Dom Juan à l'ère de Tinder

Pierre Simpson, Sophie Goulet et Marcelo Arroyo dans « Dom Juan », de Molière
Photo : Marc LeMyre
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le Théâtre français de Toronto présente la pièce Dom Juan, de Molière, du 10 au 28 mai. C'est la première fois que la pièce est montée par le TfT et c'est aussi la première mise en scène de Joël Beddows depuis qu'il est devenu directeur artistique de la compagnie.
Un texte de Kevin Sweet
Je suis nerveux. C’est un projet sur lequel je travaille depuis un an avec des gens que je ne connaissais presque pas. C’était comme une blind date. Et la prochaine blind date, ça va être avec le public.
Dom Juan, une pièce toujours d’actualité

Lina Blais, Pierre Simpson, Sophie Goulet dans Dom Juan de Molière
Photo : Marc LeMyre
« La pièce est devenue plus contemporaine avec le temps », dit Joël Beddows en parlant du personnage de Dom Juan, un homme qui « incarne la boulimie. C’est [un personnage] excessif qui ne modère en rien son comportement et ses désirs ».
Ultime séducteur, il enchaîne les conquêtes. On peut facilement imaginer que si Dom Juan avait existé en 2017, il aurait probablement utilisé l'application de rencontre Tinder.
D’ailleurs, dans une campagne publicitaire ingénieuse et drôle, le Théâtre français de Toronto ne se gêne pas pour faire ce parallèle.
« Notre recherche de l’amour aujourd’hui est vide de sens », dit l’actrice Line Blais, qui incarne le personnage de Done Elvire, la première femme de Dom Juan, qu’il quitte peu de temps après l’avoir épousée.
On cherche l'amour, mais en même temps on n’a pas les moyens pour que ça puisse croître. On ne se donne pas la peine de vraiment explorer et de vraiment tomber en amour. C’est ça qui se passe avec Dom Juan. C’est coup de foudre après coup de foudre.

Pierre Simpson, Marcelo Arroyo dans « Dom Juan » de Molière
Photo : Marc LeMyre
Pierre Simpson, qui joue le rôle de Dom Juan, a commencé à apprendre le texte au moment de la Marche des femmes à Washington et à Toronto, notamment.
Dom Juan dénonce l’hypocrisie et le pouvoir. C’est sur qu’il s’en sert à ses fins, mais on sent que Molière dit au public : si Dom Juan existe, c’est à cause de la société. On voit ça aujourd’hui aussi. On met en valeur des gens dégueulasses et ça donne le goût aux autres d’être dégueulasses.
Les femmes ne sont pas toutes victimes
Les personnages féminins du spectacle ne sont en revanche pas tous des victimes. Joël Beddows a notamment décidé de changer un personnage masculin en personnage féminin.
« Les femmes, dans la pièce, ont des rôles plus traditionnels : des paysannes, une religieuse défroquée, par exemple. Des figures tragiques. Mais, il manquait une classe sociale : la bourgeoisie. »

Lina Blais, Marcelo Arroyo, Pierre Simpson, Sophie Goulet dans Dom Juan
Photo : Marc LeMyre
M. Dimanche devient alors Mme Dimanche, une créancière, une femme de pouvoir que Dom Juan ne parvient pas à séduire aussi facilement.
« Je voulais montrer que Dom Juan parvient à séduire, mais pas toujours par le sexe », dit le metteur en scène.
« Je trouve ça fantastique, dit Sophie Goulet, qui incarne Mme Dimanche. Pour les comédiennes, il y a tellement peu de rôles féminins dans le théâtre classique. Ça nous permet de voir le personnage d’un autre angle parce que souvent les personnages féminins sont ancrés dans des codes que l'on connaît. »
Un défi de taille
Dom Juan est un défi de taille pour la distribution, notamment parce qu’il y a 13 personnages qui sont joués par 6 comédiens.
Comme c’est une pièce baroque, il y a plusieurs ruptures de style. On passe de la comédie au drame et de la farce à la pastorale.

Nicolas Van Burek, Marcelo Arroyo, Lina Blais, Pierre Simpson, Sophie Goulet, Christian Laurin dans Dom Juan de Molière
Photo : Marc LeMyre
Le défi pour moi était de créer un personnage qui se tient, malgré le changement de ton.
Il y a aussi par moments un accent régional de la France, un français plus croquant qui fait penser au joual et qu’il faut maîtriser.