La négociation salariale, l’autre occupation de Lauriane Rougeau en équipe nationale

Les joueuses des Canadiennes de Montréal
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Lauriane Rougeau a touché un maigre 500 $ pour la conquête de la Coupe Clarkson. Aujourd'hui, la défenseuse des Canadiennes de Montréal est au coeur de la lutte pour que les hockeyeuses de son pays soient reconnues à leur juste valeur.
Un texte de Jean-François Poirier
L'enjeu n'est pas banal. Leurs grandes rivales américaines, outrées par le traitement financier que leur réserve leur fédération, menacent même de boycotter le Championnat mondial de hockey féminin. Un événement qui, en prime, aura lieu à Plymouth, au Michigan, sur leur propre patinoire, à compter du 31 mars.
« J'étais un peu sous le choc, dit Rougeau, au sujet de cette menace. Je ne savais pas que leurs négociations étaient dans cet état. Nous, on a une bonne communication avec Hockey Canada. On ne s'entend pas sur tout, mais on bouge dans la bonne direction. »
Lauriane Rougeau suit bien sûr d'un oeil intéressé l'évolution de la situation aux États-Unis. Elle a voulu se mêler aux négociations avec Hockey Canada puisqu'elle est titulaire d'un diplôme en gestion du sport qu'elle a obtenu à l'Université d'Ottawa après sa conquête de la médaille d'or aux Jeux de Sotchi.
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L'athlète de 26 ans fait partie d'un comité de cinq hockeyeuses canadiennes chargé de veiller aux intérêts de leurs compatriotes. Ce comité est présidé par la quadruple médaillée d'or olympique Caroline Ouellette.
« Nous sommes en négociations de notre contrat olympique, dit-elle en insistant sur la confidentialité de ces pourparlers. Je ne peux vous dire quelles sont nos batailles, mais nous négocions un montant d'allocation pour notre entraînement chaque mois durant l'année. »
Prudente, Lauriane Rougeau affirme qu'elle n'est pas en mesure d'établir une comparaison entre la situation financière des hockeyeuses canadiennes et américaines. Par contre, elle se dit choyée par la vie au sein de l'équipe nationale.
« On a fait de très grands pas depuis 1998. J'ai parlé à des joueuses de l'époque, elles ne recevaient presque rien. Maintenant, nous avons un salaire. Mon expérience durant l'année vers les Jeux de Sotchi s'est très bien passée. On recevait assez d'argent. »
Est-ce suffisant pour rendre jalouses les Américaines, qui déclarent ne recevoir que 1000 $ mensuellement durant la période de six mois précédant la tenue des Jeux olympiques? Un montant largement inférieur à ce que leur fédération prétend leur allouer en guise de soutien.
« On reçoit un montant inférieur à 5000 $ mensuellement, mentionne Rougeau. Je ne veux pas dire le montant exact, mais nous avons été capables de négocier une augmentation depuis Sotchi, notamment en raison de l'inflation. On négocie un contrat chaque année avec Hockey Canada. Celui des Jeux olympiques est spécial. »
« Spécial » signifie que les dépenses sont plus élevées. Les 28 joueuses sélectionnées au sein de l'équipe nationale doivent habiter à Calgary entre les mois d'août et de mars. Cette allocation sert notamment à payer leur logement et leurs frais de subsistance.
« C'est ce qu'on appelle la centralisation, précise Rougeau. On déménage, puis on emménage. Nous devons tout gérer. Nous sommes contentes d'avoir pu négocier un montant pour le déplacement de notre voiture. Je suis capable de vivre et de survivre. »
Encore aujourd'hui, les joueuses de hockey canadiennes ne roulent pas sur l'or en dépit de leurs succès répétés. Selon Lauriane Rougeau, la présence de Caroline Ouellette à la table de négociations avec Hockey Canada était donc souhaitable en raison du respect qu'elle impose auprès de la direction.
« Nous la voulions comme présidente parce que tous les membres du comité n'ont pas beaucoup d'expérience. Elle sait ce qu'il faut. Ce qu'il faut pousser et ne pas pousser. Elle est notre guide. Notre situation est différente de celle des Américaines parce que nous avons ce comité créé par Thérèse Brisson et Cassie Campbell. Nous sommes choyées. »

La vie après le hockey universitaire aux États-Unis
Lauriane Rougeau a porté les couleurs du Big Red de l'Université Cornell pendant quatre ans avant de rallier les rangs des Canadiennes de Montréal et de se tailler une place au sein de l'équipe nationale. Aujourd'hui, elle vit encore chez ses parents à Pointe-Claire parce que sa passion du hockey l'empêche de tester le marché du travail.
« Je ne reçois aucun salaire pour jouer avec les Canadiennes. J'espère que la commissaire du circuit tiendra parole et que les joueuses du circuit seront payées à compter de la prochaine saison. »
La joueuse étoile de la ligue canadienne ne se berce cependant pas d'illusions. Lauriane Rougeau sait que le circuit rival américain, la NWHL, qui avait accepté de verser un salaire minimal de 10 000 $ à chacune des joueuses de ses quatre équipes, a été forcé de couper de moitié ce montant à seulement sa deuxième saison d'existence.
« Ça n'a jamais été une option de jouer dans cette ligue. Ma vie est à Montréal. Et de toute façon, ce n'est pas assez d'argent pour survivre aux États-Unis. Je rêve d'un jumelage des deux ligues. Toutes les meilleures joueuses américaines évoluent aux États-Unis, dans la ligue payante. Nous, les Canadiennes, on reste dans notre ligue. On aimerait que les meilleures joueuses jouent contre les meilleures. Je ne sais pas si cela arrivera prochainement ou dans 10 ans. »
Championnat mondial
Seulement deux Québécoises participeront au prochain Championnat mondial. À compter de jeudi, Lauriane Rougeau et Marie-Philip Poulin rejoindront les rangs d'un groupe de 23 joueuses, dont 13 proviennent de l'Inferno de Calgary, cette même équipe battue en finale de la Coupe Clarkson par les... Canadiennes de Montréal.
« Au gala, avant la finale, Marie-Philip et Brianne Jenner [de l'Inferno] ont pris ce pari : la perdante de la finale devra porter le chandail de la gagnante à son arrivée à l'entraînement avec l'équipe nationale. J'ai hâte de prendre des photos... »
Même si Marie-Philip Poulin est sans contredit considérée comme la meilleure joueuse au monde, la filière québécoise aura rarement été si peu exploitée à l'échelle nationale lors d'un tournoi d'envergure.
« Habituellement, nous étions cinq ou six Québécoises dans l'équipe. Mais il faut se souvenir que nous sommes 7000 joueuses au Québec. En Ontario, elles sont 50 000. Il faut continuer à faire des efforts comme cette initiative d'inscrire une équipe de filles au tournoi pee-wee à Québec. Nous sommes dans la bonne direction. »
Lauriane Rougeau souhaite évidemment que le conflit entre les hockeyeuses américaines et leur fédération se règle à temps pour que le public ne soit pas privé de ce traditionnel affrontement entre les deux meilleures nations en hockey féminin.
En attendant, entre deux réflexions sur l'issue des négociations, Lauriane Rougeau se permet de rêver à son après-carrière dans un rôle de gestionnaire à l'image de Catherine Raîche, devenue adjointe au directeur général des Alouettes, Kavis Reed.
« J'aimerais un jour faire partie de l'organisation du Canadien de Montréal. Après ma carrière de hockeyeuse, je vais continuer mes études pour obtenir une maîtrise en administration des affaires. Je pense que j'ai tous les outils pour atteindre mes objectifs. Je rêve d'un rôle au développement des joueurs, comme assistante au directeur général ou même directrice générale... »
La direction du Tricolore devrait garder à l'oeil l'une de ses Canadiennes, et pas seulement sur la patinoire.
