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Qui a vraiment inventé la poutine?

La poutine a été créée à la fin des années 50, mais ce n'est que dans la dernière décennie qu'elle a acquis la notoriété qu'on lui connaît aujourd'hui.

La poutine a été créée à la fin des années 50, mais ce n'est que dans la dernière décennie qu'elle a acquis la notoriété qu'on lui connaît aujourd'hui.

Photo : iStock / Fudio

Radio-Canada

Pour plusieurs Québécois, et même pour les étrangers, la poutine est l'emblème culinaire de la province. Popularisé dans le Québec rural du milieu du 20e siècle, ce mélange de frites, de fromage en grains et de sauce est offert dans tous les petits casse-croûtes et s'invite même souvent dans les restaurants huppés. Qu'elle soit « nature », agrémentée de saucisses, d'oignons, de viande hachée ou de foie gras, la poutine est résolument ancrée dans la culture populaire. Pourtant, ce repas si commun cache un grand mystère : qui en est l'inventeur? Un débat qui perdure depuis des décennies au Centre-du-Québec.

Un texte de Louis-Philippe Bourdeau

Pour les Drummondvillois, il n'y a aucun doute sur son origine : le titre officiel d'inventeur de la poutine revient à Jean-Paul Roy, le premier propriétaire du Roy Jucep, à Drummondville.

Décédé il y a 10 ans, le restaurateur a d'abord fait sa renommée avec son premier restaurant, Le Roy de la patate, où le mélange de frites et de sauce « brune » était un plat favori des clients dès la fin des années 1950. Certains d'entre eux lui demandaient, à l'occasion, d'y ajouter un peu de fromage en grains.

Lors de l'achat du Jucep, au début des années 1960, Jean-Paul Roy a cru bon donner un nom original à cette curiosité culinaire afin de faciliter le travail des serveuses. « Il a réuni les cuisiniers et les serveuses parce qu'il fallait trouver un nom. On avait un cuisinier dont le surnom était "Ti-Pout". C'est à ce moment-là qu'une serveuse a dit : "Ti-Pout fait de la poutine" », se souvient sa veuve, Fernande Michaud-Roy. La légende serait alors née.

Même si elle se dit fière de l'ingéniosité de son mari, elle tient surtout à souligner sa contribution à la culture culinaire québécoise, plutôt que de perpétuer un débat sur l'invention de la poutine. « Ça venait de partout pour venir manger notre poutine, se remémore-t-elle. Et c'est rendu partout dans le monde. C'est un beau souvenir. C'est pour ça que j'en parle encore, car mon mari tenait tellement à son restaurant ».

La poutine ne va jamais mourir!

Une citation de Fernande Roy-Michaud
Fernande Roy-Michaud, femme de l'ancien propriétaire du Roy Jucep, à Drummondville

Fernande Roy-Michaud, femme de l'ancien propriétaire du Roy Jucep de Drummondville

Photo : Radio-Canada

Une marque de commerce enregistrée

En 1998, le nouveau propriétaire, Daniel Leblanc, passe de la parole à l'acte. Il enregistre le terme « inventeur de la poutine » auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada. « Je crois qu'il voulait rassurer la population et les gens du restaurant, à savoir que l'invention de la poutine venait d'ici », soutient le propriétaire actuel du Roy Jucep, Charles Lambert.

Un certificat qui, même s'il ne leur donne pas l'usage exclusif du terme poutine, suscite d'ailleurs la curiosité des clients. « On vient de Magog et, chaque fois qu'on passe par Drummondville, on doit s'arrêter au Jucep, car c'est la meilleure poutine », raconte une habituée du restaurant.

La façade du restaurant le Roy Jucep, à Drummondville

La façade du restaurant le Roy Jucep de Drummondville

Photo : Radio-Canada

La théorie warwickoise

L'histoire pourrait s'arrêter dans la cuisine du Roy Jucep, mais à 50 kilomètres de Drummondville, plusieurs résidents de Warwick contestent cette version. À la fin des années 1950, rue Saint-Louis, le Café idéal, qui deviendra Le lutin qui rit, était l'un des lieux de rassemblement prisés de la petite municipalité. Le restaurant offrait sur son menu un plat nommé poutine.

« Il a des traces que ça provient du Centre-du-Québec », soutient Charles-Alexandre Théoret, autour du livre Maudite poutine! paru en 2007, et dans lequel on retrouve le menu du restaurant de Warwick.

Dans le folklore local, un client nommé Eddy Lainesse aurait demandé en 1957 au propriétaire de l'endroit, Fernand Lachance, de mélanger les trois ingrédients dans un sac en papier. Celui-ci lui aurait alors répondu : « Ça va faire toute une poutine! »

Le Café idéal, rue Saint-Louis, à Warwick, sera plus tard baptisé Le lutin qui rit.

Le café idéal de la rue Saint-Louis à Warwick sera plus tard baptisé Le Lutin qui rit.

Photo : Société d'histoire de Warwick

Un plat en pleine ascension

Charles-Alexandre Théoret a fait plus d'une année de recherche pour rédiger son livre. D'ailleurs, il rappelle que ce mets n'a pas toujours eu bonne presse. Le Canada anglais, tout comme certains chroniqueurs de quotidiens québécois, s'en moquait ouvertement.

« La poutine, ça a été snobé au début, puis on a commencé à en parler à l'étranger et c'est devenu quasiment un objet de fierté au Québec, et même au Canada, souligne-t-il. C'est drôle de voir comment un plat de frites, de fromage et de sauce est devenu un objet d'autant de discussions. »

Plusieurs artistes comme Omnikron, Mes Aïeux et Les Trois Accords ont popularisé des chansons en l'honneur de la poutine. Certains des plus grands chefs québécois offrent désormais une version modifiée du mets sur leur menu.

La perception de la poutine au Québec, comme ailleurs, a d'ailleurs tellement changé en 10 ans que Charles-Alexandre Théorêt croit qu'une mise à jour de son livre serait nécessaire.

« Ça serait facile, ajouter deux ou trois chapitres », affirme-t-il.

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