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Québec dépose son projet de loi pour mettre fin à la grève dans la construction

La ministre du Travail, Dominique Vien

La ministre du Travail, Dominique Vien

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Québec a déposé son projet de loi spéciale pour mettre fin à la grève dans la construction qui dure depuis mercredi en raison de l'impasse dans les négociations. La ministre du Travail, Dominique Vien, estime que la décision s'impose en raison des « impacts économiques majeurs pour le Québec » de la grève.

Si les représentants des travailleurs s'opposent à la loi au point de songer à la contester devant les tribunaux, ceux des patrons sont divisés.

Le projet de loi de la ministre Vien impose :

- Un retour au travail le 31 mai;
- Une augmentation 1,8 % du salaire des travailleurs jusqu’à la conclusion d'une entente;
- Une période de médiation supplémentaire de cinq mois (jusqu’au 30 octobre prochain);
- Un arbitrage en cas d’impasse à la fin du délai octroyé.

La ministre Vien juge que la menace d’un arbitrage devrait être suffisante pour inciter les parties à parvenir à une entente négociée d'ici octobre.

« Je pense que tous les partis ont tout intérêt à s’entendre, a-t-elle déclaré. Un arbitrage comporte une dose d’incertitude et de nébulosité. Ils devraient saisir la chance qui leur est donnée. »

La ministre a octroyé une augmentation de salaire (1,8 %) légèrement inférieure à ce que proposait la partie patronale (1,9 %).

« On a toujours dit aux parties qu’[elles] ne gagneraient pas à avoir un projet de loi spéciale, a-t-elle expliqué. Ce que l’on veut casser, c’est cette attitude que l’on a de vouloir attendre une loi spéciale en se disant que, de toute façon, ce que l’on veut va se retrouver dans le projet de loi. C’est ce que l’on veut briser. »

Le premier ministre Philippe Couillard a d'ailleurs renchéri en ce sens, déplorant, en chambre, le « processus vicié » des pourparlers au cours desquels les parties attendent que le gouvernement « règle pour [elles] ».

« Ce que l’on souhaite, c’est qu’une entente survienne entre les deux parties et que [si elles] jugent que les conditions doivent changer – notamment celle du salaire –, [ce soit fait] », a dit la ministre.

« Il va falloir revoir un certain nombre de choses », a ajouté Mme Vien, sans vouloir s'étaler sur les aspects à modifier dans le processus de négociation pour éviter d'autres conflits de travail. « Je n’ai pas de modèle en tête. Je sais qu’il y a des difficultés en ce moment. On va prendre le temps », a-t-elle dit.

Une loi nécessaire, plaide la ministre Vien

« Ce que nous venons faire aujourd’hui, c’est de mettre fin à la grève effectivement parce que ça a des impacts économiques majeurs pour le Québec, tout le monde le comprend », a soutenu Mme Vien.

La ministre a souligné que des gens risquaient de se retrouver sans domicile si les entrepreneurs ne parvenaient pas à terminer les maisons en construction dans les délais prévus.

Elle a aussi noté l’importance de poursuivre plusieurs des chantiers routiers en cours au Québec. « L’impact économique est majeur, mais l’impact social l’est tout autant », a-t-elle poursuivi.

La ministre Vien a par ailleurs déploré le retard pris dans les négociations, puisque les deux parties ont amorcé leurs discussions en février 2017, alors qu’elles auraient pu le faire dès octobre 2016. « Malgré les appels de la ministre et du ministère, il n’y a rien qui a bougé avant février 2017 », a-t-elle déploré.

Dans l’éventualité d’un nouvel échec des médiations d’ici le 30 octobre prochain, les médiateurs feront rapport des éléments qui demeurent litigieux et des positions de chacune des parties. L’arbitre ou le conseil d’arbitrage prendra connaissance des dossiers et statuera ensuite sur les clauses qui n’ont pas fait l’objet d’une entente.

Le professeur Gilles LeVasseur, de l'Université d'Ottawa.

Le professeur Gilles LeVasseur, de l'Université d'Ottawa.

Photo : Radio-Canada

Contestation syndicale

Michel Trépanier, de l’Alliance syndicale de la construction (ASC), n’a pas caché ses inquiétudes en s’exprimant à chaud quelques instants après avoir pris connaissance du projet de loi. « On est un petit peu sous le choc », a-t-il lancé en mêlée de presse.

M. Trépanier craint que l’exercice de médiation puis d’arbitrage ne favorisent la partie patronale. « J'ai peur », a-t-il reconnu quant aux possibilités d’échec de la médiation.

« Ils ont mis une belle petite liste d'épicerie pour être sûrs qu'on aille en arbitrage, a-t-il accusé. Et ils ont une méchante bonne chance de gagner. » Il a affirmé qu’à l’opposé de la partie patronale, les représentants des travailleurs ont des « demandes raisonnables », mais ne se sentent « pas entendus ».

« C'est sûr qu'on va contester la loi spéciale », a dit Michel Trépanier, en précisant toutefois qu’il n’est pas question de poser des gestes illégaux.

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— Une citation de  Michel Trépanier, Alliance syndicale de la construction

En conférence de presse, quelques heures plus tard, Michel Trépanier a confirmé l'intention de l'ASC de s'adresser aux tribunaux pour contester la loi spéciale de la ministre Vien si elle est adoptée telle que formulée. Il n'a pas voulu préciser sur quelle base, mais a noté qu'il existe une certaine jurisprudence.

L'Alliance syndicale avait rompu dimanche les négociations visant à mettre fin à l'impasse.

Division patronale

Le porte-parole de l’Association de la construction du Québec (ACQ), Éric Côté, semblait encore plus contrarié, parlant d'une situation « inéquitable », qui « fait mal aux entrepreneurs ».

« On ne comprend pas pourquoi on donne des augmentations aux travailleurs, alors qu'on ne consent aucune demande patronale. On fait un cadeau aux employés », a dit M. Côté.

Il est d'avis que c'est un « piège » de croire que c'était une bonne idée d'accorder aux travailleurs une hausse salariale équivalente à ce que les patrons proposaient : « Nous avions en échange des choses que l'on obtenait. Dans ce cas-ci, le jeu est faussé. Le syndicat obtient quelque chose et les patrons n'obtiennent rien. C'est tout à fait normal qu'on s'oppose à un tel projet de loi. »

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— Une citation de  Éric Côté, Association de la construction du Québec

Bien qu'il soit heureux de voir que le processus de négociation peut reprendre, Éric Côté regrette que celui-ci prenne une forme aussi « complexe », celle d'une « course à obstacles » où les sujets admissibles dans les discussions ne seront pas déterminés par les parties.

« Le gouvernement nous annonce qu'il est en train de se mêler des conditions entre les employés et les entreprises privées », a déploré M. Côté, soulignant que l'ACQ représente 17 000 entrepreneurs des secteurs institutionnel, commercial et industriel.

Dans le secteur résidentiel, le porte-parole de l'Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), François William Simard, a au contraire accueilli « favorablement » le projet de loi, se disant « tout à fait d'accord » avec son dépôt.

« Il laisse le temps aux parties de pouvoir négocier », a-t-il estimé. Il a dit croire possible de régler le dossier en médiation.

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— Une citation de  François William Simard, Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec

Les augmentations consenties aux travailleurs lui ont semblé correctes : « On considère que ce sont des augmentations raisonnables, qui tiennent compte du contexte économique et également des différentes conventions collectives qui se sont signées en 2016. »

M. Simard a cependant insisté sur l'importance de s'entendre secteur par secteur. « Ce n'est pas une négociation qui est globale, a-t-il rappelé. On en appelle à leur responsabilité pour mener les négociations dans chacun des secteurs. Et si ça va bien dans un des secteurs, qu'on signe dans ce secteur-là et qu'on ne prenne pas l'ensemble des secteurs en otages. »

Les négociations ont achoppé dimanche dans les secteurs résidentiel, du génie civil et de la voirie, ainsi que dans les secteurs institutionnel, commercial et industriel, qui représentent plus de 60 % des 175 000 travailleurs de la construction qui sont en grève générale illimitée depuis mercredi. Les salaires et la conciliation travail-famille sont au coeur du litige.

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