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L'inéluctable automatisation

Des employés, certains de dos, certains de profil, qui travaillent à l'usine Spectra Premium de Boucherville.

Plusieurs employés qui travaillent à l'usine Spectra Premium de Boucherville.

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Les nouvelles technologies prennent de plus en plus de place dans le secteur manufacturier. Elles font en sorte que des tâches demandent moins d'efforts et moins de temps. Mais comment les entreprises, et les humains derrière, font-ils face à cette nouvelle réalité? Et y a-t-il un prix à payer? Regards sur un monde en transformation.

Un texte de Janic Tremblay

On entre dans l’usine Spectra Premium de Boucherville avec la forte impression d’être au confluent de deux mondes. Comme si on pouvait comparer en temps réel le passé et l’avenir du secteur manufacturier. L’entreprise, qui est dans les affaires depuis plus de 25 ans, fabrique principalement des réservoirs d’essence en acier.

Sur une chaîne de fabrication traditionnelle circulent des réservoirs destinés au marché des pièces de substitution. En clair, ils serviront à remplacer des réservoirs qui équipent de vieilles voitures mises en marché avant l’avènement des réservoirs en plastique.

Une quinzaine d’employés assemblent entre de 700 à 1000 réservoirs pendant leur quart de travail. Leurs tâches sont très peu automatisées. Ils font les perçages, placent les pièces sur les convoyeurs, s’occupent des points d’attache, effectuent les soudures, valident l’étanchéité dans des bassins d’eau. Des actions répétitives, comme c’est le cas dans des tas de manufactures sur la planète.

Vue de haut, à travers un grillage, d'employés qui travaillent à l'usine Spectra Premium de Boucherville.
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Des employés qui travaillent à l'usine Spectra Premium de Boucherville.

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

Mais Spectra fabrique aussi des réservoirs d’acier destinés aux véhicules hybrides, comme la Volt de Chevrolet. Des composants qui doivent pouvoir résister à des pressions très élevées, principalement pour éviter les émissions polluantes qui surviennent lors du relâchement des soupapes dans les réservoirs traditionnels.

Ces pièces de haute technologie sont quant à elles assemblées sur une ligne robotisée qui a été mise en place au cours des dernières années.

Des ouvriers qui utilisent des machines, dans l'usine Spectra Premium de Boucherville.
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Des ouvriers qui utilisent des machines.

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

C’est en quelque sorte une vision du futur de l’industrie manufacturière. Une douzaine de robots s’activent sans relâche dans des cellules de sécurité. Toutes les opérations y passent. Découpes, brossages, soudures, perçages, application de peinture, manipulations et même inspection à l’aide de systèmes de vision artificielle. Les employés qui travaillent dans ce secteur doivent surtout superviser les machines automatisées et faire le lien entre les divers postes de travail.

Auparavant, chacun des cycles qui entrent dans la fabrication du réservoir était de 80 secondes environ. Maintenant, c’est presque deux fois plus court : 45 secondes seulement. Et ça baissera sans doute encore au fil des améliorations logicielles.

Le directeur du génie manufacturier à Spectra Premium, Daniel Deschênes
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Le directeur du génie manufacturier chez Spectra Premium, Daniel Deschênes

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

« Nous produisons presque 500 réservoirs de haute technologie chaque quart de travail. Sans cette chaîne de fabrication automatisée, il aurait fallu 10 employés de plus que ceux qui sont présentement sur le plancher pour assurer la même cadence. Le coût n’aurait pas du tout été le même et nous n’aurions pas été en mesure de remporter le contrat pour la production de ces réservoirs », affirme avec assurance Daniel Deschênes, directeur du génie manufacturier à Spectra.

Au lieu de cela, il dit que l’entreprise a assuré le maintien des emplois existants et s’est positionnée pour l’avenir. Sans compter que les robots effectuent des tâches répétitives et parfois harassantes. Soulever une pièce de 10 kilos 400 ou 500 fois pendant un quart de travail comporte des risques évidents de blessures, explique l’ingénieur industriel.

Il raconte que l’entreprise devait impérativement opter pour les robots... avant qu’un compétiteur ne le fasse.

«  »

— Une citation de  Daniel Deschênes, directeur du génie manufacturier à Spectra
 
Des robots dans l'usine Spectra Premium de Boucherville
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Des robots dans l'usine Spectra Premium de Boucherville

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

Un darwinisme manufacturier

Les robots de Spectra ont été conçus par la société québécoise Génik.

L’entreprise de Saint-Jérôme a le vent dans les voiles, comme en témoignent un chiffre d’affaires de 15 millions et les importants travaux d’agrandissement qui sont en cours en ce moment.

Les lieux débordent d’ingénieurs qui travaillent en équipe sur différents projets de lignes de production automatisées. Il y a même un petit département de vision artificielle. Sur place, on trouve quantité de robots et de nouvelles technologies, comme les fraiseuses numériques, qui côtoient les anciens modèles contrôlés à la main par des machinistes.

Des machines de la société québécoise Génik
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Des machines de la firme québécoise Génik

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

Un employé, debout, qui travaille sur un semblant d'ordinateur.
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Un employé de l'entreprise Génik travaille devant un écran.

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

Le président et cofondateur de l'entreprise, Donald Turcotte, est un homme posé qui mesure le poids des mots avant de répondre aux questions.

Il plaide vigoureusement en faveur de l’automatisation et évoque un certain darwinisme manufacturier.

«  »

— Une citation de  Donald Turcotte, président de la société Génik
Le président et cofondateur de la société Génik, Donald Turcotte, touchant à une machine.
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Le président et cofondateur de la firme Génik, Donald Turcotte.

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

Il cite en exemple le cas du premier client de l’entreprise, le manufacturier de réservoirs à eau chaude Giant.

« Il y a 24 ans, la compagnie avait un chiffre d’affaires de 20 millions de dollars et 125 employés. Aujourd’hui, l’usine a quintuplé son chiffre d’affaires, elle a 50 employés de plus tout en comptant sur 70 robots. Elle est maintenant la seule entreprise qui fabrique des réservoirs à eau chaude au Canada. Les deux autres compétiteurs sont disparus », raconte-t-il.

Un employé à l'oeuvre dans l'usine de Spectra Premium à Boucherville.
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Un employé à l'oeuvre dans une usine

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

Dans ce nouveau monde, les emplois ne seront cependant pas les mêmes. Pour Donald Turcotte, les emplois journaliers et manuels vont demeurer, mais il y en aura moins. Certains vont même disparaître au profit de nouveaux emplois mieux payés. Il souligne que les robots connaissent parfois des ratés. Il va falloir des compétences pour les réparer ou les reprogrammer. Les besoins s’annoncent importants dans ce domaine.

La nécessité de la formation

« Dans le secteur manufacturier, les employés d’hier étaient traditionnellement vêtus d’un bleu de travail. Ceux de demain pourraient bien porter un sarrau blanc. » La comparaison est celle de Stéphane Forget, président de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Il observe attentivement l’évolution du marché du travail et l’acquisition de compétences lui apparaît absolument incontournable.

Le président de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Stéphane Forget, souriant un peu à la caméra.
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Le président de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Stéphane Forget

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

«  »

— Une citation de  Stéphane Forget, président de la Fédération des chambres de commerce du Québec
Le président de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Stéphane Forget, faisant un discours devant des personnes assises autour de tables.
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Le président de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Stéphane Forget, faisant un discours.

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

Cela met selon lui de la pression sur les employeurs, les gouvernements et les employés qui devront se perfectionner tout au long de leur carrière professionnelle. « Il faut que tout le monde devienne plus agile, sinon nous allons perdre sur le plan de la compétitivité », dit M. Forget.

Il cite notamment le cas des jeunes de 16 à 18 ans qui ne parviennent pas à terminer leur 5e secondaire. Ils devraient pouvoir profiter de passerelles qui les mèneraient vers le marché du travail.

Il pense aussi aux titulaires de diplômes d’études professionnelles qui ne peuvent toujours pas accéder au cégep afin de compléter d’éventuelles formations techniques. Il faudrait trouver aussi des façons de les aider à se perfectionner pour faire face aux nouvelles réalités de l’emploi.

Un avenir plus sombre pour les ouvriers non spécialisés

« Au Québec, environ 40 % des emplois sont occupés par des travailleurs peu qualifiés. Ils sont évidemment moins rémunérés. Inversement, ceux qui possèdent des qualifications sont de mieux en mieux payés, car les entreprises en ont de plus en plus besoin. Cet écart va se creuser davantage au cours des années qui viennent. » C'est ce que conclut Florent Francoeur, président de la Commission des partenaires du marché du travail, un lieu de réflexion sur les grands enjeux du monde du travail, au gouvernement du Québec.

Le président de la Commission des partenaires du marché du travail, Florent Francoeur, regardant vers le bas.
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Le président de la Commission des partenaires du marché du travail, Florent Francoeur.

Photo : Radio-Canada / Janic Tremblay

L’ancien président des conseillers en ressources humaines agréés réfléchit évidemment beaucoup aux nouveaux environnements qui sont en train de se mettre en place. Il ne croit pas que l’automatisation va remplacer tous les travailleurs. Néanmoins, la nécessité de la compétence risque fort d’avoir des conséquences importantes pour tous les manoeuvres, journaliers et autres travailleurs sans formation particulière.

« Leur pouvoir d’achat va diminuer. Un emploi à 15 $ a de bonnes chances de rester à ce niveau. Ces travailleurs n’auront probablement pas assez d’argent pour faire ce que ceux des générations précédentes auront été en mesure de faire. Ils auront beaucoup de difficulté à acheter une maison ou payer pour l’éducation de leurs enfants, par exemple. »

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