Repenser le logement pour mieux vieillir

Prenez note que cet article publié en 2016 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Il existe des logements adaptés pour des aînés du Nouveau-Brunswick désireux de vouloir rester plus longtemps à domicile. Des modèles abordables, communautaires, conçus pour les aînés et en grande partie par les aînés.
Le Village en haut du ruisseau, situé à Dieppe, près de Moncton, intègre ce type d'habitations. Le promoteur a maximisé le nombre de maisons par hectare tout en protégeant l'environnement naturel.
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Près de 80 % du quartier a été protégé explique l'urbaniste Daniel Savard qui aidé à développer le lotissement. Les personnes âgées, dit-il, aiment pouvoir marcher dans le bois, dans des sentiers où ils peuvent jaser avec les voisins.
Bien que le quartier n’ait pas été construit spécifiquement pour les aînés, il s’approche d’un modèle de cohabitation communautaire pour les personnes âgées tel qu'il en existe dans l'ouest du pays.
Tes voisins deviennent comme les personnes qui vont t’aider
Le concept est relativement simple : ici on ne vend pas seulement des maisons, mais aussi un mode de vie. Daniel Savard nous montre les ajustements qu’on pourrait faire au quartier; par exemple rétrécir l'espace entre les propriétés à six mètres, aménager entre deux résidences un jardin communautaire et en périphérie, construire une maison qui deviendrait un lieu de rencontre.

L'urbaniste Daniel Savard montre à quoi pourrait ressembler un quartier de cohabitat pour personnes âgées.
Photo : Radio-Canada / Daniel Savard
« Dans cette maison en commun, les repas pourraient être partagés, on pourrait avoir des activités, des cours, elle aurait aussi des unités réservées à des gens - des infirmières - qui pourraient aider des personnes âgées à mobilité réduite », explique Daniel Savard.
Avec les cohabitats c'est les personnes âgées qui décident comment elles veulent vivre, ce n'est pas le développeur qui dicte comment ça va être fait.
Le cohabitat pour personnes âgées est un modèle communautaire basé sur l'entraide entre voisins. Le modèle favorise la marche, la remise en forme. Les voitures, par exemple, pourraient être stationnées à la maison en commun. « En marchant vers l'unité, dit l’urbaniste, il y a des gens qui vont dire " comment on emmène les sacs d'épicerie ", eh bien il y a des cohabitats qui ont organisé avec ça des brouettes! »
« Au Danemark et aux États-Unis, ils ont noté que les gens sont beaucoup plus heureux, vivent mieux et plus longtemps. Il y a moins de gens qui vont se retrouver dans des soins plus aigus », dit Daniel Savard.
Trois villes du N.-B. intéressées à implanter le modèle de cohabitat pour personnes âgées :
- Tracadie
- Saint-Jean (Villa Loch Lomond)
- Blacks Harbour
Plus de monde au même endroit
La clé du succès pour convaincre un promoteur, c'est la densité, soit le fait de construire plus de maisons sur un espace donné. « Ici, on a une densité de 6,8 unités à l'acre ce qui permet au développeur de pouvoir offrir de l'espace vert qui permet aussi d'offrir du logement abordable. »
La densité permet aussi de convaincre les municipalités de prévoire un arrêt dans ces quartiers pour les lignes de transport en commun. Un ajout primordial pour les personnes âgées qui n’ont plus de permis de conduire.
Des modèles de cohabitation pour les aînés existent dans d'autres provinces, mais pas encore au Nouveau-Brunswick.
Le cohabitat pour personnes âgées tel qu'au Danemark, aux États-Unis ou dans l'Ouest canadien ça n'existe pas à l'est du Québec.
Selon Daniel Savard, le projet de cohabitat est méconnu en Atlantique. Il estime qu'un projet-pilote doit être mis en place pour susciter l'intérêt des aînés et des promoteurs.

L'urbaniste Daniel Savard aimerait implanter un modèle de cohabitat communautaire pour personnes âgées au Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
« Moi mon rêve, c'est de construire un cohabitat pour personnes âgées hier matin. Je sais que des gens seraient intéressés à s'y installer demain matin ; moi-même je serais intéressé » affirme Daniel Savard.
Selon lui, le gouvernement provincial à un rôle à jouer pour faciliter la mise en oeuvre au niveau local de ces projets. « Au niveau local, il va falloir que de la formation se donne, il va falloir que les gens comprennent de quelle façon on peut améliorer notre façon de vivre. »
Construire une maison pour ses parents
La cohabitation de proximité n'existe pas encore au Nouveau-Brunswick. La cohabitation au sein d'une même maison - les maisons intergénérationnelles - est plus répandue. Les enfants y hébergent leurs parents âgés et s'occupent d'eux.

La maison intergénérationnelle de la famille Colette-Ouellet à Dieppe au Nouveau-Brunswick.
Photo : Radio-Canada
« C'est pas pour tout le monde, il faut vraiment avoir une belle proximité avec ses parents. On a un beau dialogue moi et ma mère », dit Claire Colette, propriétaire d’une maison intergénérationnelle.
Il y a 14 ans, Claire Colette et son mari ont décidé de construire une toute nouvelle maison pour eux et leurs parents. La maison est plus grande, avec deux portes d'entrée, des portes communicantes entre les deux logements et des pièces partagées comme la salle de lavage. Ils ont partagé les frais de construction en fonction de la capacité de payer des parents et ceux-ci payent un loyer.
« Je trouve qu'elle est beaucoup plus éveillée. Je vois mon beau-père en résidence, il y a des activités là-bas, mais t'es encore dans ta chambre dans une résidence. Tu peux pas aimer tout le monde et tout le monde ne peut pas t'aimer. C'est difficile », explique Claire Colette.

Corinne Ouellet et sa fille Claire Colette habite une maison intergénérationnelle.
Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
Le vivre ensemble
Ce n'est pas donné à tout le monde de vivre avec ses parents dit Claire Colette, il faut aussi une bonne dose d'adaptation. « Les petits-enfants ça prend de la place, lance en riant Corinne Ouellet, la mère de Claire Colette. Il faut se faire à l'idée que ça dure pas longtemps, quand les jeunes viennent, ça leur prend leur télévision et ça parle tous ensemble... Moi je viens que je parle plus du tout » dit-elle.
« Ça dépend des caractères, ça dépend réellement si on s'aime assez. Elle vient encore m'embrasser à tous les soirs, elle me catine c'est bien agréable », poursuit-elle. Sa fille ajoute que « c'est peut-être pour ça aussi qu'elle est moins malade, c'est toutes des choses qui fait que la personne peut mieux vieillir ».

Corinne Ouellet habite une maison intergénérationnelle avec sa fille et son mari.
Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
Corinne Ouellet a 93 ans aujourd'hui et est encore autonome. Elle espère que le modèle de maisons intergénérationnelles va gagner en popularité. Cela permettrait de rapprocher les familles, dit-elle.
Tu as un parent qui a tout fait pour que tu sois bien adulte, maintenant c'est à ton tour à donner et les personnes âgées ne demandent pas beaucoup.
Le rôle du gouvernement
Il y a bien des programmes pour la rénovation, mais ils offrent peu, estime Claire Colette. Il faudrait trouver des incitatifs pour encourager les plus jeunes à s'occuper de leurs parents, selon elle.
« C'est ça qui va être un des problèmes, c'est que les jeunes vont dire "s'ils me donnent rien, moi je vais pas prendre de ma pension", c'est ça qui va être difficile », dit Claire Colette.
De son côté, Corinne Ouellet, estime qu’il faut investir dans la sensibilisation et l’éducation.
« Ce serait parfait d'avoir plus de maisons intergénérationnelles, mais il faudrait commencer à parler dans les universités du rôle des enfants. Les jeunes sont pas habitués, ils sont tellement gâtés! Je ne sais pas s’ils pourront faire ça », dit-elle.
Corinne Ouellet ajoute qu’elle ne veut pas être un fardeau pour sa fille. Lorsqu’elle perdra son autonomie, elle ira au foyer, mais ce sera pour y mourir conclut-elle.
Ce reportage est le troisième d'une série de reportages sur le vieillissement qui sera diffusée sur toutes nos plateformes au cours de la prochaine semaine.