L’enquête sur les femmes autochtones : ne rien imposer aux communautés

Bridget Tolley pleure après l'annonce sur l'Enquête nationale sur les femmes autochtones. Elle tient une photo de sa mère tuée en 2001.
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang/PC
L'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) veut s'assurer que toutes les femmes victimes de violence et les familles des victimes qui veulent témoigner seront à même de le faire lors des audiences qui commenceront en mai.
Un texte de Karoline Benoit, d'Espaces autochtones
Les responsables de l’enquête s’affairent d’ailleurs activement à « courtiser les communautés » où les commissaires pourraient se rendre pour recueillir les témoignages des femmes.
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L’ENFFADA a cependant déjà clairement indiqué que les commissaires ne se rendront que dans les communautés où ils seront invités. Ils « ne s’imposeront pas », indique la directrice générale de l’enquête, Michèle Moreau.
Des communautés aux portes fermées
Mais des intervenantes autochtones s’interrogent sur la décision de l’ENFFADA de ne pas se rendre dans toutes les communautés autochtones du pays.
Pour la porte-parole d’Idle No More Québec, Melissa Mollen Dupuis, il est fort plausible que certaines bandes refuseront d’ouvrir les portes de leurs réserves aux commissaires.
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Elle s’inquiète aussi du fait que des membres en position de pouvoir dans certaines communautés pourraient aussi être « des personnes qui ont commis des actes répréhensibles envers des membres de la communauté ». Ils pourraient donc être moins intéressés à voir des commissaires sur leur territoire.
Melissa Mollen Dupuis croit que la commission doit absolument entendre les femmes et les familles qui viennent de communautés où l’enquête n’est pas la bienvenue. « Il va falloir s’assurer qu’elles aient accès à la commission », dit-elle.
Même son de cloche chez la directrice du Foyer pour femmes autochtones de Montréal, Nakuset. Elle ajoute qu’il est important que les femmes qui veulent témoigner de la violence conjugale et des agressions sexuelles qui existent au sein de leurs communautés puissent le faire librement.
Elles demandent à ce que ces femmes aient accès à des lieux, hors de leurs communautés, où elles pourront livrer leurs témoignages de façon sécuritaire.
Des témoignages de formes diverses
La directrice générale de l’ ENFFADA, Michèle Moreau, réplique que « si jamais il y a des endroits où les familles voudraient témoigner et que pour une raison ou pour une autre, une enquête n’est pas la bienvenue (…) on trouverait une autre façon pour que ces familles-là puissent témoigner ».
La commission a déjà expliqué que lorsqu’elle ne pourra pas se rendre à certains endroits, les victimes et les familles pourront témoigner par écrit ou par vidéo.
Des formes artistiques comme des poèmes ou de l’art audiovisuel seront aussi acceptées.
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Michèle Moreau indique toutefois qu’aucune communauté n’a encore fermé sa porte à la commission. « Pour le moment, c’est plutôt positif comme réaction, on n’a pas eu de rejet de personne », dit-elle.
« Ça me surprendrait beaucoup », affirme pour sa part le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), Ghislain Picard.
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Selon lui, les dirigeants des communautés autochtones « ne demandent pas mieux que la société puisse jeter un regard sur leurs difficultés ».
Consultations avec les familles
Les commissaires ont par ailleurs rencontré la semaine dernière des familles de divers milieux autochtones qui ont perdu des êtres chers. Il s’agissait du premier « cercle consultatif familial » qui vise à entendre les besoins des familles. D’autres se tiendront dans les prochaines semaines.
Ces « cercles consultatifs familiaux » ont pour objectif de bien planifier le déroulement des audiences.
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« Les familles ont fourni aux commissaires des directives simples et respectueuses », sur la façon dont elles veulent que ces audiences se déroulent, ajoute la commissaire en chef de l’ ENFFADA, Marion Buller.
Les témoignages des femmes victimes de violence et des familles de personnes disparues ou assassinées doivent être entendus à partir du mois de mai. Les commissaires devront ensuite déposer leur rapport préliminaire le 1er novembre 2017 et leur rapport final un an plus tard.
Un échéancier considéré trop serré, notamment par Femmes autochtones du Québec et par l’APNQL.
« Ce calendrier est beaucoup trop ambitieux au niveau de sa durée », doute Ghislain Picard.
Il espère cependant que les recommandations de la commission « vont donner des réponses aux familles des victimes (…) et leur permettre de faire un deuil ».
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