Algues bleues : les activités humaines en cause

Les algues bleues, ou les cyanobactéries, rendent l'eau verte.
Photo : Radio-Canada / Audrey Neveu
Par sa géographie, le Nord de l'Ontario ne devrait pas être sujet aux éclosions d'algues bleues. C'est pourtant le cas, avec de nombreux lacs touchés chaque été. Selon des chercheurs, les activités humaines en sont les grandes responsables.
Un texte de Miriane Demers-Lemay
Les nutriments, tel le phosphore, constituent « l’engrais » qui stimule la croissance des algues bleues.
Or, ces nutriments sont naturellement pratiquement absents des lacs du nord de l'Ontario.
« Les roches du nord de l’Ontario sont très dures. Leurs minéraux et nutriments ne sont pas dissous facilement dans l’eau », explique le professeur en environnement de l’Université Laurentienne Charles Ramcharan.
« Pour cette raison, nous devrions retrouver peu de nutriments dans l’eau de la région », ajoute-t-il.
Les nutriments, ainsi que les algues bleues, sont présents dans les lacs depuis l’urbanisation de la région, dans les années 1960, selon M. Ramcharan. Ils proviennent de diverses sources, comme les fertilisants agricoles ou les produits pour l’entretien des pelouses.
Les algues bleues, aussi appelées cyanobactéries, sont des bactéries photosynthétiques qu'on trouve en milieu aquatique. Elles tirent leur nom d’un pigment bleu, la phycocyanine, qui leur donne leur couleur. Elles dégagent des toxines dangereuses pour la santé humaine.
Le gestionnaire en santé environnementale de la Ville de Sudbury, Burgess Hawkin, explique qu'il vaut mieux éviter d'utiliser des fertilisants sur les pelouses, pour éviter de polluer les lacs.
« Même si vous n’habitez pas au bord de l’eau, tous les produits appliqués sur votre pelouse sont entraînés avec la pluie vers les canaux de drainage et aboutissent dans les lacs », précise-t-il.
Favoriser le gravier et non l’asphalte peut aussi permettre une meilleure absorption de l’eau de pluie et des nutriments dans le sol, évitant ainsi le rejet de nutriments dans les lacs, ajoute M. Ramcharan.
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Les fosses septiques, les canaux de drainage, la déposition atmosphérique sont toutes des sources potentielles des nutriments dans les lacs, selon M. Ramcharan.
Mais pour recueillir plus d’informations, il croit que les villes devraient avoir un outil de gestion spécial, nommé « budget en phosphore ». Celui-ci permettrait d’identifier, de quantifier les sources en nutriments dans les lacs et de prendre les mesures adéquates pour prévenir de futures éclosions.
« Je suis très surpris que Sudbury n’ait pas cet outil de gestion pour le lac Ramsey, qui alimente des milliers de personnes en eau potable », ajoute-t-il.
Le saviez-vous?
Il y a plusieurs décennies, l’acidification et la perte de la végétation dans la ville du Grand Sudbury ont fragilisé son sol, lequel a été entraîné dans les lacs avec les eaux de pluie. À présent, la couche de sol est très mince pour absorber efficacement les pluies et les nutriments qu’elles transportent, ce qui amplifie les apports en nutriments dans les lacs, explique Charles Ramcharan.
Le réchauffement climatique en cause
« Les lacs du nord de l’Ontario deviennent comme ceux du sud et ont de plus en plus d'éclosions d'algues bleues », estime le biologiste John Smol, de l’Université Queen's.
Selon le chercheur, il y a de plus en plus de lacs touchés par les algues bleues en Ontario. Il estime que les responsables sont les apports excessifs en nutriments et le réchauffement climatique.
« Il y a des éclosions d’algues bleues dans des lacs éloignés des zones urbaines, ce qui tend à démontrer l’impact des changements climatiques. Il y a même eu un cas dans le parc Algonquin », dit-il.
« »
Le chercheur explique notamment que le réchauffement climatique peut affecter les lacs de plusieurs manières.
« Par exemple, il provoque la réduction du couvert de neige et de glace, ce qui augmente la lumière dont ces algues ont besoin. Le réchauffement augmente l’évaporation de l’eau, donc accroît la concentration des nutriments dans les lacs », souligne-t-il.
« À cause de ses effets toxiques pour l’humain, il y a de plus en plus de préoccupations concernant les algues bleues », conclut-il.