Cafouillage sur l’A-13 : les systèmes de vigie et d'alerte n'ont pas fonctionné

Un policier à côté d'un camion sur l'autoroute 13
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
En dépit du fait que la SQ et le MTQ disposaient des protocoles, du personnel et du matériel nécessaires pour répondre à la situation d'urgence sur l'A-13, le 14 mars au soir, il ne s'est rien passé, puisque les systèmes de vigie et d'alerte en place n'ont pas fonctionné. Et 300 automobilistes sont donc demeurés coincés dans leur véhicule pendant 12 heures, en pleine tempête hivernale.
L'ex-sous-ministre aux Transports et ex-patron de la Sûreté du Québec explique que c’était en premier lieu au Centre de gestion intégré de la circulation (CGIC) qu’il revenait d’alerter les autorités.
Ce centre névralgique, considéré comme le joyau du ministère des Transports du Québec (MTQ), est en effet chargé de surveiller en temps réel les axes routiers de la région de Montréal grâce à un vaste réseau chargé de recueillir de l'information et près de 450 caméras.
Ce centre doit alerter les ressources et les autorités compétentes en cas d’incident ou de situation complexe. De toute évidence, le CIGC a failli à son rôle ce soir-là, constate Florent Gagné.
Voici pourquoi :
- l’information recueillie par les préposés du centre, qui étaient littéralement débordés ce soir-là, n’a pas circulé entre les préposés du CIGC et les différents intervenants du MTQ sur le terrain, alors fortement sollicités sur les routes par divers incidents et considérablement ralentis par les conditions routières et météorologiques;
- aucun gestionnaire n’était sur place le soir du 14 mars pour coordonner les opérations du centre, alors que les préposés étaient fortement sollicités et débordés d’appels. Qui plus est, révèle Florent Gagné, bien que les effectifs normaux aient été en place, aucun employé supplémentaire n’avait été appelé en renfort compte tenu de la tempête qui était annoncée;
- malgré la présence de centaines de caméras pour surveiller le réseau routier en temps réel, Florent Gagné a constaté, en visionnant les images de l’autoroute 13, qu’il était difficile de conclure à un blocage complet de l’autoroute au début de l’événement, en raison d’un certain mouvement des véhicules sur les images;
- lorsqu’on a constaté la situation sur l’A-13, l’information n’a pas circulé verticalement, c’est-à-dire des subalternes vers les supérieurs en fonction, comme elle aurait dû le faire et lorsque le MTQ a enfin réagi, tard dans la nuit, ce n’était plus une opération de circulation, mais bien une opération de sauvetage qu’il fallait déployer, souligne le rapport;
- au CIGC, le patron d’un préposé, un dénommé Charbonneau, a envoyé vers 21 h 30 un texto à un groupe de 12 personnes au MTQ impliquées dans les questions d’urgence et de sécurité civile, dans lequel il faisait état de la situation qui se développait sur l’A-13. Il n’aura reçu que deux réponses, un message d’encouragement et un autre disant qu’on relayait l’information au centre de la sécurité civile à Québec.
Ce n’est pas par manque de ressources, ce n’est pas en raison du fait que ces organisations n’ont pas les politiques et les procédures en place, ils ont tout. Mais dès le départ, les systèmes de vigie et d’alerte n’ont pas fonctionné.

Environ 300 véhicules ont été coincés sur l'autoroute 13 pendant des heures entre les 14 et 15 mars 2017.
Photo : Radio-Canada / Simon-Marc Charron
Chaîne de communication rompue et mauvaise carte d'appel à la SQ
Mais il n’y a pas qu’au CIGC que du sable s’est inséré dans l’engrenage, le soir du 14 mars, précise Florent Gagné. Les systèmes d’alerte ne se sont pas non plus déclenchés comme prévu au centre d’appel de la Sûreté du Québec pour la région de Montréal, où deux principaux canaux de communication n’ont pas fonctionné correctement.
- Sur le terrain, les agents pris dans le trafic n’avaient pas de vision d’ensemble, ce qui a faussé leur perception de la gravité réelle de la situation. Certains croyaient qu’il s’agissait d’un bouchon isolé alors que plusieurs incidents combinés avaient en fait créé un embâcle monstre. Les démarches des agents en poste pour contacter l’officier de garde, qui aurait pu déclencher des mesures d’urgence, n’ont pas eu le résultat escompté.
- L’échec du deuxième canal de communication est essentiellement dû à une subtilité du système informatique de la SQ. Ainsi, lorsque le centre d’appel a ouvert la première carte d’appel liée à cet événement, ledit événement est entré dans la catégorie « collision matérielle ». Or, selon la nature et la gravité des événements, le système informatique alerte automatiquement toutes les personnes en autorité et les services d’urgence concernés. Ce qu’il n’a pas fait ce soir-là, car aucun déclenchement de mesure d’urgence n’est lié à cette catégorie d’événement.
- Tous les autres appels qui sont entrés pendant la nuit étaient donc entrés automatiquement dans cette catégorie et c’est donc un officier, qui avait été occupé toute la journée sur un carambolage mortel à Saint-Zotique, qui a finalement pris la situation en main à 3 h du matin en contactant les pompiers de Montréal qui sont alors venus en aide à ces centaines de personnes.
C’est très important parce que le centre fonctionne avec des codes d’appellations diverses et il y en a certaines qui déclenchent un processus d’alerte aux autorités supérieures. […] Mais “collision matérielle” ne déclenche pas automatiquement le système d’alerte. Ce qui fait que les centaines d’appels subséquents qui ont été reçus pendant la nuit ont été portés à cette carte d’appel.
Un gros bouchon de circulation
« Les deux grands constats qu’on fait, c’est que ce sont les systèmes de vigie et d’alerte qui n’ont pas fonctionné », a conclu Florent Gagné.
En somme, toute l’affaire aura été traitée comme un gros bouchon de circulation, comme on en voit régulièrement dans la région de Montréal les jours de tempête de neige, mais cette fois, c'était différent. Le MTQ et la SQ l'ont appris à leurs dépens.