ChroniqueLes réfugiés ont des assurances, alors que les aînés n'en ont pas? Une image trompeuse circule

Image qui circule sur Facebook.
Photo : Capture d'écran / Facebook
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
CHRONIQUE - Une image qui circule énormément sur les réseaux sociaux affirme que les « migrants qui viennent de passer la frontière illégalement » obtiennent « instantanément » des assurances pour les soins dentaires et oculaires et pour les médicaments, alors que les aînés canadiens n'en ont pas. C'est faux.
Depuis le début de l'année 2017, près de 10 000 demandeurs d'asile ont été interceptés au Québec. Cette situation pousse certaines personnes à faire circuler toutes sortes d'informations inexactes à propos de ces « réfugiés ». Une information erronée comme quoi les réfugiés seraient mieux traités que les aînés circule d'ailleurs depuis au moins 13 ans.
Une autre image a commencé à circuler depuis quelques semaines, faisant cette fois-ci des affirmations à propos des assurances offertes aux aînés et aux demandeurs d'asile :
« Citoyens canadiens seniors (sic) ont payé des impôts et des taxes toute leur vie, aucune (sic) assurances pour les dents / yeux / prescriptions. "Réfugiés", migrants qui viennent de passer la frontière illégalement n'ont jamais payé un cent en impôts ni en taxes. Ils ont reçu instantanément des assurances pour les dents / yeux / prescriptions », est-il affirmé dans cette image.
Regardons une à une ces affirmations.
Les assurances offertes aux aînés
Les aînés n'obtiennent pas d'assurance maladie de la part du gouvernement fédéral, mais c'est parce que la santé est de compétence provinciale. Au Canada, ce sont les gouvernements provinciaux qui prodiguent les soins de santé.
La couverture des aînés varie donc de province en province. En Alberta, par exemple, les aînés de 65 ans ou plus ayant un faible ou moyen revenu ont droit à une couverture pour les soins dentaires et oculaires (Nouvelle fenêtre), en fonction de leur revenu et de leur statut social. Par exemple, un aîné vivant seul dont les revenus sont inférieurs à 27 300 $ par année reçoit une couverture complète pour les soins dentaires, et jusqu'à 230 $ par année pour les soins oculaires.
Au Québec, il est vrai que les aînés ne bénéficient pas d'assurances publiques pour les soins dentaires, à moins qu'ils ne soient prestataires de l'aide sociale (Nouvelle fenêtre). En 2014, pour l'ensemble du Canada, 61 % des personnes âgées de 45 ans ou plus détenaient des assurances privées pour les soins dentaires, alors que ce taux atteignait seulement 39,3 % au Québec (Nouvelle fenêtre).
Par contre, il est faux de dire que les aînés n'ont pas d'assurances pour les soins optométriques. Ceux-ci sont couverts par le Régime d'assurance maladie du Québec (RAMQ) dès l'âge de 65 ans (Nouvelle fenêtre).
Il en est de même pour l'assurance médicaments, puisque l'inscription au régime public (ou à un régime privé offrant une couverture de base semblable) est aussi obligatoire au même âge (Nouvelle fenêtre).
En résumé : il est vrai que les aînés québécois n'ont pas d'assurances publiques pour les soins dentaires, mais, contrairement à ce qu'affirme l'image, ils bénéficient d'assurances pour les soins oculaires et pour leurs médicaments. De plus, ces assurances varient de province en province, car le programme d'aide aux réfugiés découle du gouvernement fédéral, alors que les soins de santé aux aînés découlent des gouvernements provinciaux.
Réfugiés, demandeurs d'asile ou immigrants clandestins?
Un réfugié est une personne ayant demandé - et obtenu - un statut spécifique, et qui par conséquent bénéficie d'une protection spéciale de la part du gouvernement canadien. Ce statut n'est pas automatique. Voici la procédure, telle qu'expliquée par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) dans un tweet :
En 2016, la moitié des demandes d'asile présentées par des Haïtiens ont été rejetées et les demandeurs ont dû quitter le Canada. #réfcan pic.twitter.com/0yrouQjYsr
— IRCC (@CitImmCanFR) 19 août 2017
Comme le mentionne l'IRCC, la moitié des demandes d'asile formulées en 2016 par des ressortissants haïtiens au Canada ont été refusées.
Les personnes ayant traversé la frontière canadienne de façon irrégulière n'obtiennent donc pas « instantanément » d'assurances, comme l'affirme l'image. Elles doivent en premier lieu être jugées admissibles de présenter une demande d'asile, ce qui peut leur être refusé.
Les personnes qui se retrouvent au pays dans l'illégalité n'obtiennent aucune couverture médicale. Comme l'illustrait un reportage de Radio-Canada en avril, ces personnes ont même beaucoup de mal à obtenir des soins de santé.
Une personne qui a présenté une demande d'asile obtient en effet une couverture dans le cadre du Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) (Nouvelle fenêtre), le temps que sa demande soit traitée.
Si la demande d'asile est acceptée, cette personne obtient le statut de réfugié et continue à bénéficier du PFSI jusqu'à ce qu'elle soit admissible à la couverture du régime d'assurance maladie de la province où elle s'est établie. La couverture spéciale du PFSI n'est donc pas d'une durée illimitée.
En résumé : oui, les demandeurs d'asile et les réfugiés ont droit à une couverture pour certains soins de santé, mais celle-ci n'est pas automatique pour toute personne entrant au pays de façon irrégulière, et elle ne dure pas toute la vie.
Les assurances offertes aux demandeurs d'asile et aux réfugiés
Les demandeurs d'asile et les réfugiés participant au PFSI ont droit à une couverture médicale de base (Nouvelle fenêtre) identique à celle offerte à tous les citoyens par le régime d'assurance maladie de la province où ils se sont établis.
De plus, ils ont droit à certaines protections supplémentaires, dont, en effet, des assurances pour les soins dentaires, optométriques et pour les médicaments. Or, cette couverture n'est pas illimitée. Selon le PFSI, la couverture doit être « similaire à la couverture offerte aux bénéficiaires de l’aide sociale par les gouvernements provinciaux et territoriaux ».
Au Québec, les bénéficiaires de l'aide sociale ont droit à certains soins dentaires gratuits (Nouvelle fenêtre), dont l'examen général, les radiographies, le colmatage des caries et les soins d'urgence. Ils ont aussi droit aux examens de la vue (Nouvelle fenêtre), tout comme les aînés. Ces services sont aussi offerts aux demandeurs d'asile et aux réfugiés.
Ceux-ci ont aussi droit à une couverture pour « la plupart des médicaments sur ordonnance et les autres produits énumérés dans les formulaires des régimes provinciaux et territoriaux d’assurance-médicaments », selon le PFSI, soit une couverture comparable à celle qu'obtiennent les aînés.
À noter que le gouvernement fédéral avait réduit en 2012 les soins de santé offerts aux demandeurs d'asile. La Cour fédérale avait ensuite jugé, en 2014, que cette réduction violait la Charte des droits et libertés. La couverture a été rétablie en 2016.
En résumé : les demandeurs d'asile et les réfugiés ont droit à certains soins gratuits et bénéficient d'une couverture similaire à celle des prestataires de l'aide sociale.
Conclusion
Il est vrai que les réfugiés et les demandeurs d'asile ont droit à une certaine couverture médicale, mais celle-ci n'est pas automatique. Par contre, il est faux de dire que les aînés n'ont aucune couverture pour les soins dentaires et oculaires et pour leurs médicaments, contrairement à ce qu'on peut lire dans l'image.