Attention à la spécialisation sportive chez les enfants

Tiger Woods
Photo : Getty Images / Stephen Dunn
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
« On voit Tiger Woods qui était super bon au golf à 4 ans. Il est devenu un bon joueur, mais aujourd'hui il a de la misère à se traîner. »
Un texte de Diane Sauvé
André Lachance est un militant de la première heure du mouvement multisport chez les jeunes. Le directeur du développement du sport à Baseball Canada est un de ceux qui s'inquiètent pour les enfants qui se spécialisent dans une seule discipline en bas âge.
La spécialisation hâtive n'est pas une bonne idée, selon plusieurs études. Les conséquences sont multiples : baisse de motivation, abandon du sport et hausse du nombre des blessures. Chez nos voisins du sud, le mal est déjà criant, notamment chez les lanceurs au baseball.
Maintenant, on a aux États-Unis des chirurgies à la "Tommy John" à partir de l'âge de 13-14 ans. C'est rendu là. C'est très tôt.
Très tôt, en effet. Cette intervention, qui permet la reconstruction d'un ligament du coude, est habituellement pratiquée chez les lanceurs professionnels.
Une étude de l'Université Loyola de Chicago, portant sur 1200 jeunes athlètes, révèle que les enfants qui se sont spécialisés dans un seul sport avaient de 70 à 93 % plus de risques de se blesser que les jeunes qui pratiquent plusieurs sports. Une situation qui a des répercussions chez nous, selon M. Lachance.

Un jeune lanceur de baseball
Photo : Getty Images / Jim McIsaac
« Maintenant, au baseball, les recruteurs trouvent nos lanceurs (canadiens) intéressants parce qu'ils ont moins de lancers dans le bras. Ils ont commencé à lancer plus tard. En investissant dans un lanceur canadien, on sait qu'il va pouvoir avoir plus de longévité. »
Plusieurs études montrent aussi les bienfaits des jeunes qui touchent à tout. On se rend compte que les meilleurs athlètes ont souvent pratiqué plus d'un sport.
Une étude de l'Université de Californie montre que 88 % des athlètes de première division dans la NCAA ont fait de deux à trois sports en bas âge.
La spécialisation hâtive développe aussi de mauvaises habitudes. Le directeur technique à Hockey Québec, Yves Archambault, constate certaines lacunes hors glace auprès des joueurs qui se spécialisent tôt.
Courir, par exemple. Si on fait un départ rapide, les jeunes ont tendance à ouvrir les genoux un peu comme un départ en hockey. Ce n'est pas la façon optimale. Ça veut dire qu'on n'a pas appris à courir.
« Ce qu'on développe avec les 0-12 ans, explique André Lachance, c'est notre fondation pour nous permettre d'avoir de bons athlètes plus tard. Je parle souvent des programmes sports-études qu'on a au Québec. J'ai un peu de difficultés avec les niveaux secondaires 1 et 2 parce qu'on essaie de les concentrer encore une fois à un sport au lieu de développer le multisport. »
Le Québec différent
André Lachance en a aussi contre la structure du sport scolaire au Québec, une des rares provinces du pays où les saisons sportives s'étirent de l'automne au printemps. Ailleurs au Canada, les saisons sportives sont généralement plus courtes. Résultat : les jeunes peuvent toucher à plusieurs sports sans que les calendriers se chevauchent.
« On aime faire les choses différemment au Québec, parfois sans raison. On se rend compte qu'il y a probablement de super bons athlètes qu'on rate à cause de ça. S'ils font du basketball, ils n'ont peut-être jamais vraiment essayé le volleyball. Mais si on met le jeune dans un environnement où il peut avoir du plaisir à apprendre ce sport-là, il peut peut-être avoir du succès et se rendre à un haut niveau. »

Basketball
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Le Réseau du sport étudiant du Québec ne fait que répondre aux demandes des écoles, indique son président-directeur général, Gustave Roel. Si l'organisme fait la promotion de la diversité sportive auprès des écoles primaires, ce sont quand même les régions scolaires qui décident de leurs calendriers. Selon lui, c'est au niveau secondaire que ça se complique.
« De façon utopique, je favoriserais au moins une discipline sportive collective et une discipline individuelle », indique M. Roel. « Mais au secondaire, je pense qu'on est rendu un peu plus avancé dans le développement sportif. Si vous parlez à une fédération sportive, elle va souhaiter qu'à partir du secondaire, qu'il (le jeune) puisse faire de façon intensive le développement de sa discipline. »
-En première secondaire?
« Tout à fait. »
Alain Deschamps, directeur général de Sports Québec, qui regroupe les fédérations sportives de la province, abonde.
Ce qu'on recommande, c'est qu'à très jeune âge, l'enfant fasse le plus de sports possible pour qu'il puisse découvrir. C'est possible qu'au début du secondaire, l'enfant choisisse un sport plutôt qu'un autre puis qu'il s'y consacre. C'est tout à fait correct. Ce qui est important, c'est de bien accompagner le jeune, s'assurer qu'il a un entraîneur compétent et des parents qui peuvent bien encadrer ce processus-là aussi.
Et aux jeunes qui trouveraient les saisons parascolaires trop longues, M. Deschamps offre cette solution toute simple : « Qu'ils arrêtent. »
Le phénomène de spécialisation hâtive semble inquiéter davantage quatre grandes fédérations nationales : Baseball Canada, Hockey Canada, Soccer Canada et Basketball Canada.
Pour la toute première fois, ces quatre instances mettent la main à la pâte pour lancer une campagne de promotion du multisport auprès des jeunes et de leurs parents.
« On n'a jamais travaillé ensemble, lance André Lachance. On ne s'est jamais parlé. Et maintenant, on songe aussi à arrimer nos calendriers un petit peu mieux. »