Le BAPE ne donnera pas le feu vert au Réseau électrique métropolitain

Un projet de système léger sur rails pour Montréal été annoncé en avril dernier par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ).
Malgré un rapport très critique du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) à l'endroit du Réseau électrique métropolitain (REM), le ministre des Transports du Québec, Laurent Lessard, veut aller de l'avant avec ce projet de 5,9 milliards de dollars.
Un texte de François Cormier et Bahador Zabihiyan
Le rapport du BAPE fait état de « documentation incomplète » et de « plusieurs éléments essentiels du projet qui n'ont pu faire l'objet de débat public ni être analysés par la commission ».
Le BAPE estime que peu d'automobilistes délaisseront leurs voitures pour adopter ce nouveau mode de transport en commun. Il soulève aussi des questions d'ordre architectural, tout en s'interrogeant sur l'impact potentiel du REM sur d'autres lignes de transport.
Le ministre Lessard dit qu’il prend note des recommandations du BAPE, mais que le projet du REM ira de l’avant. Il note au passage que le BAPE agit parfois en dehors de son mandat.
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« Les analyses économiques, ce type d'étude là, je ne suis pas certain que c'est dans leur mandat précis de faire ça », s’est toutefois demandé le premier ministre, Philippe Couillard, interrogé par La Presse canadienne en marge du Forum économique de Davos.
M. Couillard a soutenu que l’analyse du BAPE ne remettait « absolument pas » en question le projet, tout en concédant qu’il pourrait y avoir des ajustements.
Le porte-parole du PQ en matière de transports et d’électrification des transports, Alain Therrien, s’interroge pour sa part sur la rentabilité du projet de REM. « Ça ressemble de plus en plus à ce qu’on pourrait appeler une commande politique, cette affaire-là », a-t-il lancé.
Québec a choisi la date du 20 janvier, alors que le monde avait le regard tourné vers Washington pour l'assermentation du président Donald Trump, pour rendre public le rapport du BAPE.
Voici 10 critiques contenues dans ce rapport :
1. Impossible d'évaluer les conséquences sur l'environnement et celles des mesures d'évitement, d'atténuation et de compensation à mettre en place. Absence d'un portrait complet du milieu naturel. Absence d'une analyse finale des répercussions du projet;
2. Le BAPE remet en cause le choix d'emprunter en exclusivité le tunnel du mont Royal. Il recommande même de réévaluer l'option de tracé qui passerait par le sud de l'île;
3. Le BAPE concède que le Réseau électrique métropolitain offrirait une « bonne capacité de transport », mais soulève des préoccupations quant à la qualité du service;
4. Le REM contribuerait peu à atteindre les objectifs de déplacements par transport en commun dans la grande région de Montréal;
5. Le REM aura des conséquences sur le paysage montréalais, mais il y a un manque d'informations sur l'intégration architecturale des infrastructures;
6. Le BAPE appréhende un effet sur l'achalandage sur la ligne orange du métro de Montréal, qui est déjà saturée;
7. Le projet aurait pour effet de tronquer la ligne de train Mascouche et d'imposer une correspondance supplémentaire à ses utilisateurs;
8. Il n'y a pas d'évaluation de l'impact de ce nouveau transport en commun sur les sociétés de transport déjà existantes;
9. Il y a un manque d'information sur le cadre financier du projet;
10. Le BAPE est d'avis que le gouvernement du Québec devrait exiger que certaines données financières soient rendues publiques. Il demande aussi que la convention d'actionnaires soit dévoilée publiquement.
De son côté, le maire de Montréal, qui n’a pas encore lu le rapport, estime que le projet du REM est nécessaire.
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« Pour l’instant, ce qu’on voit, c’est que ce projet-là pourrait jouer à l’encontre du transport collectif actuel, alors ça ne tient pas la route », a objecté la chef de Projet Montréal, Valérie Plante. « On veut un projet qui répond à tous les besoins. »
La Caisse de dépôt et placement, dont la filiale CDPQ Infra est responsable du projet de 27 stations et 67 kilomètres de rails, a indiqué qu’elle souhaitait lire et analyser le rapport avant de faire un quelconque commentaire.
Les stations de Brossard très critiquées
Le projet du REM est très attendu par les municipalités de la Rive-Sud de Montréal, à commencer par Brossard. Mais le BAPE estime d’ores et déjà qu’il faudra déménager le terminus Rive-Sud, situé près de l’intersection des autoroutes 10 et 30, car il est en zone agricole.
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Le maire de Brossard, Paul Leduc, estime que la station Rive-Sud devrait se trouver au sud-est de l’autoroute 10, plutôt qu’au sud-ouest, comme le veut la CDPQ. Cet autre emplacement se trouve aussi en zone agricole, mais un centre de recyclage s’y trouve déjà. Celui-ci doit déménager d’ici deux ans. Le maire Leduc estime que le REM pourrait utiliser l’emplacement du centre de recyclage et éviter ainsi de trop empiéter sur la zone agricole.
« Au niveau de l’empreinte écologique […], c’était une empreinte moindre à cause des milieux humides, qui sont dans la section sud-est », dit M. Leduc. L’utilisation du centre de recyclage demanderait toutefois une décontamination des terres, et le BAPE constate que cela engendrait des coûts supplémentaires.
Le BAPE a aussi des critiques en ce qui concerne la création d’une station à l’actuel terminus d’autobus Panama, à Brossard. En fait, le BAPE affirme que rien ne permet de croire, à ce stade, qu’il sera plus rapide de se rendre au centre-ville à partir de Brossard grâce au REM. C’est que la CDPQ n’a pas produit assez de données pour permettre au BAPE de déterminer si le trajet entre le terminus Panama et le centre-ville en REM sera plus rapide qu’en autobus.
Autre problème d’une éventuelle station sur l'emplacement de l’actuel terminus d’autobus Panama : le Réseau de transport de Longueuil (RTL) va perdre des revenus sans que ses dépenses baissent en conséquence. En effet, le RTL tire une bonne partie de ses revenus des autobus qui acheminent les passagers du terminus Panama au centre-ville. Avec le REM, ces autobus n’auront plus lieu d’être, et le RTL risque fort de perdre au change, dit le BAPE.
En effet, le RTL devra tout de même créer de nouvelles lignes d’autobus pour acheminer les passagers de la Rive-Sud aux stations du REM qui leur permettront d’aller au centre-ville.
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Encore une fois, le BAPE dit qu’il n’y a pas assez de données pour tirer des conclusions finales.
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