L’intelligence artificielle au service de l’immigration

Le logo de Botler.ai
Photo : Botler.ai
Le processus d'immigration peut être long et fastidieux. Amir Morajev, d'origine iranienne, en sait quelque chose. Il a donc décidé de développer un outil qui facilite les démarches grâce à l'intelligence artificielle.
Toute l’aventure de Botler.ai a débuté il y a un peu plus de deux ans. M. Morajev est venu faire sa maîtrise à l’Université Concordia en 2009. Une fois ses études terminées, il avait l’intention, comme bien des jeunes programmeurs, d’aller travailler dans la Silicon Valley. Montréal ne devait être qu’une étape pour atteindre ses objectifs professionnels. Mais son diplôme en poche, il a plutôt rejoint les rangs d’une jeune pousse en se disant que, s’il souhaitait un jour faire naître la sienne, ce serait peut-être plus facile ici.
Il planifiait alors d’obtenir le statut de résident permanent ou de participer au Programme de visa pour démarrage d'entreprise du Canada. Mais ce dernier n’était pas encore offert au Québec, en 2013, et Morajev a dépassé les délais pour l’application à la résidence permanente. Son permis de travail expiré, il a dû quitter le Canada. « C’était une expérience très déplaisante. Je n’aurais jamais pensé que tout ce processus pouvait être aussi difficile, aussi strict. »
Le défi de trouver les bonnes réponses
Avec ce retour forcé en Iran, Morajev a décidé de pousser ses recherches sur le bon déroulement d’une demande d’immigration. Il ne pensait pas encore à développer une application, il cherchait simplement des réponses à ses questions en fouillant les forums de discussion et en se joignant à des groupes de discussion pour en savoir davantage sur le parcours des autres immigrants au Canada.
C’est là qu’il a pu mesurer le désordre des messages et la quantité indigeste d’information qu’il devait absorber. Le simple tri des questions et des réponses lui aurait pris tout son temps. Il a donc écrit un simple petit programme qui pouvait le faire à sa place et trouver les cas qui se rapprochaient le plus du sien. C’était la première pierre dans l’idée de Botler.ai.
Pour élaborer ce programme, il a utilisé l’apprentissage automatique, c’est-à-dire que la base de données de ses recherches augmentait au fur et à mesure que les données s’accumulaient. C’est comme ça que son programme pouvait se raffiner et devenir un outil beaucoup plus précis. Morajev a souhaité faire part de ses connaissances à d’autres immigrants qui partagent la même situation que lui. Le programme pourrait leur donner des conseils sur les délais, le processus, les réponses à attendre, etc.
C’est de cette manière que Morajev a finalement obtenu sa résidence permanente et qu’il est revenu à Montréal. Ce programme est devenu le cœur d’un premier outil de messagerie lancé en juin 2016. C’était un service de partage d’information où l’intelligence artificielle faisait le travail de recherche à la place du demandeur.
De robot conversationnel à robot avocat
Après le lancement de l’été dernier, la jeune pousse est devenue partenaire du cabinet d’avocats Campbell-Cohen, le plus gros cabinet spécialisé dans les questions d’immigration, selon Morajev. Il a donc pu obtenir les données qu’il fallait pour améliorer son outil d’intelligence artificielle. C’est aussi dans la foulée de ce lancement que Botler.ai a remporté le prix FounderFuel au Startupfest de Montréal.
Toute cette attention indiquait à Morajev que l’entreprise répondait à un besoin essentiel et qu’elle pouvait même aller plus loin qu’un simple robot conversationnel. L’immigration est un processus complexe, qui requiert beaucoup de lectures et de connaissances diverses. Les erreurs sont fréquentes. Les immigrants, eux-mêmes souvent très éduqués, ne sont pas habitués avec ces rouages légaux.
Morajev a décidé d’améliorer son programme initial pour faire une partie de ce que font les avocats, c’est-à-dire déterminer l’éligibilité des candidats pour l’un des 60 programmes d’immigration, puis remplir toute une série de formulaires et mettre sur pied le dossier d’immigration.
Botler.ai ne vise pas à remplacer les avocats impliqués dans le processus, mais bien à augmenter leurs capacités de traitement des demandes. Il automatise les parties de l’opération qui peuvent l’être. Certains immigrants, dans les cas qui le nécessitent, pourront toujours avoir recours à un avocat pour les représenter auprès du gouvernement, ça ne change pas. « L’intelligence artificielle est meilleure que n’importe quel avocat pour certaines tâches. Elle calcule toutes les possibilités pour un candidat et un programme donné. Aucun angle n’est négligé. »
Une réponse aux politiques d’immigration de Trump
Au départ, Morajev prévoyait un lancement le 1er avril. Mais l’actualité a rattrapé l’équipe, qui lancera plutôt le nouveau service le mercredi 8 février. On sait que la communauté techno américaine est particulièrement sensible au décret anti-immigration de Trump, qui est une menace, entre autres, pour le recrutement de la main-d’œuvre et la mobilité de ses équipes.
Au Canada, il existe aussi une mobilisation, nous explique Morajev. La communauté techno canadienne souhaite faciliter le recrutement de ses propres employés étrangers ou encore aider les employés d’ailleurs à s’établir de façon permanente au Canada. Ce mouvement s’est mis en branle environ 10 jours après l’annonce du décret. Les dirigeants d’entreprises veulent aider des professionnels hautement qualifiés à poursuivre leur collaboration au-delà d’un simple contrat.
La version de Botler.ai qui sera accessible cette semaine a donc été achevée plus rapidement que prévu et ne concerne que le programme qui s’adresse aux diplômés étrangers d’universités québécoises ainsi qu’aux employés étrangers hautement qualifiés déjà au Québec et qui aimeraient y rester.
Au bout du compte, Morajev est vraiment heureux d’être resté à Montréal, loin des politiques d’immigration américaines et, surtout, plongé dans l’effervescence de ce pôle d’intelligence artificielle.
Le lancement de Botler.ai aura lieu le 8 février à la Maison Notman de Montréal à 18 h.