Gestion de l’offre : à quel Trump a-t-on affaire?

Le président des États-Unis, Donald Trump, a prononcé un discours au Wisconsin avant de signer le décret « Acheter américain, embaucher américain », le 18 avril 2017.
Photo : Reuters / Kevin Lamarque
ANALYSE – Avant de sonner le tocsin et de préparer la grande bataille pour la défense de la gestion de l'offre en agriculture, il faudrait se demander quel Donald Trump a fait un discours cette semaine au Wisconsin.
Une analyse de Michel C. Auger, animateur de Midi info
Cet État est le principal producteur de fromage aux États-Unis et M. Trump l’a gagné par quelque 20 000 voix seulement. Ces deux caractéristiques du Wisconsin sont importantes.
Les producteurs de fromage se plaignent depuis longtemps de la gestion de l’offre au Canada, la querelle sur le lait diafiltré n’en étant que le dernier épisode. Et M. Trump a gagné le Wisconsin contre toute attente en novembre dernier; l’État est donc devenu un élément essentiel de la coalition qui l’a porté au pouvoir.
Pas étonnant alors que dans un discours qui ressemblait fort à ceux de sa campagne électorale, il promette de réparer cette « injustice » faite aux producteurs de fromages américains à cause d’une politique canadienne.
Le seul problème, c’est qu’il y a deux Trump qui cohabitent actuellement : le candidat, qui est toujours là et qui veut conserver sa base, et le président, qui commence à se rendre compte que les choses sont plus compliquées qu’il ne le pensait quand il était candidat.
C’est ainsi qu’au cours des derniers jours, l’OTAN est passée d’« obsolète » à « essentielle pour la lutte contre le terrorisme ».
La Chine n’est plus considérée comme manipulant les taux de change, comme il se plaisait à le dire pendant la campagne.
La Banque Import-Export, une agence gouvernementale, ne sera plus abolie, puisque M. Trump lui trouve maintenant des utilités.
Il va aussi garder la présidente de la Réserve fédérale, Janet Yellen, et il aime sa politique de bas taux d’intérêt, qu’il qualifiait de manipulation pendant la campagne.
Ça, c’est juste pour les revirements d’une seule journée : soit le 12 avril.
On pourrait parler aussi de la Syrie, de l’assurance maladie ou de la réforme de la fiscalité, sans en faire une liste exhaustive.
« Un désastre complet et total »
Ce qui nous amène à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Le candidat Trump a dit plusieurs fois durant la campagne qu’il s’agissait du « pire accord jamais signé » par les États-Unis.
Mais, arrivé au pouvoir, le président Trump a soufflé le chaud et le froid. Ainsi, quand il a rencontré le premier ministre Justin Trudeau à Washington, il parlait d’« ajustements » à l’ALENA et laissait entendre que le Mexique était dans sa mire, mais pas nécessairement le Canada.
Au Wisconsin, il disait plutôt, s'adressant aux producteurs de fromage, que « pour les États-Unis, l’ALENA a été un désastre complet et total. Nous allons faire de gros changements ou nous allons nous en débarrasser pour de bon ».
On peut commencer à distinguer une constante : quand il est à la Maison-Blanche, il est, le plus souvent, le président Trump, celui qui gouverne en sachant que la réalité est plus compliquée que celle qu’il décrivait pendant sa campagne électorale.
Mais quand il est devant ses partisans, comme cette semaine à Kenosha, Wisconsin, il redevient le candidat Trump, qui promet à ses partisans les changements qu’ils voudraient.
Alors, faut-il s’inquiéter pour la gestion de l’offre? Certainement. Elle est d’autant plus menacée que le Canada est l’un des derniers pays à maintenir un tel système et qu’il est contesté à chaque négociation commerciale.
Mais l’administration Trump va-t-elle partir en guerre contre la gestion de l’offre? Rien n’est moins certain. Bien sûr, aux États-Unis on n’aime guère cette politique et ça fait longtemps qu’on le dit.
Mais une renégociation de l’ALENA implique de choisir ses batailles et de bien cibler ses objectifs. Et la réalité est qu’on n’est pas rendus là du côté de l’administration Trump.
De bien des manières, la transition n’est pas encore complétée. Des 554 nominations de la nouvelle administration qui exigent une confirmation par le Sénat, seulement 22 ont été confirmées et aucun nom n’a encore été soumis pour 473 autres.
Bref, on est encore bien, bien loin du début d’une négociation formelle avec le Canada et le Mexique sur l’ALENA.
Et on a encore un bon bout de temps avant de savoir si celui qui parlait au Wisconsin cette semaine était le président Trump ou le candidat Trump.