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Quitter Facebook ne vous fera pas lire 200 livres de plus chaque année

Une femme en train de lire devant une bibliothèque

Selon le palmarès des écoles secondaires au Québec, les filles obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les garçons.

Photo : iStock

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Peut-on vraiment lire 200 livres de plus chaque année en délaissant les réseaux sociaux? C'est l'hypothèse qu'avançait un article du magazine en ligne Quartz en janvier dernier. Intéressant, dites-vous? Un instant, répondent deux experts.

Un texte de Carl Marchand

« Ça implique d'ignorer le temps qui n’est pas consacré au livre, comme de la lecture de journaux ou d'articles, explique Anthony Glinoer, professeur de littérature à l’Université de Sherbrooke. C’est aussi supposer que ce que l’on lit sur les réseaux sociaux, ce n’est pas de la "vraie" lecture. »

« Je comprends bien comment c’est un bon titre, mais quand on décortique ça, on se rend bien compte que personne ne va lâcher son téléphone pour aller lire 200 livres de plus par année », rétorque pour sa part Benoît Melançon, professeur au Département des littératures de langue française à l’Université de Montréal.

Benoît Melançon dans nos studios
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Benoît Melançon dans nos studios

Photo : Radio-Canada / Pascal Michaud

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— Une citation de  Benoît Melançon, professeur au Département des littératures de langue française à l’UdeM

Anthony Glinoer, professeur de littérature à l'Université de Sherbrooke, en train d'écrire à l'ordinateur
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Anthony Glinoer, professeur de littérature à l'Université de Sherbrooke

Photo : Radio-Canada / ICI Estrie/Carl Marchand

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— Une citation de  Anthony Glinoer, professeur de littérature à l’Université de Sherbrooke

Anthony Glinoer s’intéresse justement à la concurrence entre les réseaux sociaux et la lecture de livres. Son constat : les statistiques de lecture, notamment celles des livres, ne diminuent pas de façon draconienne. Non, les adolescents ne lisent pas en moyenne beaucoup moins qu’il y a 15 à 20 ans. La forme de lecture qui perd le plus d’adeptes : les journaux quotidiens, selon lui. Mais certains changements s'opèrent tout de même en littérature.

« Ce qui a baissé, c’est le nombre de grands lecteurs de 10 à 15 livres par mois, les lecteurs boulimiques. Ils ont tendance à disparaître. »

Une femme avec plusieurs livres
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Les femmes dans le milieu littéraire

Photo : iStock

L'herbe était plus verte il y a 20 ans

Pas de ton alarmiste non plus pour Benoît Melançon. L’auteur de l’ouvrage Le niveau baisse (et autres idées reçues sur la langue), publié en 2015 chez Del Busso, explique que c'est un réflexe chez l'humain de regarder le passé avec nostalgie.

« C’est clair! Tout était mieux avant, la neige était plus blanche, le gazon était plus vert. J’insiste, c’est un discours généralisé. Le hockey, c’était mieux avant. Si on dit ça pour le hockey, il ne faut pas s’étonner qu’on dise ça pour la lecture et pour la langue. »

Maurice Richard en 1958, après avoir compté son 600e but en carrière
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Maurice Richard en 1958, après avoir compté son 600e but en carrière

Photo : AP/PC

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— Une citation de  Benoit Melançon, professeur au Département des littératures de langue française à l’UdeM

Or, en matière de langue, parfois, certaines choses s’améliorent, poursuit le professeur.

« On dit toujours aux gens que les journalistes et les commentateurs sportifs parlent mal. Prenez un journal montréalais français des années 1920 et vous allez voir que les journalistes, selon nos critères d’aujourd’hui, écrivaient mal, avec une masse d’anglicismes. Comparez ça avec les journaux de 2017 et vous allez voir qu’ils se sont améliorés. »

Mais pourquoi y a-t-il plein de fautes dans les statuts Facebook?

Va pour la lecture, mais l’écriture elle? Les statuts Facebook, les gazouillis et autres textos bourrés de fautes? Là non plus, pas de signe de la décadence de la langue française, assurent les deux hommes.

« Jusqu’à l’Internet, et plus encore aux réseaux sociaux, les gens écrivaient de façon privée et on avait très peu de façon d’observer l’écriture des autres. Ils écrivaient peut-être mal, mais on ne s’en rendait pas compte », tempère Anthony Glinoer.

Des pictogrammes d'utilisateurs de Facebook
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Nous partageons beaucoup de vraies et parfois de fausses nouvelles sur Facebook.

Photo : Facebook

« On se sert de différents modes d’écriture pour faire des choses différentes. On sait bien qu’on n’écrit pas de la même façon. Les jeunes font parfaitement la distinction entre leurs textos et leurs dissertations à l’école. Ils n’utilisent pas "lol" quand ils font des devoirs. Ils le savent et tout le monde sait ça », affirme Benoît Melançon.

De l'économie de l'attention

Mais il y a bien quelque chose qui change, observe Anthony Glinoer. L’avènement de ce que certains appellent l’économie de l’attention ne nous fait pas moins lire – il n’y a jamais eu autant de lettres qui forment des mots qui forment des phrases à lire que maintenant –, mais ce phénomène fait tout de même en sorte qu’on consulte plus de choses, moins longtemps.

« Nous développons chez nous et les enfants une extraordinaire capacité à la multiactivité. Quelque chose dont nos parents étaient totalement incapables. De faire plusieurs choses, pas tout à fait à la fois, mais presque simultanément. »

Une femme sollicitée de toutes parts
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Une employée victime de surcharge de travail

Photo : iStock

« Le mauvais côté c’est qu’on fait les choses moins complètement, de façon plus superficielle avec une attention qui tend à se désagréger. C’est plus difficile de se concentrer sur la lecture d’un livre d’une page à la dernière parce qu’on s’interrompt en permanence », ajoute-t-il.

Bref, la lecture est plus rapide, souvent superficielle, et tend à aller chercher des mots clés, ajoute le professeur. Et rares sont les lecteurs qui auront persisté pour lire cet article en entier. Rien de neuf, cette réalité est enseignée dans les cours de journalisme depuis des décennies.

Alors, on déconnecte ou pas?

Alors, est-ce vraiment grave d’aller sur Facebook et Twitter plutôt que d’entamer un bouquin? La tendance à répondre oui peut provenir d’un attachement envers le livre ancré dans notre culture depuis des siècles.

« Imaginez si c’était ça, la phrase : les réseaux sociaux vous font perdre 2000 heures d’écoute de télé par année. Personne ne vous dirait que ce n’est pas grave. Les gens lisent moins, mais ils vont peut-être moins au cinéma et font peut-être moins de jogging. Il n’y a pas d’équivalence entre les réseaux sociaux et la baisse de la lecture de livres », conclut Benoît Melançon.

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