L'année autochtone en 12 temps

Quelques grands événements qui ont marqué l'actualité autochtone de 2016.
Photo : Radio-Canada/Janic Tremblay, Gord Downie, Jeff Lemire, La Presse canadienne/Sean Kilpatrick, CBC/Evelyne Asselin
La dernière année aura été, pour les Autochtones, marquée par une actualité foisonnante. Les mots « commissions d'enquête » et « femmes autochtones » auront souvent été prononcés dans la même phrase, la question des pipelines se sera imposée tous les mois, et l'année aura été ponctuée de débats, de victoires judiciaires et politiques, de gestes de réconciliation et de solidarité, avec ses drames, mais aussi avec les espoirs qu'elle porte. Revoici 2016 en accéléré.
Un texte de Sophie-Hélène Lebeuf
22 MARS : OTTAWA ANNONCE DES INVESTISSEMENTS SANS PRÉCÉDENT
Le tout premier budget du ministre Bill Morneau traduit la nouvelle relation que veut instaurer le gouvernement libéral avec les peuples autochtones: il prévoit une enveloppe de 8,4 milliards de dollars pour améliorer leurs conditions de vie au cours des cinq prochaines années, dont 1,5 milliard de dollars dès 2016.
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L'argent doit notamment servir à rénover et à construire des écoles, des garderies et des logements, ainsi qu'à améliorer le système d'éducation et le traitement des eaux dans les réserves.
En fin d'année, la ministre des Affaires autochtones et du Nord Canada, Carolyn Bennett, affirme que plus de 90 % des sommes promises aux Premières Nations pour l'exercice financier en cours ont été distribuées. L'eau potable est ainsi devenue réalité dans 14 réserves qui devaient auparavant faire bouillir leur eau.
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10 AVRIL : VAGUE DE SUICIDES DANS DES COMMUNAUTÉS AUTOCHTONES
La Première Nation d’Attawapiskat, dans le nord de l'Ontario, déclare l'état d'urgence après 86 tentatives de suicide depuis septembre, dont la moitié survenues au cours du dernier mois. Le chef Bruce Shisheesh montre du doigt la surpopulation dans les logements, l'intimidation à l'école, les dommages émotionnels des pensionnats autochtones et la toxicomanie.
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Une crise secoue aussi la communauté inuite de Kuujjuaq, dans le nord du Québec et celle des Cris de Pimicikamak, au Manitoba. Le problème est loin d'être nouveau : l'état d'urgence déclaré après une vague de suicides dans la Première Nation de Neskantaga, en Ontario, une communauté privée d'eau potable depuis 20 ans, est encore en vigueur trois ans plus tard.
Les Premières Nations réclament des ressources supplémentaires pour aider les jeunes aux prises avec des problèmes de santé mentale.
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14 AVRIL : LES MÉTIS SONT DES « INDIENS » AU SENS DE LA LOI
La Cour suprême du pays reconnaît aux Métis et aux Indiens non inscrits les mêmes droits qu'aux autres peuples autochtones, mettant un terme au « désert juridique » dans lequel ils se trouvaient.
Contrairement aux Indiens inscrits, ils n’avaient pas droit à des réserves, aux avantages fiscaux, à des terres ancestrales ou à des programmes sociaux automatiquement financés par le fédéral.
C'est une victoire importante pour ceux qui se battaient devant les tribunaux depuis 1999. Le jugement touche environ 600 000 Métis et Indiens non inscrits.
10 MAI : LE CANADA ADHÈRE À LA DÉCLARATION DE L'ONU SUR LES DROITS DES AUTOCHTONES
Devant le Forum permanent sur les questions autochtones au siège des Nations unies, à New York, le Canada indique qu'il appuie maintenant « pleinement et sans réserve » la Déclaration sur les droits des peuples autochtones de l’ONU (DDPA).
La ministre Carolyn Bennett précise qu'Ottawa reconnaîtra le concept de « consentement libre et éclairé », en vertu duquel les gouvernements doivent non seulement consulter les Autochtones pour les projets de développement qui les concernent, mais aussi obtenir leur consentement.
Adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 2007, la DDPA, qui n'est pas juridiquement contraignante, énumère les droits des peuples autochtones, notamment en matière de traditions, d'identité, de santé, d'éducation et de langues. Le Canada avait été l'un des quatre seuls pays, avec l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, à s'y opposer.
ÉTÉ ET AUTOMNE : STANDING ROCK SE TIENT DEBOUT
En juillet, les Sioux de Standing Rock entament leurs procédures judiciaires pour empêcher la compagnie Energy Transfer Partners de faire passer son pipeline Dakota Access près de leur réserve. La communauté craint que le pipeline n'empoisonne la rivière Missouri, dans laquelle elle puise son eau potable, en plus de mettre en péril les lieux sacrés.
Venus des États-Unis, mais aussi de la Côte-Nord, du Manitoba, de la Colombie-Britannique, du Mexique ou bien d'Australie, des membres de plus de 200 nations autochtones - Navajos, Chippewas, Cherokees, Tsleil-Waututh, Innus, Cris, pour ne nommer que celles-là - et des non-Autochtones convergent rapidement vers Standing Rock.
Des campements sont mis sur pied, et les manifestations sont ponctuées par de nombreux affrontements, dont certains particulièrement brutaux.
Début décembre, au terme de plusieurs rebondissements, le gouvernement américain indique qu'il n'accordera pas de droit de passage à la pétrolière, contrainte à modifier son tracé.
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3 AOÛT : L'ENQUÊTE SUR LES FEMMES AUTOCHTONES DISPARUES ET ASSASSINÉES SE PRÉPARE
Longtemps réclamée, la commission fédérale sur les femmes et les filles autochtones assassinées ou disparues est finalement mise sur les rails, après avoir été lancée en décembre 2015.
Dotée d’un budget total de 53,8 millions de dollars, elle est présidée par la juge Marion Buller, membre de la Première Nation Mistawasis, en Saskatchewan.
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Celle-ci est épaulée par quatre commissaires, dont l'ex-présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, Michèle Audette, qui a milité sans relâche pour la tenue de cette enquête publique.
La suite, l'an prochain, lorsque la Commission entendra ses premiers témoins.
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22 SEPTEMBRE - CINQUANTE PREMIÈRES NATIONS S'UNISSENT CONTRE L'EXPANSION DES SABLES BITUMINEUX
Cinquante Premières Nations du Canada, mais aussi des États-Unis, signent à Montréal et à Vancouver un traité d'alliance contre l'exploitation des sables bitumineux. Les signataires s'engagent à interdire l'utilisation de leur territoire pour des projets qui faciliteraient l'expansion de la production pétrolière albertaine.
Ils ciblent des projets d'oléoducs comme Énergie Est, de TransCanada, et Northern Gateway, de la société Enbridge, ainsi que le prolongement de l'oléoduc Trans Mountain, de Kinder Morgan.
Leur but ultime est d'exhorter les gouvernements à adopter des politiques énergétiques plus vertes.
Au fil des mois, l'entente a dépassé les 120 signatures, ralliant notamment l'appui de communautés du Manitoba.
25 NOVEMBRE : APRÈS 100 ANS D'ISOLEMENT, LA « ROUTE DE LA LIBERTÉ » SE CONCRÉTISE
Les résidents de la Première Nation Shoal Lake 40, à la frontière du Manitoba et de l'Ontario, choisissent le tracé final de la route qui rendra la communauté accessible à longueur d'année. Cette dernière s'est retrouvée prisonnière d'une île artificielle il y a environ 100 ans lorsque la Ville de Winnipeg a construit un canal de dérivation et un aqueduc pour s'approvisionner en eau potable.
Alors que les Winnipégois peuvent boire l'eau tirée du lac Shoal, les membres de la communauté autochtone doivent faire bouillir la leur depuis près de 20 ans.
Longue de 24 kilomètres, la route devrait coûter 33 millions de dollars.
29 NOVEMBRE : NON À KINDER MORGAN, OUI À TRANS MOUNTAIN
Le gouvernement Trudeau rejette le projet controversé Northern Gateway, qui devait se rendre dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique, mais approuve l'expansion de l'oléoduc Trans Mountain, entre l'Alberta et Burnaby. Il donne également son feu vert au prolongement de la canalisation 3 d'Enbridge, entre l'Alberta et le Wisconsin.
L'approbation de Trans Mountain, que l'Office national de l'énergie avait assujettie à 157 conditions, désole plusieurs communautés autochtones, préoccupées par les risques environnementaux.
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Northern Gateway et Trans Moutain pouvaient cependant compter sur l'appui de dizaines de groupes autochtones.
6 DÉCEMBRE : HOMMAGE À GORD DOWNIE HONORÉ
Au cours d'une cérémonie émouvante, l'Assemblée des Premières Nations rend hommage à Gord Downie pour ses efforts en faveur de la réconciliation.
À l'automne, le chanteur de Tragically Hip, atteint d'un cancer en phase terminale, a lancé un disque solo, un roman graphique et un film d'animation qui rendent hommage à un jeune Autochtone mort en s'enfuyant d'un pensionnat, il y a 50 ans.
L'artiste s'est aussi allié à un leader autochtone pour encourager les entreprises à favoriser le dialogue avec les Premières Nations.
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15 DÉCEMBRE : DES SUITES À LA COMMISSION DE VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION
Un an après le dépôt d'un rapport sur l'héritage tragique des pensionnats autochtones, Justin Trudeau annonce la création d'un conseil national destiné à mettre en œuvre les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation parmi les 94 qui ne le sont pas encore.
À ce jour, 41 des 45 recommandations relevant du fédéral ou des provinces et territoires ont été concrétisées, ou sont en voie de l'être, dit-il.
21 DÉCEMBRE : QUÉBEC LANCE UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LES RELATIONS AVEC LES AUTOCHTONES
Après avoir fait la sourde oreille pendant plus d'un an, le gouvernement du Québec répond à l'appel des communautés autochtones : les relations entre les corps policiers et les Autochtones feront l'objet d'une enquête publique.
Justice, santé et services sociaux, services correctionnels, protection de la jeunesse : la commission « Écoute, réconciliation et progrès » ratissera cependant beaucoup plus large.
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La commission s'inscrit dans la foulée d'un reportage-choc de l'émission Enquête, diffusé en octobre 2015, dans lequel des femmes autochtones de Val-d'Or dénonçaient des sévices sexuels et des gestes d'intimidation de la part de policiers de la Sûreté du Québec.
D'autres événements survenus en 2016 :
- Le gouvernement Trudeau déposera un projet de loi pour protéger les langues autochtones
- Le fédéral présente des excuses pour les Dénés Sayisi déplacés en 1956
- Pensionnats autochtones à T.-N.-L. : 50 millions pour les victimes
- Des leaders autochtones demandent réparation pour la rafle des années 60
- L’auteur de la fusillade de La Loche plaide coupable de meurtre
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- De l'eau potable après 20 ans d'attente pour Neskantaga
- Grassy Narrows : plus de 90 % des membres de la réserve ont des symptômes d’empoisonnement au mercure
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