Demandeurs d'asile : Couillard charge l'opposition

Le chef du PQ, Jean-François Lisée, et le premier ministre Philippe Couillard
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
Le premier ministre reproche aux partis d'opposition de nourrir « l'inquiétude » et les « préjugés » des Québécois avec leur position sur l'immigration qualifiée « d'illégale ».
En point de presse à Québec, Philippe Couillard a accusé certains partis de ne pas avoir « la vérité aux Québécois sur ce que ça veut dire un immigrant illégal par rapport à un demandeur d'asile, sur la Convention de Genève, sur le statut exact des lois qui existent actuellement ».
Il a notamment précisé que les personnes qui affluent à la frontière n'étaient pas des immigrants illégaux, mais des demandeurs d'asile qui ne peuvent être refoulés, conformément au droit international.
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Le chef libéral a aussi commenté brièvement la mobilisation des groupes d'extrême droite québécois, sans vouloir leur donner une importante disproportionnée.
« Malheureusement, ces groupes font partie de la société comme de toutes les sociétés [...]. Ils sont sur le terrain des préjugés, de l'inquiétude des gens. Ce phénomène existe partout et je ne leur donnerai pas plus d'importance qu'ils n'en méritent », a dit M. Couillard.
La CAQ indignée
Cette sortie a piqué au vif la Coalition avenir Québec (CAQ), qui a exigé du premier ministre qu'il retire ses propos et présente des excuses.
Réagissant mardi après-midi par voie de communiqué, la porte-parole caquiste en matière d'immigration, Nathalie Roy, a soutenu qu'établir des liens entre les partis d'opposition et les groupes extrémistes était « odieux ».
Pour la députée, « M. Couillard fait encore une fois la démonstration qu’il n’est pas capable d’accepter que des gens aient une opinion différente de la sienne sur l’immigration ».
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Lisée s'explique
Plus tôt, mardi, le chef du Parti québécois a soutenu que le premier ministre déformait ses propos sur la crise des migrants. Un Québec indépendant, a tenu à préciser Jean-François Lisée, ferait respecter sa frontière tout en suivant les accords internationaux qui l'obligent « à accueillir les demandeurs d'asile et à traiter leurs dossiers ».
« Mais, contrairement au Canada, le Québec les accueillerait à ses postes d'entrée réguliers, pas dans un bois », comme à Saint-Bernard-de-Lacolle, a-t-il renchéri.
« À court d’arguments, Philippe Couillard invente », a dénoncé le leader péquiste, dans une longue publication sur sa page Facebook.
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La veille, le premier ministre, réagissant à un tweet de M. Lisée, lui avait reproché de changer ses positions « au gré du vent et des tactiques du jour », en réaction à l’afflux massif de demandeurs d’asile à Saint-Bernard-de-Lacolle.
« Il laisse entendre qu'un Québec indépendant, contrôlant ses frontières, refoulerait les demandeurs d'asile, a soutenu le premier ministre lundi, dans une déclaration transmise par son bureau. Par conséquent, un Québec indépendant, sous un régime péquiste, ne respecterait pas les conventions internationales en ce qui a trait aux demandeurs d'asile qu'il considère, depuis aujourd'hui, comme des immigrants illégaux ».
« C’est de la malhonnêteté intellectuelle pure », a répliqué Jean-François Lisée.
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Le chef péquiste a réitéré, comme il l’avait d’abord indiqué dans une lettre acheminée aux premiers ministres Justin Trudeau et Philippe Couillard, qu’il fallait suspendre l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs.
En raison de cette entente, les réfugiés qui essaient de se rendre au Canada, après avoir demandé l'asile aux États-Unis, sont refoulés à la frontière, à moins qu’ils ne la franchissent illégalement.
Depuis plusieurs mois déjà, des centaines de demandeurs d’asile empruntent donc le chemin Roxham, à moins d’une dizaine de kilomètres du poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, pour entrer au Canada.
La Gendarmerie royale y a aménagé un bureau temporaire, où ses agents peuvent accueillir les migrants et procéder aux vérifications nécessaires avant de les envoyer dans des campements temporaires.
« Cette procédure est irrespectueuse du principe de frontière et est indigne envers les réfugiés potentiels », soutient Jean-François Lisée.
« C'est pourquoi j'ai demandé par écrit aux PM Couillard et Trudeau de suspendre l'accord » sur les tiers pays sûrs, ce qu’ils refusent de faire « car ils craignent de froisser les Américains », selon lui.
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Jean-François Lisée a en outre tenu à préciser qu’il n’avait jamais qualifié les migrants « d’immigrants illégaux », mais plutôt de « demandeurs d’asile, ayant commis un acte illégal pour le devenir » en franchissant illégalement la frontière.
Philippe Couillard en remet
En mêlée de presse, mardi matin, Philippe Couillard a maintenu sa position, allant même jusqu'à affirmer que l'opposition connaissait mal les accords internationaux qui régissent l'accueil des réfugiés.
« Le Canada a signé la convention des réfugiés de Genève en 1951 [...] Peut-être que M. Lisée veut qu'on s’en retire? Il devrait le dire clairement », a-t-il ajouté.
Selon lui, il est impossible de forcer les migrants à utiliser les postes frontaliers réguliers. « C’est une longue frontière. Comment faire pour s’assurer que personne ne traverse entre les postes? Ça va prendre un mur, M. Lisée. Vous aussi, vous voulez un mur », a-t-il clamé.
Le premier ministre n'a en outre jamais évoqué l’Entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs, ce sur quoi le chef du PQ a pourtant axé son discours depuis dimanche.