. Sereine au comptoir d’une petite épicerie du village, elle en appelle au gros bon sens. Elle est certaine que Pyongyang n’osera pas lancer d’attaque, car les arsenaux de nos jours sont beaucoup plus dévastateurs que ceux utilisés durant la Guerre de Corée. Ce conflit avait toutefois ravagé la péninsule.
Même confiance chez Choi Jeong-Eui. Au milieu de ses laitues, il assure que Kim Jong-un n’est pas assez fou pour larguer une bombe. « Il ne va pas courir le risque de tout perdre, y compris sa fortune », lance le cultivateur.
Installé depuis 20 ans à Jangpa-ri, après avoir quitté Séoul, il avance que les gens de la capitale sont plus inquiets que ceux qui vivent ici, dans la région. Rien de moins sûr en voyant son épouse.
Elle ne cesse de marmonner, « il n’y aura pas de guerre » comme pour se rassurer. Car elle lance ensuite : « vous ne seriez pas inquiets, vous? »