La sortie de Trump provoque un appel à l'unité en Europe

Donald Trump, lors de sa première conférence de presse depuis son élection.
Photo : Reuters / Shannon Stapleton
Prenez note que cet article publié en 2017 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L'Europe a réagi d'un seul bloc aux propos acérés du président désigné des États-Unis contre l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et l'Union européenne (UE). À quelques jours de son investiture, Donald Trump a émis dans les pages du Times britannique et du Bild allemand plusieurs commentaires qui secouent les capitales européennes.
Le président désigné Donald Trump a notamment qualifié l’OTAN d’« obsolète », tout en déplorant le sous-financement par les pays européens de cette organisation de défense militaire unissant l'Europe et l'Amérique du Nord.
Il a de plus louangé la sortie du Royaume-Uni de l’UE – qu’il a qualifiée d’instrument dirigé par l’Allemagne –, prédit « le succès » de la manoeuvre (Brexit) de même que la sortie d’autres pays de l'UE.
M. Trump a également reproché à l'Allemagne sa politique d’accueil de migrants syriens. Il a aussi menacé d’imposer une taxe de 35 % aux véhicules importés aux États-Unis, notamment ceux de l’allemande BMW.
Appel à faire bloc
Le président français François Hollande a fermement répliqué au président élu américain déclarant que l'Europe n'avait « pas besoin de conseils extérieurs pour lui dire ce qu'elle a à faire ».
L'Europe sera toujours prête à poursuivre la coopération transatlantique, mais elle se déterminera en fonction de ses intérêts et de ses valeurs. Elle n'a pas besoin de conseils extérieurs pour lui dire ce qu'elle a à faire.
« Je pense que nous, les Européens, avons notre destin dans nos propres mains. Je vais continuer de m'engager pour que les 27 États membres travaillent ensemble vers l'avenir [...] face aux défis du 21e siècle », a répliqué la chancelière allemande, Angela Merkel.
« La meilleure réponse à l'interview du président américain, c'est l'unité des Européens », c'est de « faire bloc », a répliqué pour sa part le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, à son arrivée à une réunion de l'Union européenne à Bruxelles.
Le vice-chancelier allemand, Sigmar Gabriel, abonde dans le sens de son collègue français en invitant les Européens à reprendre confiance en leurs propres moyens.
« Je pense que nous, Européens, ne devons pas tomber dans une profonde dépression. Je ne sous-estime pas ce que dit Trump sur l'OTAN, sur l'UE, mais faire preuve d'un peu d'assurance nous ferait du bien dans une telle situation », a déclaré M. Gabriel au quotidien Bild.
« L'Europe, dans la phase actuelle où nous sommes affaiblis, doit se ressaisir, elle doit agir avec assurance et défendre ses propres intérêts », a ajouté M. Gabriel.
Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a pour sa part affirmé que « nous avons maintenant la possibilité de montrer à M. Trump que l'Europe n'est pas seulement une communauté solidaire [mais qu'elle] prend les affaires étrangères au sérieux et sait bien que si l'on détruit la politique étrangère, les conséquences en seront d'une très grande portée ».
L’OTAN « obsolète »
J'ai dit il y a longtemps que l'OTAN avait des problèmes. En premier lieu qu'elle était obsolète parce qu'elle a été conçue il y a des années et des années et parce qu'elle ne s'est pas occupée du terrorisme. […] En deuxième lieu, les pays [membres] ne payent pas ce qu'ils devraient.
« Les déclarations du président désigné Trump, qui considère l'OTAN comme obsolète, ont été reçues avec inquiétude », a reconnu le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, après une rencontre bilatérale avec le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg.
Bien que l’OTAN dise officiellement avoir bon espoir de voir les États-Unis poursuivre leur engagement au sein du traité militaire qui assure la stabilité en Europe, les pays membres s’inquiètent des répercussions.
Sur les 28 pays membres de l'OTAN, seulement 5 (États-Unis, Royaume-Uni, Estonie, Grèce et Pologne) respectent le niveau de dépenses militaires de 2 % de leur produit intérieur brut (PIB), seuil souhaité par l'OTAN.
Quant aux États-Unis, ils financent 70 % de ses activités.
Les commentaires du président américain désigné sur l’OTAN risquent notamment d'alimenter les craintes des pays – en particulier ceux situés sur le flanc est de l'OTAN – envers la politique étrangère de Moscou.
Le « succès » du Brexit
Vous regardez l'Union européenne [...] c'est en gros un instrument pour l'Allemagne. C'est la raison pour laquelle je pense que le Royaume-Uni a eu bien raison d'en sortir.
La sortie de M. Trump, assortie d’une déclaration d’intention d’en arriver à un accord commercial avec le Royaume-Uni, a été bien accueillie à Londres.
« C'est une très bonne nouvelle que les États-Unis veuillent conclure un bon accord commercial avec nous, et qu'ils veuillent le faire rapidement », a déclaré le secrétaire d'État des Affaires étrangères, Boris Johnson, à Bruxelles.
Ce dernier a néanmoins précisé qu’un tel accord devait être « clairement dans l'intérêt des deux parties ».
L’« erreur catastrophique » de Merkel
Je pense qu'elle a fait une erreur vraiment catastrophique qui a été d'accueillir tous ces [migrants] illégaux, vous savez, prendre tous ces gens d'où qu'ils viennent. Et personne ne sait d'où ils viennent.
Le vice-chancelier Gabriel a répondu aux critiques de M. Trump – sur l’accueil d’un million de migrants en Allemagne en 2015 – en imputant cet important flux migratoire à la politique étrangère américaine.
M. Gabriel a mentionné que les guerres d’Irak et de Syrie avaient forcé plusieurs centaines de milliers de migrants à prendre la route de l’Europe.
« Ce que nous avons aujourd'hui, ce sont les conséquences de cette guerre [d'Irak], de la politique interventionniste des États-Unis depuis 1953 en Méditerranée, au Proche-Orient, en Iran aussi, si bien qu'une guerre a suivi l'autre, ce qui a abouti à des flux de réfugiés auxquels l'Europe a dû faire face et pas les États-Unis », a relevé M. Gabriel.
John Kerry, lui, n'a pas hésité lundi à désapprouver les propos de Donald Trump sur la politique migratoire de la chancelière allemande. A rebours du président élu, le secrétaire d'État américain a jugé « extrêmement courageuse » la politique d'accueil des migrants et des réfugiés sur le sol allemand mise en oeuvre par Angela Merkel.
La chancelière Angela Merkel a pour sa part refusé ce lien établi par Donald Trump entre l’afflux de réfugiés et le terrorisme,
« Je veux séparer [la question du terrorisme] de la question des réfugiés [...] en ce qui concerne la guerre en Syrie », a dit la chancelière, en précisant que « la majorité des Syriens » ont fui « la guerre civile, les combats contre [le régime du président Bachar] Al-Assad et la répression d'Assad ».
Personnellement, j'attends l'investiture du président américain. Ensuite, nous travaillerons évidemment avec lui à tous les niveaux.
De sources gouvernementales allemandes, on déclare que la chancelière cherche à fixer une date pour une rencontre avec Donald Trump au printemps. Elle a proposé de le rencontrer aux États-Unis en sa qualité de présidente du G20, précise-t-on.
Une taxe de 35 % aux importations de véhicules
Vous pouvez construire des voitures pour les vendre aux États-Unis, mais pour chaque véhicule qui entrera aux États-Unis, vous allez payer une taxe de 35 %.
Le constructeur allemand BMW, refusant de commenter directement la menace d'imposer des tarifs douaniers s'il s'installait au Mexique pour exporter vers le marché américain, a préféré rappeler sa présence importante aux États-Unis, soulignant notamment que son usine américaine de Spartanburg était son plus grand centre de fabrication au monde.
« Nous sommes un exportateur net aux États-Unis, où nous produisons et exportons plus de véhicules que nous n'en vendons dans le pays, ce qui est évidemment bon pour l'économie », a noté le porte-parole de BMW.
Chargé de la coopération transatlantique au sein du gouvernement allemand, Jürgen Hardt a mis en garde le président Trump contre une dérive protectionniste. « S'agissant de l'industrie automobile allemande, quelqu'un devra lui expliquer que des entreprises allemandes produisent déjà aux États-Unis, exportant à partir de là dans le monde entier », a souligné M. Hardt.
« Cela serait remis en question si Donald Trump mettait en mouvement une spirale protectionniste internationale », a-t-il prévenu.
« L'industrie automobile américaine en sortira moins bonne, plus faible et plus chère », a de son côté estimé M. Gabriel.
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Avec les informations de Agence France-Presse et Reuters