Les fausses nouvelles plus populaires que les vraies sur Facebook

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Sur Facebook, les fausses nouvelles semblent avoir été plus populaires que les vraies durant les trois derniers mois avant l'élection présidentielle américaine, selon une analyse du site BuzzFeed. La situation en inquiète plusieurs, dont le président Obama, qui a abordé la question cette semaine à Berlin.
Le 26 septembre dernier, un statut sur la page Facebook Ending The Fed affirmait que le pape François endossait la candidature de Donald Trump dans la course à la présidence des États-Unis. Bien sûr, c’était entièrement faux, mais la publication a tout de même été relayée plus de 6700 fois.
Selon une analyse du site BuzzFeed, il s’agit d’ailleurs de la nouvelle la plus partagée parmi toutes les autres (vraies ou fausses) dans les trois derniers mois menant à l’élection. L’article a recueilli plus de 960 000 mentions j’aime, commentaires ou partages. D’ailleurs, les auteurs semblent particulièrement efficaces. La page Ending The Fed est responsable de 4 des 10 fausses nouvelles les plus populaires pendant ces 3 mois.
C’est le triste constat qui ressort de l’analyse de BuzzFeed, les fausses nouvelles entourant les élections américaines ont généré sur Facebook un taux d'engagement plus élevé que les vraies nouvelles des médias officiels comme le New York Times, le Washington Post, NBC News et d’autres. Durant la dernière étape avant le vote, les 20 canulars les plus influents ont généré 8 711 000 partages, réactions ou commentaires sur Facebook.
Pendant la même période, les 20 articles les plus populaires de 19 sites de médias officiels ont généré un total de 7 367 000 partages, réactions ou commentaires sur Facebook. Et il faut remonter jusqu’au mois de février 2016 pour trouver la nouvelle la plus populaire d’un média reconnu.
Un biais pro-Trump sur Facebook?
Le plus inquiétant, c’est qu’avant cette période cruciale des trois derniers mois avant l’élection, le contenu des médias atteignait plus d’utilisateurs que celui des générateurs de fausses nouvelles sur Facebook. Mais plus l’élection approchait, plus la tendance se renversait. La vraie nouvelle la plus populaire dans les trois derniers mois a été publiée par le Washington Post, avec 876 000 interactions. De son côté, le site Ending The Fed, lancé seulement quelques mois auparavant, a trouvé un auditoire beaucoup plus imposant (avec l’histoire du pape) pendant la même période.
Les deux fausses nouvelles les plus populaires concernaient l’endossement de Trump par le pape et la vente d’armement à Daech par Clinton. En fait, à part deux canulars défavorables à Trump, la plupart lui étaient avantageux.
Mais Mark Zuckerberg se défend des accusations qui voudraient faire porter le fardeau de l’issue des élections américaines à Facebook. Dans un statut sur son réseau, il a indiqué que 99 % du contenu journalistique était authentique. Seule une infime proportion des nouvelles était fausse. Selon lui, ces canulars n'étaient pas limités à un seul camp partisan ni même à la politique. En définitive, pour Zuckerberg, il est très peu probable que les fausses histoires qui ont circulé sur son réseau aient eu une quelconque influence sur l’issue du vote.
Le parcours d’un mensonge
Que Zuckerberg ait tort ou raison, le fait que de fausses nouvelles puissent avoir une telle portée est inquiétant. Dans l’article de BuzzFeed, le professeur en sciences politiques du Dartmouth College Brendan Nyhan indique que Facebook devrait lutter, par tous les moyens, contre la désinformation et désactiver les mécanismes qui l’amplifient.
Récemment, le Huffington Post a cherché à démontrer la facilité déconcertante avec laquelle une fausse information pouvait se propager. Le média en ligne a publié un article avec le titre suivant : « Bernie Sanders pourrait remplacer Trump grâce à une faille méconnue ». En fait, en prenant la peine de lire l’article, on pouvait voir qu’on exhortait les gens à vérifier les faits avant de partager le texte. Ça n’a pas été le cas pour nombre de lecteurs, puisque la publication a été relayée 60 000 fois.
Dans un article du Washington Post, un fabricant de fausses nouvelles en série, Paul Horner, se dit certain que la circulation de fausses nouvelles a aidé à l'élection de Trump. Ses canulars étaient constamment repris par des supporters du camp républicain.
Bien sûr, Facebook n’a pas inventé la fausse nouvelle ou le canular, dont l’histoire remonte jusqu’au 19e siècle. En 1835, le journal The New York Sun avait publié une série de six articles qui détaillaient la découverte d’êtres vivants sur la Lune. Et ce genre de canulars est payant. Le journal avait augmenté ses ventes grâce à cette histoire.
Cela dit, Facebook, avec près de 2 milliards d’abonnés, vient changer la donne et favorise, selon certains, la propagation de fausses nouvelles grâce à ses algorithmes qui augmentent la visibilité d’une histoire selon le taux d’engagement qu’elle suscite.
Alors, que fait-on?
Bien sûr, on peut rapporter les fausses nouvelles quand on les détecte. Mais ça prend du temps et des efforts, et les résultats peuvent se faire attendre.
L’espoir se trouve peut-être ailleurs, notamment dans l’acquisition de l’entreprise Crowdtangle par Facebook, qui permet de voir de quelles manières une publication se propage. Certains espèrent qu’en voyant l’évolution d’une nouvelle, on pourra débusquer et retirer plus facilement une fausse nouvelle.
En attendant le déploiement de cette technologie, un groupe d’employés de Facebook a formé un groupe de travail non officiel pour tenter de trouver une solution au problème. Il semble que si Mark Zuckerberg n’est pas préoccupé par la situation, certains de ses employés ne sont pas du même avis.