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À première vue, le dépanneur sur le campus de McGill n'a pas l'air si différent des autres commerces de ce genre.  | Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

Un dépanneur où l’on peut prendre un café, une barre de chocolat et un sac de croustilles, puis partir tout bonnement sans passer par la caisse : cette vision est déjà une réalité sur le campus de l’Université McGill, où Couche-Tard fait l’expérience de son commerce « sans friction ». Nous l’avons visité.

Une dizaine de personnes font la file dans un dépanneur alors que les cours s’apprêtent à commencer en ce mercredi matin sur le campus de McGill. Sauf que ce dépanneur n’est pas comme les autres : si on lève les yeux, on découvre au plafond un réseau de caméras de surveillance qui couvre chaque angle de chaque allée du magasin.

Des caméras observent les mouvements de la clientèle.
Des caméras observent les mouvements de la clientèle. | Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

Lorsqu’une personne entre dans le magasin, le système commence la traque. Les caméras détectent seulement que je suis un humain, elles n’identifient pas la race ou le sexe, précise Charles de Brabant, directeur général de l’École Bensadoun de commerce au détail, rencontré sur place.

M. de Brabant se rend au réfrigérateur du fond, empoigne deux boissons sportives et une barre de chocolat. Les caméras ont saisi chacun de ses mouvements; elles enregistrent chaque produit qu’il prend dans ses mains.

Ses articles en main, il approche son téléphone d’une borne à la sortie. La machine l’identifie au moyen d’une application mobile, puis le système débite le coût de ses achats sur l’option de paiement qu’il a choisie. Il ne lui reste plus qu’à sortir du magasin sans plus de façons.

Il ne suffit que d'approcher son téléphone de la borne pour que le système fasse le lien entre une personne dans le dépanneur, ses achats, et un profil de paiement préalablement enregistré.
Il ne suffit que d'approcher son téléphone de la borne pour que le système fasse le lien entre une personne dans le dépanneur, ses achats, et un profil de paiement préalablement enregistré. | Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

Un succès qui se fait toujours attendre

Le Couche-Tard du campus de McGill est un commerce hybride, pour l’instant du moins : il y a du personnel à la caisse, en plus de l’option sans contact. Mais tout au long de notre visite, une dizaine de personnes attendaient à la caisse avec être humain , alors que deux personnes seulement ont utilisé la machine de paiement automatique.

Notre taux d’utilisation n’est pas aussi élevé qu’il devrait l’être, souligne M. de Brabant. Les gens peuvent y aller, mais ils ne le font pas. Il cite comme cause l’absence d’éducation à la clientèle.

Malgré tout, Couche-Tard va de l’avant avec l’automatisation. Cette multinationale a investi massivement dans une technologie de l’entreprise Mashgin, qui utilise la vision par ordinateur pour calculer la facture. La clientèle n’a qu’à déposer ses achats sur un petit tapis, et une caméra reconnaît les articles et calcule le montant total.

Le système reconnaît qu'il y a un humain dans le dépanneur, mais n'enregistre pas ses attributs comme la race ou le genre.
Le système reconnaît qu'il y a un humain dans le dépanneur, mais n'enregistre pas ses attributs comme la race ou le genre. | Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

Une solution à la pénurie de main-d'œuvre?

Le PDG de Couche-Tard, Brian Hannasch, a déclaré le mois dernier qu’en moyenne 40 % des achats se faisaient désormais avec cette technologie dans les magasins où elle est implantée.

L’entreprise espère ainsi trouver une solution à son problème de recrutement de personnel, un enjeu qui frappe durement le secteur de l’alimentation.

Est-ce qu’on va voir les machines prendre entièrement la place des êtres humains dans les dépanneurs? Rien n’est moins certain, selon Charles de Brabant. Il y a une raison, plus fondamentale, pour laquelle les gens préfèrent en général aller à la caisse ordinaire, selon lui.

« On est des bêtes sociales, même si c’est juste de regarder le caissier ou la caissière, ça a son impact. Dans un environnement où les taux de solitude sont effarants, et en augmentation, il ne faut pas négliger la puissance de l’interaction humaine.  »

— Une citation de  Charles de Brabant

Il fait valoir qu’avec l’arrivée du commerce en ligne, tout le monde s’attendait à ce que ce soit la fin du commerce physique. Mais le magasinage physique s’est révélé très résilient face à cette nouvelle technologie; les gens aiment encore aller faire leurs achats dans le vrai monde , même si l’option du commerce électronique est plus simple que jamais.

Un dépanneur automatisé pour accommoder un village

Une technologie semblable à celle que Couche-Tard a mise en place est utilisée dans un petit village de Saint-Léandre, dans le Bas-Saint-Laurent. Lorsque le seul dépanneur du village a fermé ses portes, la propriétaire d’une entreprise de fabrication de minimaisons a eu l’idée de prendre la relève.

Le petit dépanneur, appelé LIB, sert la communauté de Saint-Léandre depuis le printemps 2023.(Nouvelle fenêtre) La fondatrice de l’entreprise, Camille Therrien-Tremblay, explique que les gens doivent utiliser leur téléphone intelligent pour entrer dans le petit dépanneur de 14 mètres carrés. Toujours grâce au téléphone, la clientèle scanne ses articles et peut ensuite payer avec une application, puis sortir.

Le Lib-dépanneur a été inauguré à Saint-Léandre ce printemps.
Le Lib-dépanneur a été inauguré à Saint-Léandre ce printemps. | Photo : Gracieuseté de Patrick Gauthier

À cause de ces étapes qui demandent une bonne aisance avec la technologie, de nombreuses personnes peuvent être exclues de ce type de commerce. C’est certain qu’on ne va pas rejoindre tout le monde, souligne Mme Therrien-Tremblay. Mais des gens qui étaient zéro techno sont allés s’acheter un cellulaire parce qu’ils voulaient avoir accès au dépanneur.

L’entreprise de Camille Therrien-Tremblay est appelée à grandir : l’entrepreneure y voit un potentiel immense, notamment pour des campings, des pourvoiries, des kiosques dans des fermes, etc.

Moi, j’y crois à ça, parce que c’est pertinent et intuitif , soutient Charles de Brabant. Ces deux critères sont pour lui au centre d’une automatisation réussie : le dépanneur du futur – le vrai – aura un système qui répond réellement aux besoins des gens.

À première vue, le dépanneur sur le campus de McGill n'a pas l'air si différent des autres commerces de ce genre.  | Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne